Un sujet de maîtrise aux visées colossales: Chiffrer le risque thérapeutique des PSN

Juger de la sécurité d’un produit de santé naturel (PSN) peut s’avérer difficile. Pourtant, c’est ce que le pharmacien et consultant en PSN Jean-Yves Dionne tentera d’accomplir par le biais de ses études universitaires. Il a entrepris une maîtrise afin d’évaluer, de façon chiffrée, le risque potentiel des PSN par rapport à leur bénéfice.L’implication de Jean-Yves Dionne dans le projet a commencé en 2008. Les directeurs de recherche de l’Université de Montréal, le Dr Pierre Haddad du département de pharmacologie et Sylvie Perreault de la Faculté de pharmacie, avaient alors demandé sa collaboration.« Ce qui pourrait sortir de mon travail, c’est une grille d’analyse de la probabilité du risque, indique Jean-Yves Dionne. Natural Database en a une, mais je pense aller un peu plus loin et rendre la grille formelle pour être capable de commenter. » Par exemple, si Natural Database affirmait que le risque d’utilisation d’un PSN en interaction avec un autre produit ou médicament était majeur, la nouvelle grille d’analyse pourrait peut-être aider à réfuter de telles allégations en trouvant un risque mineur.Le but de la recherche est d’aider les pharmaciens et autres professionnels de la santé à mieux déterminer les risques des PSN, révèle le consultant, mais surtout d’aider les législateurs comme Santé Canada en offrant « un outil formel pour prendre une décision sur le potentiel de risque ».Chiffrer la valeur thérapeutiqueÀ partir d’études cliniques disponibles dans la littérature scientifique et de rapports de toxicologie de différentes banques de données, Jean-Yves Dionne doit faire l’analyse en intention de traiter (Intent to treat analysis) des PSN. Cette approche requiert deux valeurs : le nombre de personnes nécessaires avant qu’un PSN guérisse l’une d’entre elles (number needed to treat ou NNT) et le nombre de personnes nécessaires pour que le même PSN entraîne un effet secondaire grave (number needed to harm ou NNH). Un effet secondaire grave est décrit comme « nécessitant l’intervention d’un médecin ».« Grâce à ces deux données, on obtient le rapport risque/bénéfice (NNH sur NNT), explique le pharmacien. À partir de ce rapport, on jugera de la sécurité du produit. Si la fraction est très petite, il n’y aura pas vraiment d’effet secondaire grave. Par exemple, un produit avec un effet secondaire grave sur un million et 75 % de réussite est très sécuritaire. »« Avec l’Intent to treat analysis, même si des participants ont abandonné l’étude en cours de route, on les garde dans l’analyse finale, continue-t-il, l’idée étant que, dans la vraie vie, bien des patients arrêtent de prendre une prescription. » Alors, si on étudie 500 personnes qui doivent consommer un médicament et que 100 quittent l’étude, l’Intent to treat montre déjà qu’un maximum de 80 % des sujets pourraient avoir bénéficié d’un effet positif. « Ce genre d’analyse se compare beaucoup plus à ce qui se passe dans la réalité. Dans le bureau du médecin, les patients ne sont pas choisis, on n’a pas de protocole supervisé. Les gens sortent avec la prescription, mais ne savent pas s’ils prendront le médicament. »Un travail de moineLe travail de Jean-Yves Dionne n’en est encore qu’à ses premiers balbutiements. Il s’occupe actuellement de la revue scientifique et de la collecte de données. Et comme cette tâche colossale s’échelonnera sur plusieurs années, la maîtrise se transformera bientôt en doctorat.Ce qui gâte aussi un peu la sauce, c’est qu’il existe peu ou pas d’études cliniques pour certains PSN. Et celles qui existent sont-elles bien faites ou assez puissantes statistiquement? s’interroge le pharmacien.Par ailleurs, plusieurs facteurs, comme les différentes concentrations d’ingrédients utilisées pour un produit d’une compagnie à l’autre, peuvent rendre difficile l’évaluation de son risque/bénéfice. « Le dosage suggéré sur l’étiquette, la concentration des ingrédients actifs, tout ça concerne le risque, affirme Jean-Yves Dionne. Par exemple, si un produit fait avec du millepertuis est standardisé en hyperforine, on aura plus d’interactions [avec certains médicaments] que pour un produit qui ne l’est pas. »Peu importe les difficultés, l’important est de débroussailler ce monde très souvent « flou ». Pourtant, il y a encore loin de la coupe aux lèvres…

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