Un pharmacien sanctionné pour des vols de psychotropes répétés

Pharmacien remplaçant, Étienne Dauphin a profité pendant près de deux ans de ses affectations pour se servir des psychostimulants à même les stocks. Biphentin, Ritalin, Concerta, Dexedrine ou encore Vyvanse, il dérobait ces médicaments à petites doses dans l’inventaire des 13 pharmacies communautaires où il a officié entre août 2017 et juin 2019. Une fois, alors qu’il travaillait dans un centre de santé en Abitibi, il s’est même fabriqué une fausse prescription de 75 comprimés de méthylphénidate, découlant d’une ordonnance verbale fictive pour laquelle il a utilisé le nom et le numéro de permis de son médecin traitant. Ces actes auraient pu passer sous le radar, si ce n’est la vigilance d’un pharmacien propriétaire de trois pharmacies dans lesquelles Étienne Dauphin effectuait régulièrement des remplacements en Estrie. Après avoir noté des écarts récurrents de certains psychotropes dans les stocks de ses officines – écarts qui coïncidaient avec ses dates de présence –, il a déclenché une enquête interne. Le pharmacien remplaçant a ainsi été filmé à son insu en train de dérober des médicaments qu’il a ensuite déposés dans son sac à dos. Confronté par le propriétaire, Étienne Dauphin admet les faits aussitôt. Il lui avoue s’être approprié quotidiennement, pour son usage personnel, une petite quantité de psychostimulants afin de rester concentré et d’éviter les distractions occasionnées par les bruits ambiants et les autres stimuli. Surpris et ébranlé par ses aveux, le pharmacien propriétaire invite alors son confrère à rapporter la situation à l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ). Étienne Dauphin s’exécute et transmet au Bureau du syndic une déclaration relatant les faits qu’il a commis dans ces trois pharmacies. Durant l’enquête disciplinaire déclenchée dans la foulée, il va également dévoiler ses vols commis dans le centre de santé Inuulitsivik et les 12 autres pharmacies communautaires qu’il ciblait en fonction des faiblesses de leurs systèmes de contrôle interne. 29 radiations temporaires Malgré des aveux plus ou moins spontanés, son plaidoyer de culpabilité aux 29 chefs d’accusation qui lui étaient reprochés ainsi que les excuses et regrets sincères qu’il a exprimés devant le Conseil de discipline de l’OPQ, ce dernier vient de lui imposer une radiation temporaire de sept jours, une autre de deux mois, et 27 de huit mois, à purger simultanément. Il a également prolongé la limitation d’exercice à laquelle le pharmacien avait consenti au début de l’enquête. Elle restera en vigueur pendant une période de six mois après sa réinscription au tableau de l’Ordre. Le professionnel devra en conséquence s’abstenir de préparer, de contrôler l’inventaire et de procéder à la destruction, à la gestion des registres d’achat et de vente ainsi qu’à la commande des stupéfiants, des drogues contrôlées et des substances désignées. Pour le Conseil, les infractions commises par Étienne Dauphin sont «objectivement graves parce qu’elles sont liées à des activités réservées au pharmacien» et, car les médicaments en cause sont des substances visées à l’une des annexes de la Loi règlementant certaines drogues et autres substances, auxquelles l’accès est accordé à un nombre restreint de professionnels. À lire aussi: Un pharmacien accordait des rabais aux clients, et surfacturait les assureurs «Une telle appropriation de substances ternit la réputation de tous les pharmaciens et contribue à entretenir une perception négative auprès du public au sujet des membres de l’Ordre. Cela est encore plus vrai lorsque, comme en l’espèce, le pharmacien se sert à même l’inventaire des médicaments d’une pharmacie communautaire qui représente une ressource de proximité importante pour les patients de la région desservie et qui n’est pas à l’épreuve d’un manque de disponibilité de médicaments», ajoute le Conseil en estimant que les agissements de l’intéressé «sème(nt) un doute quant à savoir s’il est digne de confiance et possède les mœurs et les qualités personnelles requises pour exercer la profession, comme la probité». Par ailleurs, le Conseil mentionne dans sa décision qu’Étienne Dauphin avait de quatre à six années d’expérience professionnelle lors des infractions. Il était «donc en mesure d’apprécier la gravité et le caractère hautement répréhensible de ses appropriations (qui s’assimilent à des vols de psychostimulants) et le risque sérieux d’atteinte à la confiance du public, à sa réputation et à celle de la profession». Un problème de santé non traité plutôt qu'un problème de dépendance Pour sa défense, le pharmacien a indiqué que dès la découverte de ses méfaits, il avait consulté son médecin traitant afin qu’il établisse un plan pour régler son problème de consommation. Ce dernier lui a diagnostiqué un trouble affectant son comportement et sa capacité de concentration et lui a prescrit la médication appropriée, qu’il continue de prendre aujourd’hui. Dix-huit mois plus tard, et alors que l’enquête était toujours en cours, ce médecin a attesté de la capacité de l'intimé à exercer sa profession, estimant sa condition de santé stabilisée. Étienne Dauphin explique par ailleurs que ses actes répréhensibles, dont il reconnaît la gravité, découlent d’une condition de santé non traitée plutôt que d’un problème de dépendance. Il affirme ainsi ne jamais avoir souffert d’un besoin irrépressible et incontrôlable de consommer une substance ou d’effectuer certaines actions. Une déclaration à laquelle le Conseil a souscrit en estimant que son risque de récidive était faible. Au printemps 2021, le pharmacien a retrouvé un emploi au sein d’une pharmacie communautaire située à Granby, après avoir préalablement dévoilé ses méfaits passés à la propriétaire l’ayant embauché. Étienne Dauphin explique qu’il ne veut plus être pharmacien remplaçant et qu’il envisage de poursuivre ses activités professionnelles au sein d’une pharmacie comme celle où il exerce actuellement.

Un pharmacien sanctionné pour des vols de psychotropes répétés

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