Un pharmacien lourdement sanctionné

Rattrapé par son association passée avec Jonathan-Yan Perreault, mais poursuivi aussi pour ses propres agissements, André Gosselin vient d’être sévèrement condamné par le conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ). Les actes reprochés au pharmacien propriétaire «sont très sérieux» et «mettent en cause son indépendance professionnelle ainsi que son intégrité», souligne la décision publiée le 22 janvier dernier. L’intéressé, qui a plaidé coupable à quatre des sept chefs dont il était accusé, se voit imposer des amendes d’un montant total de 31 000$, auxquels s’ajoutent les frais de procédure et d’audience. Parmi les facteurs aggravants, outre son expérience significative — il est inscrit au tableau de l’Ordre depuis 2007 et possède trois pharmacies dans la région du Haut-Saint-Laurent —, André Gosselin «a fait preuve d’une certaine forme d’aveuglement volontaire», note le conseil de discipline en déplorant qu’il ait commis d’autres infractions alors qu’il avait été informé qu’il ne respectait pas les règles de facturation de la Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ). Dans son officine gérée en nom propre à Châteauguay, qui est située dans une résidence pour aînés (RPA), André Gosselin offrait un service quotidien de distribution de médicaments aux patients dans l’incapacité de prendre eux-mêmes leur traitement. Entre décembre 2018 et septembre 2019, cinq résidents s’en sont prévalus, certains à raison de deux à trois fois par jour. Un «service à la carte» également proposé par la RPA ou dont ils auraient éventuellement pu bénéficier via le CLSC. «Nul n’est censé ignorer la loi» Durant cette période, le pharmacien a facturé à la RAMQ plusieurs services pharmaceutiques associés à la remise quotidienne de médicaments en vertu d’une règle — la règle 25 — de l’entente collective 2018-2020 qui ne s’applique pas aux patients demeurant en RPA. Il aurait plutôt dû appliquer la règle 24, pour un service de pilulier hebdomadaire, qui elle concerne les aînés vivant en résidence. La différence? Une facture globale de près de 25 000$ avec la règle 25 contre une somme d’environ 1500$ avec la règle 24. Soit 17 fois plus. Malgré deux infolettres à ce sujet envoyées auparavant par l’Association des pharmaciens propriétaires du Québec (AQPP), dont les membres avaient également reçu courant 2018 la version intégrale de l’entente ainsi que de la documentation sur les modalités de facturation de la règle 25, André Gosselin a déclaré qu’il avait appris l’exclusion des patients en RPA de cette règle lors d’une discussion avec le syndic le 5 août 2019. S’il confirme avoir reçu les documents de l’AQPP, il reconnaît qu’il n’a pas attentivement examiné leur contenu. «Dans un tel contexte, [le pharmacien] peut difficilement invoquer l’ignorance. [Il] avait en main toutes les informations en temps utile pour se conformer à l’entente», estime le Conseil qui juge qu’il «savait ou devait savoir qu’il ne pouvait pas se prévaloir de la règle 25 (…) et qu’il a fait preuve d’aveuglement volontaire». Le Conseil souligne en effet qu’André Gosselin a été clairement avisé le 9 août 2019 par une représentante de l’AQPP de l’exclusion des patients en RPA, mais qu’il a continué de se mettre en infraction jusqu’au 13 septembre pour deux d’entre eux. Le pharmacien, qui a entre-temps remboursé la RAMQ du trop-perçu, a plaidé que ces infractions «ne révèlent pas une supercherie de sa part ni un système de facturation illégale». Il dit avoir agi avec de bonnes intentions et dans l’intérêt de ses patients afin de leur éviter une rupture de services. Un argument auquel le Conseil a sans doute été sensible en lui infligeant une amende de 8000$ pour manque d’intégrité, alors que le syndic demandait une radiation temporaire de 10 mois pour ce chef-là. Une ATP sans supervision Ouverte au départ pour une erreur de préparation et de livraison de pilulier à un patient de la RPA, l’enquête du syndic a également révélé un problème de supervision au sein de la pharmacie d’André Gosselin. Les matins, une assistante technique en pharmacie (ATP) y préparait seule des médicaments, dont elle réclamait le paiement à la RAMQ, sans la présence ni la surveillance d’un pharmacien. Entre le 8 décembre 2018 et 8 septembre 2019, cette ATP a facturé seule quelque 14 293 actes, soit deux tiers des services rendus par la pharmacie durant cette période. Tous ces piluliers étaient néanmoins vérifiés par un pharmacien sur place en après-midi, peut-on lire dans la décision qui mentionne aussi que depuis l’enquête, André Gosselin a modifié l’organisation du travail. Les piluliers sont désormais préparés à sa pharmacie de La Prairie et ensuite acheminés à celle de Châteauguay. Malgré ces changements, le pharmacien a, durant 10 mois «fait défaut de prendre les moyens raisonnables pour que les personnes qui collaborent avec lui dans l’exercice de la pharmacie et qui ne sont pas pharmaciens respectent l’article 2.02 du Règlement déterminant les actes visés à l’article 17 de la Loi sur la pharmacie pouvant être exécutés par des classes de personnes autres que des pharmaciens», rappelle le Conseil qui a décidé de lui imposer une amende de 5000$. Avantages illégaux du temps de Perreault Les quatre autres chefs d’accusation dont André Gosselin devait répondre (il a plaidé coupable à trois d’entre eux, sa culpabilité ayant été établie par le Conseil pour le quatrième) visaient sa pharmacie Uniprix à La Prairie, qu’il exploitait alors en association avec Jonathan-Yan Perreault. Dans ce cadre-là, le pharmacien a reçu des avantages d’un grossiste (McKesson Canada) et de trois fabricants de médicaments génériques (Apotex, Actavis et Sandoz) entre février 2013 et mai 2016; avantages dont la somme finale avoisine les 152 000$. Le syndic souligne la «pluralité des infractions» et leur durée tout en précisant que les montants en jeu excèdent la limite des 15% fixée par la loi (dans le cas de Sandoz, le rabais équivalait à 55%!) et que M. Gosselin ne les a pas remboursées. Pour sa défense, André Gosselin a indiqué que c’est Jonathan-Yan Perreault qui avait négocié ces ententes et que ce dernier prétendait qu’elles étaient légales. Depuis qu’il a mis un terme à son association avec le sulfureux pharmacien, radié en 2017 pour une période de 32 ans, M. Gosselin déclare faire preuve de prudence en demandant systématiquement conseil à son avocat avant de signer des ententes ou des contrats liés à ses pharmacies. Il souligne que la reprise en main la gestion de son officine lui a posé plusieurs défis, car il risquait la faillite, et qu’il a sérieusement songé à cesser l’exercice de la profession. Craignant un risque de récidive, le syndic demandait de fixer à 30 500$ le montant des amendes pour ces quatre chefs d’accusation. Le Conseil n’a pas suivi cette recommandation et a préféré tenir compte du contexte et des circonstances propres à la situation d’André Gosselin pour lui imposer 18 000$ d’amendes

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