Un médecin malade ne devrait pas attendre huit heures aux urgences

Rien n’est meilleur que l’égalité et rien n’est plus amer que la discrimination. Cependant, la rigueur peut créer un effet négatif que ceux qui en font preuve ne voient pas forcément. En effet, ils sont habitués à appliquer le règlement et ils n’ont peut-être jamais pensé à ses conséquences - ou ne veulent peut-être pas y penser. Bien sûr, permettre le changement peut générer des problèmes spécifiques, mais ici, l’esprit humain émerge pour distinguer quand il faut être strict avec les règles et quand il faut ouvrir un peu la porte, dans des cas extrêmement exceptionnels, parce que cela peut être utile à plus de gens, beaucoup plus que de fermer la porte complètement. Certains diront qu’il n’est pas possible d’entrouvrir une porte, car cela peut conduire à l’ouvrir en grand, et c’est là que le chaos commence et prévaut. Mais ici, l’esprit humain émerge à nouveau pour filtrer et choisir le bon moment, pour les bonnes personnes, avec un peu de flexibilité. Une collègue m’a contacté pour un problème personnel, puis nous avons parlé des difficultés auxquelles nous sommes confrontés, les pressions qui s’accentuent, les demandes en croissance des patients, le manque de ressources disponibles, etc. Lire aussi: Qu'est-ce qui fait souffrir les médecins? Ma collègue s’est étendue sur sa santé personnelle et sur le fait qu’elle a dû se rendre aux urgences récemment. «Après avoir terminé mon travail un soir, je me suis rendue aux urgences et j’étais dans une telle situation qu’il était difficile de m’asseoir sur la chaise de la salle d’attente !» Elle a attendu huit heures avant de pouvoir voir un urgentologue, mais le lever du soleil était déjà passé. Le médecin n’est resté avec elle que quelques minutes, en lui disant qu’elle n’avait pas besoin d’un long entretien, car «vous êtes médecin» et vous en savez déjà beaucoup. Ma collègue s’est ensuite arrêtée chez elle pour se changer et elle s’est rendue à sa clinique pour commencer sa journée de travail. De nombreuses questions se posent Comment ma collègue peut-elle recevoir efficacement ses patients en consultation après cette longue nuit? Le fait de travailler lorsqu’elle est aussi fatiguée n'augmente-t-il pas le risque qu’elle commette une erreur médicale? Les patients comprendront-ils qu’elle est fatiguée, qu’elle est malade elle aussi et qu’elle est un être humain? Quelqu’un au service des urgences s’est-il rendu compte que huit heures d’attente n’ont pas nui qu’à ma collègue, mais à tous ses patients le lendemain, et peut-être le jour d’après? Que se serait-il passé si ma collègue avait réussi à voir directement le médecin, puis à rentrer chez elle pour être prête à affronter une autre journée remplie de consultations avec ses patients? Cela nuirait-il au système de santé si le médecin bénéficiait d’une exception spéciale pour entrer directement aux urgences et consulter un médecin? (Je suis convaincu, comme vous, que les médecins n’abuseront pas de ce genre de courtoisie professionnelle.) Cette exception nuira-t-elle à l’horaire des urgences et prolongera-t-elle les temps d’attente? (On peut se poser la question, car on sait que l’examen d’un médecin par un autre médecin est très différent, car le médecin malade ne pose pas autant de questions que les patients ordinaires et n’a pas besoin d’explications détaillées.) Les patients dans la salle d’attente se révolteraient-ils, protesteraient-ils et perturberaient-ils le monde si un médecin est prioritaire? Une carte spéciale Je suis originaire du Moyen-Orient, et lorsqu’on évoque cette région, beaucoup pensent au terme «tiers monde». Ils pensent au sous-développement ou aux conflits culturels, notamment. Mais je voudrais dire que dans ce tiers monde d’où je viens, lorsque le médecin est le patient, il bénéficie d’une priorité spéciale; il n’attend pas comme les autres et ne reste pas assis aux urgences à se tordre de douleur pendant des heures. Là-bas, tout le monde se rend compte que lorsque les médecins se rendent aux urgences, c’est qu’ils sont vraiment malades. Ils ont un horaire qui n’est pas toujours facile à modifier et le fait d’obtenir des soins rapides leur permet de s’occuper eux-mêmes d’un plus grand nombre de patients le lendemain, dans leur clinique ou leur hôpital. Lire aussi: Appel à tous les médecins: les omnipraticiens ont vraiment besoin de votre aide Partant de là, je demande et j’exhorte en conséquence l’Association médicale ontarienne et d’autres associations à s’engager sérieusement dans la recherche d’une solution pour les visites des médecins aux urgences. Il faudrait leur remettre une carte spéciale qu’ils pourraient utiliser lorsqu’ils s’y rendent afin que leur visite soit accélérée et que leur départ le soit aussi pour qu’ils puissent se consacrer à leurs patients. Est-ce que je rêve?

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