Des gastroentérologues recommandent d'éviter de passer aux biosimilaires sans raison médicale

Ottawa — Les patients atteints d’une maladie inflammatoire de l’intestin qui répondent bien aux inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale (anti-TNF) ne devraient pas passer aux biosimilaires pour des raisons non médicales, selon une nouvelle revue de la littérature. Autrement dit, le prix des traitements ne devrait pas influencer la décision.La revue était incluse dans un énoncé de position de l’Association canadienne de gastroentérologie (ACG) et de Crohn et Colite Canada.La revue a porté sur les biosimilaires disponibles au Canada à l’heure actuelle. Les chercheurs se sont concentrés sur des essais cliniques randomisés comparant le traitement anti-TNF infliximab (Remicade) à son biosimilaire CT-P13 (Inflectra ou Renflexis) chez des patients atteints de maladie inflammatoire de l’intestin.Nouvelles donnéesL’examen apporte des éléments de preuve quant à savoir si les patients sous traitement anti-TNF — ou produits biologiques — devraient passer aux biosimilaires, puisque ces derniers sont moins coûteux. Même si les infliximab biosimilaires sont disponibles au Canada depuis quatre ans, leur adoption a été lente comparée à dans d’autres pays. Cela préoccupe ceux qui gèrent les budgets canadiens de la santé. En 2017, le Canada a dépensé 1,1 milliard de dollars en traitements anti-TNF pour toutes les indications, ce qui représente la plus forte proportion des dépenses du programme public de médicaments.Les biosimilaires coûtent beaucoup moins cher par dose. Dans la déclaration de l’ACG, les auteurs citent un prix de 4 471 dollars par réclamation pour l’infliximab (Remicade), contre 1 934 dollars par réclamation pour le CT-P13 (Inflectra). Les prix ont été calculés à partir des données agrégées relatives aux réclamations provenant du système national d’information sur l’utilisation des médicaments sur ordonnance.«Notre travail consiste à évaluer les preuves. Il incombe aux gouvernements de prendre les décisions politiques en fonction de ces données, de leur budget et des projections relatives à l’augmentation des coûts de la santé, et ce qu'ils considèrent comme étant abordable», a déclaré le Dr Grigorios Leontiadis, professeur agrégé de médecine au département de gastroentérologie de l’Université McMaster à Hamilton, en Ontario et auteur de la déclaration.Les précédents énoncé de position et revue de littérature de l’ACG dataient d'il y a six ans. Non seulement de nouvelles données sont disponibles depuis, mais la nouvelle revue a pris en compte l’approche GRADE pour évaluer les preuves. L’utilisation de cette approche rend l’examen plus transparent et reproductible.«Nous disposons de meilleures données, mais aussi de meilleures méthodes», a déclaré le Dr Leontiadis au Medical Post, la publication sœur de Profession Santé.Pour les patients atteints de la maladie de Crohn active qui n’ont jamais pris de traitement anti-TNF, les auteurs suggèrent de commencer un traitement biosimilaire. Bien que les preuves à l’appui de cette recommandation soient faibles au regard des critères GRADE, elles tiennent compte de la différence de prix entre les deux médicaments. Les auteurs suggèrent bien sûr que les médecins discutent toujours des risques et des avantages avec le patient et tiennent compte des préférences de ce dernier.Il n’y avait pas suffisamment de preuves cliniques pour recommander un traitement pour les patients atteints de colite ulcéreuse active qui n’avaient jamais essayé de traitement anti-TNF.Pour les patients atteints de maladie inflammatoire de l’intestin qui se portent bien avec l’infliximab, les auteurs recommandent de ne pas changer de traitement pour des raisons non médicales ou de remplacer le biosimilaire au niveau de la pharmacie. Bien que les preuves sous-jacentes soient à nouveau considérées comme faibles par l’approche GRADE, les données provenant d’essais cliniques suggèrent un risque d’aggravation de la maladie après le remplacement.Pas de biosimilaires à tout prixCes recommandations vont à l’encontre de la récente décision de PharmaCare, en Colombie-Britannique, d'imposer un vaste programme de substitution des produits biologiques par les biosimilaires. En septembre, la province a annoncé que les patients atteints de la maladie de Crohn et de la colite ulcéreuse auraient six mois pour passer de l’infliximab à son biosimilaire, après quoi la province cesserait le remboursement de l'infliximab. Selon le ministre de la Santé, Adrian Dix, le programme de remplacement devrait permettre à la province d’économiser 96,6 millions de dollars sur trois ans. L’argent économisé sera alloué aux soins infirmiers et aux ressources pour les patients atteints de maladie inflammatoire de l’intestin, a-t-on promis.Le Dr Brian Bressler, professeur agrégé de médecine clinique au département de gastroentérologie de l’Université de la Colombie-Britannique, a appuyé la décision de la province. «Compte tenu des données internationales existantes sur les biosimilaires pour la gestion des maladies inflammatoires de l’intestin, j’ai confiance en leur efficacité et leur sécurité. Utiliser des biosimilaires et réinvestir les économies substantielles réalisées dans des soins plus complets pour les patients atteints de ces maladies est un modèle novateur qui donnera à mes patients plus de ressources dont ils ont désespérément besoin et améliorera leur qualité de soins», a-t-il déclaré dans un communiqué de presse du gouvernement.Selon un rapport de l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS), certains pays, tels que l’Australie, ont adopté la substitution automatique de l’infliximab par un biosimilaire au niveau de la pharmacie. Le rapport note également qu’il existe au Royaume-Uni des incitations financières à la prescription du médicament «au meilleur prix».Tout cela ne favorisera probablement pas le financement pour effectuer davantage d’essais cliniques sur les biosimilaires en milieu clinique. Certains organismes de réglementation ont d'ailleurs réduit leurs exigences en termes d’études cliniques pour l'approbation des biosimilaires, se fiant davantage aux tests de leurs propriétés physiques et chimiques pour prédire si les biosimilaires fonctionneront de la même manière que le produit biologique d’origine. Depuis juin dernier, le processus réglementaire d’approbation des biosimilaires au Canada a été simplifié.«Nous devons nous assurer que ce que nous faisons est sûr et efficace, a affirmé le Dr Leontiadis. Bien que la surveillance après commercialisation puisse détecter tout effet indésirable majeur, cela pourrait ne pas prendre en compte tous les résultats observés dans un essai clinique randomisé bien conçu. La question est: qui financera ces études?»Le Dr Leontiadis a clairement indiqué qu’il n’avait aucun conflit d’intérêts et qu’il n’avait pas reçu d’argent de la part ds compagnies pharmaceutiques, «même pas un stylo».La revue a été publiée en ligne en novembre dans le Journal de l’Association canadienne de gastroentérologie.

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