Un CA ouvert sur la communauté dans chaque GMF?

Dernièrement, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a déclaré qu’il voyait d’un bon œil une idée lancée par Michel Clair en 2000: la création d’un conseil de surveillance et d’alliance communautaire dans chaque MRC ou territoire de CLSC pour les grandes villes. Constitués d’élus locaux et de représentants des patients et des organismes communautaires, ces conseils auraient un pouvoir de recommandation auprès des autorités locales de santé publique qui devraient, en retour, leur rendre des comptes. Pour la professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM), Nadia Sourial, cette proposition d’une reddition de comptes auprès des acteurs locaux est une «excellente idée». «Le système de soins n’a que 10% d’impact sur notre santé. Les 90 autres pour cent proviennent des déterminants sociaux de la santé; donc de la communauté. Ça fait du sens de mettre tous ces partenaires ensemble autour de la table», explique la chercheuse spécialisée dans l’organisation de la première ligne. En s’inspirant de ce qui se fait en Ontario ou dans les pays scandinaves, la professeure va plus loin et propose une réforme de la gouvernance des groupes de médecine de famille (GMF). Elle recommande ainsi que chaque GMF dispose d’un conseil d’administration (CA) sur lequel siégeraient des représentants de la communauté (élus locaux, organismes communautaires, usagers, etc.). «L’avantage principal de tels CA serait de mieux répondre aux besoins spécifiques du territoire. Les partenaires locaux comprennent la population et connaissent les ressources à disposition. Ils pourraient contribuer à la planification des services dans une logique d’amélioration de la qualité», indique Nadia Sourial. L’autre avantage serait que le CA exerce une forme de surveillance et vérifie que les besoins des patients soient bien pris en compte par l’équipe médicale du GMF. «Ce serait l’assurance que ces cliniques, qui sont des entreprises privées, assument pleinement leur mission de service public auprès des patients», ajoute la professeure à l’ESPUM. Du côté de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), on n’est pas convaincu par cette idée. «Les GMF doivent déjà se conformer à un programme gouvernemental extrêmement rigide, qui comporte beaucoup de balises afin de garantir un ancrage local», explique le porte-parole de la Fédération, Jean-Pierre Dion. «Rajouter une couche de gouvernance ne constitue pas une solution pour améliorer l’accès. Les besoins, on les connaît. Le problème, c’est les ressources humaines. Il manque partout des médecins, des infirmières, des psychologues, des travailleurs sociaux.» Lire aussi: Où s’en va la médecine de famille? Une bonne idée, sur le papier Médecin responsable du GMF Lafontaine, à Rivière-du-Loup, la Dre Valérie-Anne Gagnon reconnaît que l’idée de prendre en compte les besoins de la communauté «(lui) parle beaucoup. Ces gens-là paient des impôts pour les services qu’on leur rend. C’est normal qu’ils aient leur mot à dire», précise l’omnipraticienne qui souligne néanmoins l’aspect communautaire de sa pratique. «On est un petit milieu ici, alors on sent les patients autour de nous et on sait leurs besoins.» Elle estime que ces CA ouverts sur les réalités locales permettraient un meilleur arrimage communautaire. «Ce serait aussi l’occasion de faire connaître notre réalité médicale et humaine, car on n’est pas des McDonald’s de la santé. Souvent, la population ne sait pas que les médecins de famille sont aussi impliqués en deuxième ligne», constate la Dre Gagnon. Dans un monde idéal, la médecin voit ces CA comme des espaces collaboratifs, animés d’intentions bienveillantes. «Mais si c’est pour avoir des élus qui nous disent quoi faire et se servent du CA à des fins politiques, je ne vois pas l’intérêt.» À Saint-Donat, dans le nord de Lanaudière, l’équipe médicale du GMF collabore déjà de manière intensive avec la communauté à travers une structure de concertation mise en place il y a un an, qui s’apparente à un CA. «On a parti un projet-pilote avec le CISSS pour changer notre modèle de gestion dans le but d’améliorer les services rendus à la population», explique le Dr Philippe Melanson, médecin responsable du GMF Saint-Donat. Lire aussi: Médecin gestionnaire: Faire le saut bien outillé Tous les deux à trois mois, les élus locaux, des patients partenaires, des représentants des organismes communautaires, du CISSS, du CLSC, du GMF, mais aussi de la police, se réunissent de manière formelle pour discuter des enjeux locaux et leur trouver des solutions. «Ça fonctionne bien, on a des échanges très fructueux. On apprend à se connaître, à savoir ce que l’autre peut faire et quelles sont les ressources à disposition. On a ainsi pu développer des trajectoires de soins spécifiques à notre population. Ça nous a aussi permis d’ajuster les services offerts au GMF pour mieux répondre aux besoins des patients», signale le Dr Melanson. «On constate que les gens veulent s’impliquer alors ça donne le goût à l’équipe médicale de s’impliquer.»

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