Un article qui entraîne de la confusion par de la désinformation

L’Association des allergologues et immunologues du Québec (AAIQ) est actuellement très préoccupée par la désinformation concernant la désensibilisation sublinguale en phase liquide.Nous tenons à réagir à l’article publié dans le dernier numéro de L’actualité médicale puisque nous faisons face à un phénomène médiatique inquiétant qui cause de la confusion tant dans la communauté médicale que dans la population.En effet, chaque semaine, nous recevons des demandes à l’AAIQ concernant ce type de traitement. On nous demande un second avis sur la valeur ou l’efficacité de cette approche surtout dans le contexte où les coûts sont au moins 10 fois plus élevés que l’immunothérapie par voie sous-cutanée et ne sont pas couverts par la RAMQ.Notre comité sur l’immunothérapie en accord avec l’exécutif de l’association tient à faire circuler le message que des extraits destinés à la désensibilisation sous-cutanée ne peuvent être utilisés par voie sublinguale, faute de données probantes et d’approbation officielle par les autorités réglementaires.L’association est déçue qu’un journal comme L’actualité médicale ait publié cet article sans avoir consulté au préalable un spécialiste en allergie.Dans ce contexte, nous demandons au journal de trouver une solution pour que la communauté médicale soit mise au fait qu’actuellement, il n’y a pas de forme d’immunothérapie sublinguale en phase liquide approuvée et disponible au Canada contrairement aux allégations du Dr Tropper.Cependant, l’immunothérapie sublinguale en comprimés sera (Stallergène/Paladin) ou est sur le point de l’être (Merck Canada) au Canada avec études robustes à l’appui.Voici donc nos commentaires détaillés sur cette forme de désensibilisation et nos rectifications concernant les propos du Dr Guy Tropper, auteur de l’article.Les allergies sont un fléau moderne tant par leur fréquence qui ne cesse d’augmenter dans le monde occidental que par leur impact sur l’individu et la société.La première étape du traitement repose sur le contrôle de l’environnement qui consiste à prendre tous les moyens pour éliminer les facteurs allergéniques, ce qui est possible pour les animaux ou les acariens, mais moins pour les pollens.Quand les facteurs allergéniques ne peuvent être éradiqués, un traitement médical doit être considéré : il repose essentiellement sur une médication symptomatique pour contrer les symptômes, tels les antihistaminiques, et une thérapie anti-inflammatoire (vaporisateur à base de cortisone), car l’inflammation fait partie prenante de la pathophysiologie de la réaction allergique.Ces modalités permettent de contrôler la situation dans une majorité des cas. Dans le contexte où ces modalités ne seront pas suffisantes, l’immunothérapie peut être considérée : elle consiste en des injections de quantités croissantes d’allergènes auxquels le patient est sensible jusqu’à un niveau où une tolérance est atteinte, c’est-à-dire celui où le contact avec un allergène chez le sujet sensible ne déclenchera plus de symptômes allergiques.L’efficacité de l’immunothérapie par voie sous-cutanée a été clairement démontrée chez les patients souffrant de rhinoconjonctivite allergique avec ou sans asthme. (Cochrane Database Syst Rev 2010 (8); 2007 (1), Clin Therapy 2000; 22 : 239-41 et 342-50.)Ses limites sont évidemment que ce traitement doit être administré au moyen d’injections sous-cutanées, et ce, sous supervision médicale, ce qui demande au patient plus de disponibilité pour les déplacements et l’attente.Même s’il y a des risques de réactions généralisées, ce risque est relativement faible, surtout lorsque le traitement est donné dans les conditions optimales en harmonie avec le Consensus québécois sur l’immunothérapie par voie sous-cutanée (voir plus loin).Comme alternative, surtout en Europe, l’immunothérapie par voie sublinguale d’abord en phase liquide (extraits sous forme liquide à déposer sous la langue) s’est développée : cette approche offre les avantages théoriques d’être plus simple, car le traitement peut être pris à la maison en toute simplicité, et d’être plus sécuritaire en ce sens que le taux de réaction systémique qui s’y rattache est plus faible, quoique pas nul.Alors, les compagnies (comme Stallergenes ou ALK), qui fabriquent ces extraits utilisés en phase liquide, le font exclusivement pour cette fin et ceux-ci ne sont pas disponibles en Amérique.Le problème relié à cette approche est l’efficacité. En effet, les études publiées révèlent un grand nombre de différences et d’hétérogénéité tant dans la structure (pas de placebo, pas de double insu, nombre de patients trop petit et surtout, dose précise inconnue) des études que dans leur interprétation. De plus, de nombreuses études publiées ne sont pas statistiquement significatives.Pour ces raisons, les autorités réglementaires du Canada et des États-Unis ne les ont jamais acceptées pour appuyer l’implantation de cette approche en Amérique.Page 1/2Pour lire la réponse du Dr Guy Tropper: «On peut résister à l’invasion d’une armée, mais pas à celle d’une idée dont le temps est venu»Pour consulter l'article du MedActuel DPC: «L’immunothérapie sublinguale débarque chez nous : une nouvelle donne en allergie Dans les dernières cinq années, pour pallier les problèmes liés à l’immunothérapie en phase liquide, ces compagnies ont produit des formulations en comprimés (formes solides) à laisser fondre sous la langue.Cette approche permettait de traiter les patients avec des doses d’allergènes dites thérapeutiques, c’est-à-dire reconnues pour leur efficacité, et ainsi régler un des reproches majeurs avec les formes liquides.Des études multicentriques internationales et rigoureuses ont été menées quant à l’efficacité et l’innocuité tant en Europe qu’en Amérique et les résultats ont été concluants.Ainsi, cette forme d’immunothérapie en phase solide (comprimé) a été acceptée par les autorités réglementaires et fera son apparition sur le marché canadien en cours d’année 2012.Dans son article intitulé « L’immunothérapie sublinguale débarque chez nous : une nouvelle donne en allergie », le Dr Tropper fait référence à une forme d’immunothérapie en phase liquide où les extraits conçus et approuvés pour administration par voie sous-cutanée sont administrés dans la bouche.Cette approche, en plus d’utiliser des extraits non approuvés à cette fin, ne repose sur aucune étude quant aux modalités et aux doses.Dès l’entrée en matière, le Dr Tropper laisse entendre, en faisant référence à une situation particulière en Angleterre, que l’immunothérapie par voie sous-cutanée est dangereuse, voire mortelle.Cet énoncé mérite d’être tempéré : dans une étude rétrospective, l’incidence de réaction sévère incluant 435 854 injections chez 4000 patients pendant 20 ans (1981-2000) a été de 115 réactions (5,2 % de patients et 0,06 % des injections) dans la première décennie et de 26 réactions dans la seconde (1,08 % des patients et 0,01 % des réactions).On a rapporté 6 décès entre 2000 et 2007, en général explicables par de multiples raisons circonstancielles (asthme décompensé, prise de médication non autorisée de façon concomitante…) qui peuvent être évitées par une évaluation adéquate du patient avant injection et l’observance des règles de sécurité minimales (J Inv Allergy Clin Immunol 1997; 7:151-4; Allerg Immunol 2004; 36:52; Ann Allergy Asthma Immunol 2000; 104:530-5).Lorsque le Dr Tropper parle de protocoles élaborés par les spécialistes en otorhinolaryngologie (ORL) en Amérique du Nord pour l’immunothérapie sublinguale (paragraphe « simple comme bonjour »), il faut rappeler qu’aucun de ceux-ci n’a fait l’objet d’étude scientifiquement valable et publiée.Le Dr Tropper élabore sur l’utilisation non prévue (off label) de médicaments pour justifier son approche. Il cite des exemples de médicaments approuvés (comme les médications antireflux) qui sont utilisés pour une indication élargie. Il oublie de mentionner que :1. les extraits utilisés ici sont essentiellement et spécifiquement approuvés pour injection sous-cutanée au Canada et non pour administration par voie orale;2. que Santé Canada a déjà analysé des demandes d’approbation d’extraits liquides pour immunothérapie orale et a refusé, faute de preuve scientifique, surtout quant à l’efficacité.Comme mentionné précédemment, les études utilisant l’immunothérapie par voie sublinguale en phase liquide manquent de rigueur quant à leur protocole et leur interprétation.Lorsque le Dr Tropper cite des évidences scientifiques pour appuyer sa position, il inclut toutes les études touchant l’immunothérapie sublinguale, y compris celles en phase solide (comme référence 4) qui sont significativement valables, ce qui donne l’impression que son approche est scientifiquement fondée.Finalement, tous les avantages associés à l’immunothérapie auxquels fait référence le Dr Tropper, comme la prévention du développement de d’autres allergies ou du développement de l’asthme ont été essentiellement démontrés avec l’immunothérapie sous-cutanée, tel que d’ailleurs cité dans ses références (6 et 10).En résumé, nous croyons fermement que :1. l’immunothérapie est une approche efficace qui vaut d’être considérée;2. l’immunothérapie par voie sublinguale offre des avantages en termes d’aspects pratiques et d’innocuité et qu’elle représente un avenir attrayant;3. que l’immunothérapie sublinguale sous forme liquide n’est pas la solution par manque de support scientifique : protocoles non reconnus, dose non connue, extraits non approuvés;4. que l’immunothérapie sublinguale en comprimés s’appuie sur des preuves scientifiques robustes et qu’elle est maintenant acceptée au Canada par les autorités réglementaires : elle représente la voie de l’avenir.Rémi Gagnon, MDPrésident AAIQJacques Hébert, MDPrésident du Comité sur l’immunothérapiePage 2/2Pour lire la réponse du Dr Guy Tropper: «On peut résister à l’invasion d’une armée, mais pas à celle d’une idée dont le temps est venu»Pour consulter l'article du MedActuel DPC: «L’immunothérapie sublinguale débarque chez nous : une nouvelle donne en allergie

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