Tuberculose en établissement de santé: délaisser le dépistage annuel pour une stratégie ciblée

Une nouvelle étude réalisée par une équipe de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé de l’Université McGill (IR-CUSM) révèle que la stratégie nord-américaine de dépistage annuel de la tuberculose chez les travailleurs de la santé est coûteuse et présente des avantages très limités.Les organismes de santé du Canada et des États-Unis devraient revoir leur stratégie annuelle et délaisser ainsi le dépistage systématique. C’est ce que suggèrent les résultats publiés le 17 mai dernier dans la revue BMC Medicine. On y propose plutôt de cibler les travailleurs de la santé qui présentent un haut risque de contracter la maladie.L’incidence de la tuberculose a grandement diminué depuis 25 ans, période où les épidémies faisaient des ravages. Par conséquent, «le risque que des travailleurs de la santé soient exposés à la tuberculose et soient infectés est aussi beaucoup plus faible», explique l’auteur principal de l’étude, le Dr Kevin Schwartzman, directeur de la division des maladies respiratoires du CUSM.Ce dernier soutient que le protocole devrait connaître une refonte afin de refléter davantage l’épidémiologie de la tuberculose en Amérique du Nord.Simulation sur 20 ansPour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont utilisé des données déjà publiées. Ceux-ci ont effectué une simulation avec une cohorte de 1000 travailleurs ayant reçu des résultats négatifs au test effectué à l’embauche.Le rapport coût-efficacité de trois stratégies de dépistage, soit le dépistage annuel, le dépistage ciblé et le dépistage post-exposition, a été comparé. Des projections de coûts, de morbidité, de survie pondérée par la qualité et de mortalité ont été faites, et ce, sur une période de 20 ans après l’embauche.Le dépistage annuel, destiné à l’ensemble des travailleurs en contact avec les patients, s’est alors révélé très dispendieux pour les résultats engendrés. Cette stratégie coûte «plus de 1,7 M$ pour ne prévenir qu’un cas additionnel de tuberculose active chez les travailleurs de la santé, en comparaison à une stratégie de dépistage plus ciblée», note le premier auteur de l’étude, Guillaume Mullie, dans un article paru sur le site Web du CUSM.Vers une stratégie cibléeSelon l’étudiant en quatrième année de médecine à l’Université McGill, il serait judicieux de reconsidérer les recommandations existantes.Le Dr Schwartzman, chercheur du Centre international de tuberculose de McGill, qui regroupe des scientifiques des quatre coins du monde travaillant tous pour lutter contre la tuberculose, croit que tester à répétition «les travailleurs de la santé qui ne sont pas vraiment exposés» à la maladie peut augmenter la probabilité d’obtenir de faux positifs.«Plus le risque d’exposition réelle à la tuberculose est faible, plus il est probable que le test se révélant positif soit un faux positif», soutient-il.Les auteurs de l’étude pensent qu’il est préférable de limiter le recours au dépistage annuel aux «travailleurs qui présentent un risque particulièrement élevé», les inhalothérapeutes procédant à des bronchoscopies et le personnel de laboratoire en microbiologie notamment.Le dépistage systématique constitue un volet important de la stratégie de prévention de la tuberculose dans les établissements de soins de santé au Canada et aux États-Unis, les données récemment publiées ébranlent la procédure en place depuis plusieurs années.La somme d’argent épargnée par ce changement de stratégie pourrait être réinvestie, selon le Dr Schwartzman. «Accroître la prévention, offrir une infrastructure permettant de tester et de soutenir les communautés qui présentent un risque plus élevé de développer la tuberculose, comme les sans-abris, les personnes nées à l’étranger et les populations autochtones», voilà comment les économies devraient être utilisées.

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