Trop de pharmacies… vraiment?

Dans mon dernier billet, je me questionnais sur le nombre de pharmacies au Québec, plus précisément dans le cadre de l’ouverture de nouvelles officines.Évidemment, avoir un nombre planifié de pharmacies, tant par secteur qu’au niveau national a ses attraits. Il pourrait alors y avoir une optimisation des ressources. La pénurie de pharmaciens ne serait pas résolue pour autant, mais chaque pharmacie «optimisée» disposerait possiblement des ressources pour embaucher des ATP, automatiser davantage ses opérations, avoir des équipes de pharmaciens qui répartissent les tâches autant sur place qu’en télétravail. Merveilleux!Mais derrière ce mirage se trouve l’éternel débat qui oppose la centralisation à la décentralisation. Il faut se poser la question suivante: à long terme, qu’est-ce qui est préférable pour les patients? À court terme, et surtout en situation de manque de ressources, une planification et une distribution optimisée pourraient sembler idéales. Encore faut-il savoir qui dirigerait cette gestion. En admettant que l’ouverture d’une pharmacie fasse l’objet d’un permis régi par un quota gouvernemental, serions-nous à l’abri de pressions électoralistes? Ou encore d’interférences avec d’autres buts gouvernementaux tels que la négociation des honoraires?Un autre scénario qui m’a été soumis est celui dans lequel l’AQPP pourrait être le gestionnaire des droits d’ouverture. Ceci mettrait l’Association dans une position très difficile. Premièrement, il y aurait assurément une apparence de conflit d’intérêts. Les membres, déjà propriétaires, décideraient qui peut rallier les rangs? On voit rapidement comment l’AQPP serait perçue comme un club sélect qui partage le territoire entre ses membres pour maximiser les profits de ces derniers. Et puis comment seraient attribués les droits d’ouverture? Tirages au sort? Enchères?Certains pays contrôlent bel et bien le nombre de pharmacies. Comme Pierre Levoix le mentionnait en commentaire dans le billet précédent, cela se fait généralement au détriment des pharmaciens en général. Il se crée alors des chasses gardées de pharmacies qui se passent à l’intérieur d’une même famille, même si personne n’est intéressé à être pharmacien afin de protéger le fief familial. Comme le mentionnait également Pierre-Marc Gervais, ceci est un frein au développement et à l’innovation. Non seulement par diminution de l’intérêt intrinsèque des propriétaires, mais par manque de concurrence.Bien que je comprenne la réaction viscérale de certains quand on évoque l’ouverture d’une pharmacie, je pense que l’on passe à côté du vrai problème. Le nombre de pharmacies au Québec est stable depuis environ 10 ans. Le problème n’est pas lié à quelques ouvertures potentielles. Premièrement, et j’y reviens régulièrement, il faut former plus de pharmaciens. La pandémie nous a permis de développer le télé-enseignement. La distance et les locaux ne représentent plus un enjeu incontournable. À ce que je vois sur le terrain, les stages de début de programme pourraient être difficiles à combler, mais je pense que les propriétaires,, friands de recruter, seraient au rendez-vous. De plus, une faculté à distance permettrait de garder des pharmaciens en région.Deuxièmement, il faudra améliorer les conditions salariales du personnel technique. Compte tenu de la difficulté croissante du métier d’ATP/TP, et des responsabilités ajoutées, il devient difficile de justifier les échelles salariales actuelles. Dans un cadre où la rentabilité des pharmacies souffre déjà des masses salariales croissantes, il faudra continuer de mettre de la pression sur le gouvernement pour l’augmentation des honoraires. Finalement, comme le mentionnait Véronique Magnan, il sera important de défendre avec acharnement l’indépendance professionnelle des pharmaciens. C’est en pouvant gérer librement leurs pharmacies que les propriétaires pourront répondre aux besoins des patients tout conservant une rentabilité. Après, le marché fera son effet. Heures de service, ouverture ou fermeture de pharmacie, distribution ou clinique, chips ou produits en vracs, ce sera aux clients de décider.

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Philip Morgan

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