Transferts fédéraux en santé: des indicateurs communs pour mieux rendre des comptes

Les milliards de dollars injectés dans le système de santé ne suffiront pas face aux problèmes structurels qu’il rencontre, selon 66% des répondants canadiens d’un récent sondage de l’Institut Angus Reid*. Cette enquête fait part d’un certain pessimisme quant à l’avenir des soins de santé au pays. «Nous devons renverser la vapeur», a affirmé le ministre fédéral de la Santé Mark Holland, qui s’exprimait le 18 août lors d’une causerie du Sommet de l’Association Médicale Canadienne (AMC) sur la santé, en compagnie de sa présidente, la Dre Kathleen Ross. En février 2023, les provinces et territoires ont conclu un accord d’une valeur de 198 milliards de dollars sur 10 ans, qui comprend 19 milliards de nouveaux fonds pour le Transfert canadien en matière de santé et 25 milliards pour des ententes bilatérales. En contrepartie, elles se sont engagées à «informer la population des progrès accomplis au moyen d’indicateurs clés communs». Ces huit indicateurs comprennent le pourcentage de la population canadienne qui déclare avoir accès à un prestataire de soins primaires attitré, ou encore la résorption des retards en chirurgie causés par la pandémie de COVID-19. Rendre des comptes «Les Canadiens veulent voir des résultats», a souligné Mark Holland, qui se dit convaincu que ses homologues provinciaux et territoriaux ont également compris ce ras-le-bol. «Les gens veulent voir les accords bilatéraux, les détails et les plans d'action sur la manière dont cet argent aura un impact et améliorera les résultats pour les patients», a-t-il ajouté. Le ministre n’a pas mentionné le Québec, la seule province qui a pour l’instant refusé de signer l’accord. Les trois territoires s’y sont ralliés début juillet après qu’Ottawa ait accepté d’investir 350 millions sur 10 ans dans le Fonds d’investissement-santé pour les territoires. Pour Mark Holland, le temps est venu de passer des bonnes volontés aux actions concrètes. Mais il n’a pas annoncé s’il envisageait des mesures punitives contre les provinces et territoires qui ne respecteraient pas leurs engagements. Il estime plutôt que lorsque les Canadiens auront accès aux données sur l’amélioration du système, ils pourront mettre la pression sur leurs gouvernements et leur demander de rendre des comptes. «Nous voulons disposer d'un moyen facile à comprendre, accessible au public et fondé sur des critères de référence pour évaluer si nos dollars vont là où nous en avons besoin», a expliqué la Dre Kathleen Ross, la nouvelle présidente de l’AMC. Pour elle, cet effort de surveillance est la responsabilité de tout le monde, dont les citoyens. «Si vous êtes un patient, vous pouvez parler à votre prestataire de soins de santé, si vous n’êtes pas dans le système, parlez à vos leaders politiques [...] Nous devons continuer à poser ces questions difficiles», suggère-t-elle. Maintenir les efforts En juillet dernier, l’AMC a publié un rapport suggérant des pistes pour améliorer la reddition de comptes dans le secteur des soins de santé. Elle préconise l’ajout de cinq indicateurs supplémentaires pour mieux évaluer «l’accès aux soins primaires en équipe, l’attente en chirurgie, l’accès aux services hospitaliers en milieu rural, la mise en place d’un permis d’exercice pancanadien pour les prestataires de soins de santé, [et] le stress et l’épuisement professionnel des effectifs de la santé». Selon Mark Holland, l’accès à des statistiques standardisées permettra d’identifier les initiatives porteuses de résultats. «Nous devons disposer de ces mesures chiffrées pour montrer de manière empirique comment ces améliorations se produisent», estime-t-il. Ainsi, certaines provinces et territoires qui se distinguent par leurs réussites pourraient voir leurs mesures répliquées ailleurs au pays. Pour ce faire, le ministre pense qu’il faut aussi reconnaître que l’échec peut être une source d’innovation. «Pour moi, essayer quelque chose qui repose sur des preuves et une évaluation, et qui finit par ne pas fonctionner, c’est de l’apprentissage, et non pas un échec», a-t-il précisé. De son côté, la Dre Kathleen Ross attend des résultats concrets du plan d’investissement fédéral en santé. La question de l’accès aux soins devrait en être le socle, car les professionnels de santé comme elle veulent être capables de soigner plus efficacement et rapidement. «Le succès, pour moi, serait de ne pas voir mourir cette jeune patiente avec un cancer du sein car nous ne pouvions pas faire ses examens et lui procurer un traitement.» *Institut Angus Reid et Association Médicale Canadienne. Résultats basés sur un échantillon représentatif aléatoire de 5010 adultes canadiens membres du Forum Angus Reid. Sondage mené en ligne du 1er au 8 août 2023.

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