Traitement du diabète: des avancées prometteuses, mais à quel prix?

La recherche sur le diabète fait des progrès significatifs un peu partout dans le monde. En témoignent les nombreuses découvertes et résultats d’essais cliniques présentés fin septembre lors du 58e congrès annuel de l’EADS, l’European Association for the Study of Diabetes, qui est la Mecque de la diabétologie. «C’est incroyable de constater à quel point ça bouge de tous les côtés», confirme l’endocrinologue au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), le Dr Rémi Rabasa-Lhoret, qui a suivi — à distance, mais de près — le symposium de l’EADS qui se déroulait cette année à Stockholm, en Suède. La pharmaceutique danoise Novo Nordisk y a notamment dévoilé des résultats préliminaires de son étude de phase 3 ONWARDS 2 concernant l’insuline icodec. Cette nouvelle insuline lente, à très longue durée d’action, a été testée pendant 26 semaines sur 562 patients atteints de diabète de type 2 (DT2). «C’est une insuline à prise hebdomadaire et les données présentées montrent qu’elle est aussi efficace que les insulines basales à injection quotidienne en termes d’équilibre glycémique et qu’elle présente également un risque d’hypoglycémie équivalent», indique le Dr Rabasa-Lhoret. Le directeur de la clinique de diabète et de l’unité de recherche sur les maladies métaboliques à l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) estime ni plus ni moins que cette insuline de synthèse est «fascinante», voire même «extraordinaire». «30 millions de personnes dans le monde prennent de l’insuline une fois par jour. Avec l’icodec, ils pourraient se piquer sept fois moins. Ce n’est pas rien», souligne l’endocrinologue en mentionnant que les études suggèrent que la moitié des diabétiques ne prennent pas leur insuline quotidiennement. «Chaque fois qu’on réduit le nombre de prises, on améliore l’observance.» Lire aussi: Le revenu influence la gestion du diabète S’agissant du diabète de type 1, le Dr Rabasa-Lhoret participe lui-même à un essai clinique du laboratoire Vertex Pharmaceuticals pour un traitement expérimental dénommé VX-880. Celui consiste à remplacer les cellules des îlots de Langerhans du pancréas, qui sont détruites chez les personnes atteintes de diabète de type 1 (DT1), par des cellules identiques qui sont fabriquées à partir de cellules souches et ensuite greffées via la veine porte du foie. «Nos deux premiers patients ont été greffés et les données préliminaires sont encourageantes», signale l’endocrinologue. Elles montrent en effet une augmentation significative de la glycémie et que le VX-880 est plutôt bien toléré par les patients, qui doivent malgré tout prendre un traitement antirejet. Un autre essai est en cours dans l’ouest des États-Unis et du Canada concernant un traitement similaire, mais dont le procédé de greffe diffère et ne nécessite pas la prise de médicaments antirejet. «Ils ont traité cinq ou six patients qui n’ont plus à prendre d’insuline ou très peu», rapporte le Dr Rabasa-Lhoret qui ne cache pas son enthousiasme. «La révolution s’en vient. Avec ces greffes d’îlots de Langerhans, on entrevoit la possibilité de guérir du DT1», une maladie dont souffrent 285 000 Canadiens. Selon les dernières estimations de Diabète Canada, leur nombre augmentant de 4,4% par an, plus de 455 000 personnes vivront avec le DT1 au Canada en 2040. Ce qui pose des enjeux de prise en charge, mais aussi de coût pour les systèmes de santé. «C’est une maladie très lourde et très dispendieuse à gérer, aussi bien pour le patient que pour le réseau de la santé», observe celui qui est également président du conseil professionnel de Diabète Québec. «À quel prix seront commercialisés ces nouveaux traitements? C’est encore l’inconnu, mais les compagnies pharmaceutiques sont généralement gloutonnes.» Lire aussi: Une étude brosse un portrait complet du diabète de type 1 dans le monde Actuellement, le coût annuel du traitement du diabète de type 1 et 2 atteindrait 30 milliards $ au pays, selon des données publiées par Diabète Canada qui a également évalué qu’en mars dernier, 5,7 millions de Canadiens étaient atteints d’un diabète diagnostiqué et que cinq autres millions souffraient de prédiabète. Des DT1 plus âgés, des DT2 plus jeunes Par ailleurs, des études statistiques présentées lors du congrès de l’EADS viennent confirmer des tendances observées sur le terrain par les endocrinologues. «On a longtemps cru que le DT1 était une maladie qui se manifeste principalement à la puberté tandis que le DT2 se déclarait plutôt à l’âge adulte en raison d’un surpoids et/ou d’un comportement sédentaire. Or on voit de plus en plus de DT1 diagnostiqués après 30 ans ou de DT2 à l’âge pédiatrique», signale le Dr Rabasa-Lhoret. Lire aussi: Le diagnostic de «diabète de type 2» est-il en train de devenir obsolète? Une autre idée reçue concernant le DT1 doit également être démystifiée, selon le spécialiste du CHUM. «On a tendance à croire que c’est une maladie qui touche les gens maigres et qu’ils ont un besoin immédiat d’insuline. Le registre de Diabète Québec indique cependant que la moitié des patients DT1 sont en surpoids ou obèses. » Cette nouvelle réalité «rend la vie des médecins de famille plus compliquée», car ils ont de la difficulté à diagnostiquer la maladie et donc à la traiter, observe le clinicien-chercheur qui est souvent amené à corriger leur diagnostic. Il admet n’avoir «aucune maudite explication» à ces évolutions. «On suppose que les gens qui déclarent un DT1 à l’âge adulte doivent avoir des prédispositions génétiques ou sinon que les polluants pourraient avoir une incidence. La seule chose qu’on sait, c’est que les gens qui développent un DT1 tardivement ont une forme moins brutale et font une entrée plus progressive dans la maladie.»

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