Anxiété, dépression: Bientôt un protocole de soins pour la première ligne

Il accomplit la tâche, parce qu’elle relève de la nature même de sa vocation : le psychologue, à l’instar de ses pairs, maintient, parfois longtemps, le lien thérapeutique avec ses patients dépressifs. Ils se sentent mieux après nos rencontres, argue-t-il lorsqu’on lui demande, après un an de thérapie, s’il a noté une amélioration de leur état… Rien de répréhensible, mais peut-être devrait-il envisager de se tourner vers un confrère ou une consœur médecin, qui décèlerait la nécessité de bonifier le traitement de ses patients par la médication.Ils n’agissent nullement de mauvaise foi, mais les psychologues, tout comme un grand nombre d’omnipraticiens travaillant en première ligne, sont loin d’envisager systématiquement la collaboration dans le traitement des maladies mentales. Il s’agit pourtant d’une des voies royales vers l’amélioration des soins des personnes qui en sont atteintes.Le projet Jalons vise justement à favoriser cette coopération entre les professionnels de la santé qui œuvrent auprès des patients souffrant de troubles anxieux ou de troubles dépressifs. Pour atteindre ce but, les artisans du projet – des chercheurs, des gestionnaires et des cliniciens – ont conçu un protocole de soins afin de les outiller pour leur pratique en santé mentale. « Il ne s’agit pas d’un livre de recettes ! » précise d’emblée Louise Fournier, professeure agrégée à l’Université de Montréal, chercheuse au Centre de recherche du CHUM et à l’Institut national de santé publique et co-responsable du projet avec la chercheuse Pasquale Roberge. Elles sont toutes deux membres du Réseau de chercheurs Qualaxia. « C’est un outil d’aide à la décision », précise-t-elle.En plus de ces modèles de collaboration entre professionnels de la santé qu’il propose, Jalons contient aussi des conseils cliniques.Un coup de main à la première ligneLe projet est né dans la foulée de Cible qualité, un programme mis au point par les chercheurs de Qualaxia dans le but d’épauler les équipes de première ligne de six CSSS dans la mise en place d’un plan d’amélioration des soins en santé mentale. Celles-ci ayant manifesté leur intérêt pour des outils cliniques, Jalons a pris forme.Les omnipraticiens sont les professionnels les plus consultés pour les troubles anxieux et dépressifs (plus de 80 % des personnes qui en souffrent se tournent vers eux). Cependant, « nous avons observé qu’ils ont tendance à travailler en silo », signale Mme Fournier.C’est donc pour eux mais également pour les autres acteurs de la première ligne, tels que les infirmières des GMF (groupes de médecine familiale), par exemple, que les chercheuses ont scruté les pratiques de plusieurs pays afin d’en tirer le nec plus ultra pour concevoir leur protocole de soins des troubles anxieux (il sera adapté sous peu pour le traitement des troubles dépressifs). Les rôles de chaque professionnel y sont bien définis et l’outil est tout désigné pour les omnipraticiens qui courent après le temps : court et concis, signale Mme Fournier.Celui-ci est en outre calqué sur le modèle de gestion des maladies chroniques puisque l’évolution des troubles anxieux et dépressifs vers la chronicité est fréquente.Collaboration sine qua nonCe risque est décuplé si la dépression est « mal soignée », souligne Mme Fournier. D’où l’urgence de mobiliser les ressources pour poser le diagnostic, déterminer la gravité des symptômes et se doter de traitements plus efficaces. « Un grand nombre de ces personnes ne consultent pas, mais environ 50 % de celles qui le font reçoivent un traitement minimalement adéquat. On n’effectue pas toujours le suivi quand des médicaments sont prescrits », poursuit-elle.Il est pourtant recommandé, indique-t-on dans le protocole de soins, de procéder à une évaluation continue de la réponse au traitement. Les équipes de soins peuvent à cet effet se doter d’outils tels que le Questionnaire sur la santé du patient (PHQ9).Qui plus est, souligne la chercheuse, la thérapie n’est pas toujours perçue comme un traitement à privilégier. Pourtant, la thérapie cognitivo-comportementale, la thérapie interpersonnelle, l’activation comportementale et la thérapie comportementale de couple sont souvent préconisées dans le traitement de la dépression modérée ou sévère.Le suivi clinique et le traitement adéquat sont au cœur de la voie vers la guérison; ils vont cependant de pair avec la collaboration entre les professionnels de la santé qui les assurent, soulignent les conceptrices de Jalons. « Nous estimons qu’il est important qu’il y ait davantage de pratiques collaboratives à partir de ce qu’on appelle la troisième de quatre étapes de soins, pour les patients dont l’état est plus grave, explique Louise Fournier. Ainsi, l’omnipraticien travaille avec un gestionnaire de cas, qui est responsable de l’éducation du patient, et le psychiatre – le troisième élément – agira comme consultant auprès de l’omnipraticien si celui-ci se sent un peu dépassé. » Le médecin, en quatrième étape, sera mieux armé pour faire face à l’état du patient.Cette coopération s’avère d’autant plus utile que le traitement des patients dépressifs requiert beaucoup de temps puisqu’en plus de prodiguer des soins physiques, il faut leur consacrer du temps d’écoute. Une denrée qui se fait souvent rare chez les piliers de la première ligne…Les médecins pourraient donc recourir, par exemple, à des organismes tels que Revivre (association québécoise de soutien aux personnes souffrant de troubles anxieux, dépressifs ou bipolaires), qui offrent un service d’écoute, mais qui peuvent également épauler les patients dans l’autogestion de leurs soins.« Nous aimerions que les CSSS s’accaparent le protocole de soins pour être en mesure d’informer les médecins de l’existence de ces ressources », ajoute Mme Fournier.Son équipe soumettra le projet, dont elle devrait boucler la réalisation au cours de l’été, aux associations des professionnels de la santé, après quoi il sera diffusé par le biais des DRMG (départements régionaux de médecine générale).

Anxiété, dépression: Bientôt un protocole de soins pour la première ligne

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes