Traitement des empoisonnements: les pharmacies communautaires ne tiennent pas les bons produits

Note au lecteur:Le titre du pharmacien Pierre-André Dubé tel que mentionné dans l'article publié dans L'actualité pharmaceutique de février était erroné. Contrairement à ce que nous écrivions, M. Dubé est responsable scientifique en toxicologie clinique à l'INSPQ et non directeur de la santé environnementale et de la toxicologie.De plus, la fin de l'article laisse penser que les solutions de polyéthylène glycol avec électrolytes sont injectées, ce qui est faux. Ce produit doit plutôt être administré en continu par voie entérale à l'aide d'un tube de gavage sous supervision médicale.Ces erreurs ont été corrigées dans la version en ligne de l'article, que vous trouverez ci-dessous._________Les Québécois devraient y songer à deux reprises avant d’aller à la pharmacie pour obtenir un décontaminant gastro-intestinal à la suite d’une intoxication, puisque le produit le plus recommandé dans ce cas y est très rarement disponible. C’est un des constats que l’on peut tirer d’une nouvelle étude de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).L’étude avait pour objectif de vérifier la disponibilité de certains produits de décontamination gastro-intestinale en pharmacie communautaire. Elle a été réalisée par Pierre-André Dubé, pharmacien et responsable scientifique en toxicologie clinique à l’INSPQ.Entre 1989 et 2010, plus d’un million de cas d’intoxications potentielles ont été déclarés au Centre antipoison du Québec, ce qui représente environ 50 000 cas par année. De ce nombre, 73 % résultaient d’une exposition orale à un produit dangereux. Ces chiffres sont cependant très conservateurs, explique Pierre-André Dubé, puisque de nombreux cas d’intoxication ne sont pas répertoriés.Lorsqu’indiqué et pris rapidement après une intoxication, un produit de décontamination gastro-intestinale peut contribuer à diminuer significativement les risques pour la santé du patient, poursuit Pierre-André Dubé. Celui-ci a donc voulu vérifier si le personnel des pharmacies a à sa portée un tel produit au cas où un patient se présenterait à la pharmacie après s’être intoxiqué.Pour son étude, il s’est concentré sur la présence en pharmacie de trois produits : le charbon de bois activé (CBA) en suspension orale, le sirop d’ipéca et les solutions de polyéthylène glycol (PEG) avec électrolytes.Avec le soutien de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires, Pierre-André Dubé a réalisé un sondage par courriel auquel ont participé, en juillet 2012, les propriétaires de 277 pharmacies communautaires réparties dans tout le Québec. Des formulaires incomplets l'ont forcé à retirer 25 participants de l’échantillon final.À la grande surprise de Pierre-André Dubé, seulement six des 252 pharmacies gardaient du CBA dans leurs inventaires, soit environ 2,5 % de son échantillon. Trois de ces six pharmacies conservaient le CBA derrière le comptoir, sous la supervision d’un pharmacien (annexe II), tandis que les trois autres le rendait disponible en vente libre (annexe III).Pierre-André Dubé explique sa surprise par le fait que le CBA est le produit généralement indiqué à la suite d’une intoxication, à condition qu’il soit consommé dans l’heure suivant l’incident.Les participants au sondage ont justifié la faible présence du CBA dans leurs pharmacies par son manque de disponibilité chez leurs fournisseurs, par le fait que le produit était rarement demandé et parce qu’il n’existe aucun programme gouvernemental de rémunération pour en garder. Certains répondants ont dit qu’ils préféraient diriger les patients à un service d’urgence.« Dans notre rapport, nous recommandons aux pharmaciens de se doter d’au moins une dose de CBA en solution orale aqueuse, surtout lorsqu’un service d’urgence n’est pas à proximité », souligne Pierre-André Dubé, qui a également prévenu l’Ordre des pharmaciens du Québec des conclusions de son étude.Le rapport précise que le CBA en comprimé ou capsule, logé dans la section des produits naturels, n’est pas recommandé en raison de l’absence de données probantes pour son utilisation en présence d’un empoisonnement.Le cas de l’ipécaEn contrepartie, le sirop d’ipéca était présent dans 105 des 252 pharmacies ayant accepté de participer au sondage, ce qui représente 43 % de l’échantillon.Or, ce produit a été retiré des tablettes par l’industrie pharmaceutique il y a plusieurs années, car peu de données probantes soutiennent le potentiel du sirop d’ipéca pour neutraliser une intoxication grâce à ses effets vomitifs.Mais le sirop d’ipéca a progressivement réintégré le marché sous forme de produit de santé naturel, puisque — paradoxalement — Santé Canada l’a autorisé sous cette forme, soutient Pierre-André Dubé.« Compte tenu qu’il n’y a aucune indication médicale valable pour le sirop d’ipéca, l’usage le plus probable de ce produit est fait par des personnes souffrant d’anorexie, de boulimie ou d’autres troubles mentaux », ajoute le pharmacien, qui estime que ce produit n’a plus sa place en pharmacie. Il a d’ailleurs fait parvenir son étude à Santé Canada afin que le ministère revienne sur sa décision de permettre la vente du sirop d’ipéca ou de ses dérivés.Quant aux solutions de polyéthylène glycol avec électrolytes, celles-ci étaient présentes dans 239 des 242 pharmacies ayant accepté de répondre au sondage.Comme ce produit doit être administré en continu par voie entérale à l'aide d'un tube de gavage sous supervision médicale, il n’est pas vraiment envisageable qu’il soit donné directement à la pharmacie, note Pierre-André Dubé.L’étude est disponible sur le site Internet de l’INSPQ (www.inspq.qc.ca), dans la section Publications.Santé Canada a pris connaissance de la recommandation de l’INSPQ et de la CAPQ qui lui est adressée et n’a pas jugé nécessaire de retirer les formulations de sirop d’ipéca du marché canadien.« Le sirop d’ipéca n’a pas été approuvé en tant que produit de santé naturel dans le but de provoquer les vomissements », a précisé à L’actualité pharmaceutique Sean Upton, agent des relations avec les médias à Santé Canada. « Le sirop d’ipéca et les autres produits de santé naturels qui contiennent de l’ipéca en forme liquide ont été approuvés pour les allégations suivantes : remède homéopathique, aide digestive, traitement contre la diarrhée, traitement contre la fièvre, soulagement de la nausée, de la toux et du rhume. »Pour sa part, l’Ordre des pharmaciens du Québec analysera les recommandations de l’INSPQ et du CAPQ et il émettra ensuite ses recommandations aux pharmaciens. (Éric Whittom)Dubé PA, Blais R, Leblanc F, Letarte A, Sirois C. Enquête provinciale sur la disponibilité en pharmacie communautaire de produits pour décontamination gastro-intestinale (Rapport), INSPQ, 2012.

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