Toux chronique: le point sur les interventions non pharmacologiques et les traitements en développement

Bien que de nouveaux traitements prometteurs pour la toux chronique soient en cours de développement, aucun traitement autorisé n’est actuellement disponible. Les traitements non pharmacologiques restent donc un outil extrêmement précieux, comme l’ont expliqué des experts de renom qui ont participé au Congrès canadien sur la santé respiratoire organisé fin avril à Toronto. Définie comme une toux qui dure huit semaines ou plus, la toux chronique est particulièrement difficile à diagnostiquer et à traiter, car elle a souvent plusieurs causes possibles et peut être due à plus d’une affection, a mentionné le Dr Imran Satia, spécialiste de la toux chronique et professeur adjoint au département de médecine et de pneumologie de l’Université McMaster. La toux est le symptôme le plus fréquemment observé par les médecins de première ligne et les spécialistes des maladies respiratoires. Pour les patients, la toux chronique peut être frustrante, voire invalidante et avoir un impact significatif sur leur qualité de vie.Nommer la touxLe Dr Satia a présenté les différents types de toux chroniques, ainsi que les difficultés à les nommer et à les traiter. Il a également évoqué les progrès de la recherche et les traitements potentiels.«Parmi les patients atteints de toux chronique, il y en a un certain nombre que vous traiterez et dont la toux s’améliorera. Nous qualifions ces personnes comme ayant une "toux chronique expliquée"», indique-t-il en précisant que la cause est souvent un trouble nasal, de l’asthme, une bronchite ou un reflux gastro-œsophagien.«Malheureusement, il y a un groupe de personnes qui ont ce que nous appelons une toux chronique réfractaire ou une toux chronique inexpliquée. Dans le cas de la toux chronique réfractaire, on a pu identifier une maladie sous-jacente, on a soigneusement traité cette maladie, mais la toux persiste», observe le médecin. «Si vous examinez le patient et que vous ne trouvez pas de maladie sous-jacente, que la méthacholine est normale, que la numération sanguine est normale, que le scanner est normal et qu’il n’y a littéralement rien d’autre que vous puissiez identifier, nous appelons souvent cela une toux chronique inexpliquée.»Le Dr Satia souligne que cette terminologie peut être source de confusion et de frustration pour les patients. «Si je dis à un patient: “Vous avez une toux chronique depuis 15 ans. Nous avons fait des recherches et nous n’en avons pas trouvé la cause”. Il va me répondre: "Alors, docteur, qu’est-ce qui ne va pas chez moi? Je vais lui dire: "Votre diagnostic est une toux chronique inexpliquée". Il va alors vous regarder d’une manière inhabituelle et pensera que vous n’êtes pas très bon».Des études montrent que la toux chronique réfractaire ou inexpliquée peut être le signe d’un trouble neurophysiologique, explique le spécialiste. «Je pense donc que l’un de nos objectifs en tant que communauté est de donner une sorte d’étiquette de diagnostic physiopathologique, quelque chose comme le facteur de toux, le syndrome de sensibilité, la toux neurogène, la toux apathique, quelque chose qui donne des indications sur la pathologie plutôt que de dire "vous avez une toux chronique réfractaire ou inexpliquée".»Mécanismes sous-jacentsLe Dr Satia a expliqué la pathologie qui sous-tend la toux chronique réfractaire et inexpliquée. La recherche montre que le mécanisme sous-jacent est parfois appelé syndrome d’hypersensibilité à la toux: les nerfs qui contrôlent la toux, comme le nerf vague qui innerve les poumons et la gorge et envoie des signaux au cerveau, sont devenus hypersensibles et hyperréactifs. «Nous pensons que si les gens toussent, c’est parce que quelque chose ne va pas dans cette voie, qu’il s’agisse du nerf vague périphérique ou du mécanisme central. C’est pourquoi les nouvelles thérapies sont conçues pour supprimer ces réponses neuronales.»Les options thérapeutiques étant limitées dans le traitement de la toux chronique réfractaire ou inexpliquée, les antagonistes des récepteurs p2x3 se sont révélés très prometteurs dans les essais cliniques, a-t-il ajouté.Le gefapixant est un médicament dont le développement clinique est passé de la phase 1 à la phase 3 et qui fait actuellement l’objet d’un examen réglementaire par l’Agence européenne des médicaments, la FDA américaine, la MHRA anglaise et Santé Canada. Un autre antagoniste du p2x3, le camlipixant, s’est révélé prometteur en phase 1 et en phase 2. Un essai de phase 3 est présentement en cours.Lire aussi: Toux persistante après une infection respiratoire: que faut-il savoir?Actuellement, les médicaments utilisés hors indication pour la toux chronique sont la morphine, la prégabaline, la gabapentine et l’almotriptan. «Ils ne sont pas approuvés pour cet usage, mais nous les utilisons. Si vous avez accès à de bons orthophonistes, c’est une autre très bonne option pour essayer de désensibiliser le système nerveux central», signale le Dr Satia.L’orthophoniste Kim Smith, de Grimsby (Ontario), a expliqué lors du congrès comment ses pairs et d’autres professionnels de la santé peuvent offrir un traitement non pharmacologique efficace contre la toux chronique.Bilan orthophoniqueLes orthophonistes travaillent en tandem avec d’autres professionnels de la santé et veillent à ce que les causes sous-jacentes de la toux soient éliminées ou traitées.Le traitement commence par des évaluations approfondies — y compris l’historique détaillé du patient — et des entretiens pour comprendre la nature de la toux, qu’elle soit réflexe ou volontaire. Elle étudie les facteurs déclenchant la toux (par exemple, la parole, le rire, les fumées), l’envie de tousser et les sources d’irritation. Elle effectue des examens du larynx pour détecter les tensions ou les irritations et elle peut avoir recours à la laryngoscopie pour approfondir le diagnostic afin d’obtenir des données visuelles. Elle évalue les mouvements paradoxaux des cordes vocales, les autres troubles de la voix et les schémas respiratoires. L’éducation à la physiologie et à la fonction de la toux et du larynx est cruciale pour la compréhension et la motivation du patient.Lire aussi: Les lignes directrices sur la toux peu connues des professionnels de la santé«La première chose à faire, et la plus importante, est de s’assurer que nous avons éliminé ou traité les causes sous-jacentes de la toux. Nous voulons donc nous assurer qu’il n’y a rien de grave ou d’effrayant», indique Kim Smith.Selon elle, le succès du traitement repose sur plusieurs éléments clés.L’éducationL’éducation sur la physiologie ainsi que sur la fonction de la toux et du larynx est cruciale pour la compréhension et la motivation du patient. «Il est important d’informer les patients à propos du cycle de la toux et de l’irritation, et sur la boucle de rétroaction. À savoir que la toux engendre l’irritation, l’irritation engendre la toux, et ainsi de suite. Il est important d’aider les patients à comprendre que la toux n’est pas toujours nécessaire et que, lorsqu’ils me contactent, c’est souvent parce que leur médecin leur a déjà dit que cette toux ne les aidait en rien.»Suppression de la touxLes techniques de maîtrise de la toux sont au cœur du traitement orthophonique. Elles consistent à faire prendre conscience au patient de son envie de tousser, à utiliser des stratégies de distraction ou de contrôle (par exemple, déglutition difficile) et à réapprendre à respirer (avec la respiration abdominale basse, par exemple). L’entraînement à la désensibilisation aide les patients à supprimer la toux en présence d’irritants.Lire aussi: Toux chronique: quid de l’efficacité et de la tolérabilité du géfapixant? «Anecdotiquement, la technique de suppression la plus bénéfique ou la plus efficace est la déglutition difficile. Il s’agit essentiellement de remplacer un comportement par un autre. Ainsi, lorsque vous avez envie de tousser à cause d’un chatouillement dans la gorge, au lieu de répondre à cette sensation par une toux ou un raclement de gorge, vous allez y répondre d’une manière différente.»Traiter l’irritation L’irritation du larynx est souvent une hypothèse retenue, signale Kim Smith, même si elle ne peut pas voir d’irritation à l’examen. «Si, lors de l’évaluation initiale, j’identifie des comportements irritants, par exemple la sécheresse, une forte consommation d’alcool, le tabagisme, le vapotage, une forte exposition à certains irritants, nous faisons de notre mieux pour modérer ces comportements et, le cas échéant, je recours à la thérapie vocale et à la rééducation pour les patients chez qui la dysphonie est un problème coexistant.»MotivationL’orthophoniste a souligné l’importance du conseil psychoéducatif et de l’entretien motivationnel pour renforcer l’engagement et la confiance des patients.«Il est extrêmement important de susciter la motivation et la capacité à appliquer les stratégies. Cela ne marchera pas si quelqu’un cherche une solution rapide, s’il veut une baguette magique, une injection ou un médicament. Cela prend beaucoup de temps et peut parfois être très frustrant. Il est intéressant de noter que l’anxiété coexiste avec la toux chronique chez un grand nombre de patients.»Lire aussi: Toux chronique persistante et réfractaire: diagnostic par exclusionElle note que des recherches émergentes explorent de nouvelles techniques telles que l’entraînement de la force musculaire expiratoire et la thérapie de désensibilisation à la toux utilisant la capsaïcine dans un nébuliseur.Efficacité du traitementKim Smith note que des études, comme celles menées par l’orthophoniste Anne Vertigan, montrent que les résultats de cette thérapie comprennent une diminution objective du nombre de toux, une amélioration de l’ensemble des symptômes et de la qualité de vie liée à la toux, telle que mesurée par le questionnaire de Leicester. «Quelques autres études ont montré une amélioration des symptômes non liés à la toux, tels que la dyspnée, la sensibilité des voies aériennes supérieures et la dysphonie, ainsi qu’une réduction de la fréquence de la toux et de l’envie de tousser.» L’orthophoniste recommande le guide Mieux vivre avec la toux chronique sur le site web de Respiplus, qui fournit des stratégies et des informations aux patients. Elle reconnaît également que d’autres professionnels, tels que les kinésithérapeutes et les inhalothérapeutes, pourraient administrer ce type de thérapie, d’autant plus que les listes d’attente peuvent être longues pour les orthophonistes.

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