The Origins of AIDS: Un infectiologue de Sherbrooke remonte aux sources du sida

Quelle est l’origine du sida, par quels mécanismes s’est-il propagé, d’abord en Afrique, puis à travers le monde ? Voilà deux questions majeures auxquelles le Dr Jacques Pépin, un infectiologue de Sherbrooke, cherche à apporter des réponses dans un livre qu’il vient de publier en anglais, The Origins of AIDS. Sa thèse et son livre, qui vient combler un vide important dans la compréhension de cette infection de propagation mondiale, ont été jugés assez crédibles pour faire l’objet d’un grand article dans le New York Times à la fin de 2011.Des dizaines d’ouvrages ont été publiés sur le sida depuis que la maladie a été identifiée en 1981, mais The Origins of AIDS est l’un des tout premiers à expliquer sa provenance et les causes de son explosion. The River, paru en 1999, reliait sa transmission à un vaccin expérimental contre la poliomyélite, mais cette hypothèse a finalement été réfutée.Dans son livre, le Dr Pépin soutient que la médecine aurait contribué accidentellement à la dissémination du sida. The Origins of AIDS remonte l’histoire et explique comment un ou quelques cas de sida survenus au cœur de l’Afrique ont pu engendrer une pandémie qui a contaminé 65 millions d’humains, et tué la moitié de ce nombre.Pour réaliser et écrire The Origins of AIDS, le Dr Pépin, qui a lui-même exercé quatre ans en République démocratique du Congo, deux ans en Gambie et mené des projets de recherche dans une dizaine d’autres pays d’Afrique noire, s’est livré à une très vaste enquête journalistique. Ce travail de recherche lui a demandé quatre ans de fouilles et de travail. Il a lu des centaines d’articles et d’études et s’est rendu consulter des archives coloniales en Europe pour en apprendre davantage sur les vastes campagnes de vaccination massives réalisées dans plusieurs pays africains.Parcours de la maladieLe médecin sherbrookois reprend l’idée de scientifiques selon lesquels le premier cas de sida chez l’humain serait survenu en Afrique noire autour de 1921, soit 60 ans avant que la maladie ne soit officiellement identifiée. Toutefois, des études de biologie moléculaire ont documenté que le virus chez le chimpanzé existait depuis plusieurs centaines d’années. Il est possible que des cas antérieurs à 1921 se soient produits chez l’humain, mais il n’en n’existe pas de preuve.L’origine du VIH 1, le virus à la source du sida, se trouverait dans une espèce de primates, le pan troglodytes, qui aurait d’abord contaminé des chasseurs. Au départ, les cas de sida seraient restés localisés, mais éventuellement, à partir de la ville de Kinshasa, la maladie s’est répandue dans le reste de la République démocratique du Congo. De là, le sida aurait traversé les frontières et se serait étendu à travers l’Afrique, jusqu’en Afrique du Sud, puis il a été exporté vers l’Inde. À la fin des années 1960, le virus aurait été importé à Haïti par des travailleurs haïtiens qui étaient allés travailler au Congo.À partir des années 1970, le sida a gagné les États-Unis et l’Europe à la faveur de la libération des mœurs homosexuelles. Un commissaire de bord d’Air Canada a même été considéré comme le patient zéro parce qu’il avait été relié à de nombreux nouveaux cas chez les homosexuels dans plusieurs villes américaines, mais il n’a pas été le premier humain contaminé par le sida.La maladie a été décrite en 1981. C’est là que s’arrête le livre du Dr Jacques Pépin.Facteurs de transmissionL’infectiologue québécois croit que deux facteurs majeurs ont contribué à la transmission du sida sur son continent d’origine, l’Afrique. Dans les années 1920 et 1930, elle a été favorisée par les grandes campagnes de vaccination contre la maladie du sommeil et la tuberculose. Les interventions médicales auront donc joué un rôle prépondérant dans la dissémination de la maladie. Le Dr Pépin a lui-même participé à de telles opérations de vaccination contre la maladie du sommeil au début des années 1980, alors que le sida n’avait pas encore été identifié. Il reconnaît qu’il a sans doute contaminé quelques personnes parce que les seringues et les aiguilles n’étaient pas suffisamment désinfectées.« Quand je regarde le travail des médecins coloniaux des années 1930, je ne les blâme pas, commente-t-il. Si j’avais été à leur place, j’aurais fait la même chose. Ils ont travaillé avec les connaissances de l’époque. Dans les années 1980, c’était la même chose. Par rapport aux normes de l’époque, ce n’était pas de la mauvaise pratique médicale. »L’autre mode de transmission du sida se trouverait dans des changements sociaux. Les mouvements de populations et l’afflux de réfugiés dans les villes à compter des années 1960 ont entraîné une forte hausse de la prostitution. Des prostituées pouvaient avoir jusqu’à 1000 à 1500 clients par année.La combinaison de ces deux facteurs a fait en sorte qu’une maladie qui n’avait affecté que des chasseurs africains et quelques membres de leur famille est devenue endémique et a touché plus de 65 millions de personnes à ce jour à travers le monde.Le Dr Pépin aspire à traduire lui-même son livre en français.À lire aussiLes leçons du sida ont-elles été apprises ?

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