Terrain d'entente

Lorsque Wordle est apparu, j’ai bien aimé ce jeu et j'y ai joué de temps en temps. Ma femme m'envoie encore ses résultats bloqués, surtout lorsqu'elle les trouve en deux suppositions ou moins. Mais j'ai fini par m'ennuyer. J'adore le baseball. J'écris cette chronique avec cinq jours de retard parce que j'ai passé la fin de semaine à entraîner mon fils et ses coéquipiers qui ont remporté le championnat provincial des moins de 15 ans. Je n'ai pas eu le temps d'écrire, mais j'ai pris le temps de jouer à Immaculate Grid, une version de Wordle pour la Ligue majeure de baseball. En passant, pour les amateurs de hockey, il y a le PuckDoku, qui est tout aussi captivant. Il y a quelques dimanches, j'ai été appelé au travail deux heures plus tôt que prévu. Il y avait du monde partout. Je n'avais qu'une salle pour recevoir les patients et, après les avoir évalués, ceux qui étaient moins urgents ont dû retourner dans la salle d'attente. Les six premiers que j'ai reçus, des femmes, étaient des cas assez simples à ce qu'il me semblait. Elles sont toutes rentrées chez elles, avec une intervention minimale et en étant satisfaites de leur visite. Mais l'une d'entre elles est revenue deux semaines plus tard et a reçu un diagnostic sérieux. Six patientes La première patiente a exactement 60 ans. Pendant la nuit, elle s'est réveillée avec le bras gauche engourdi. Elle avait dormi dessus et, lorsqu'elle s'est tournée de l'autre côté, l'engourdissement s'est résorbé. Elle a appelé son médecin, qui lui a suggéré de se rendre aux urgences. Elle est en pleine forme, en parfaite santé, ne prend aucun médicament et a des constantes parfaites. «Il se peut que vous ayez dormi dessus. Cela s'est-il déjà produit auparavant?» «Oui, mais j'ai 60 ans et l'une de mes amies proches vient d'avoir un accident vasculaire cérébral.» Je lui explique que son risque est extrêmement faible et, une fois encore, après une discussion, elle est rassurée et accepte de consulter son médecin de famille. Je ne reproche pas à son médecin de l'avoir envoyée - en fait, je suis impressionné qu’il ait été disponible pour discuter avec elle pendant la fin de semaine. La deuxième patiente est une femme de 32 ans qui souffre d'un mal de tête de 10 sur 10. Elle porte des lunettes de soleil et vient aux urgences deux fois par année pour des migraines. Elle a juste besoin d'une injection de Toradol et de Maxeran et veut retourner au lit le plus vite possible. Après l'avoir examinée rapidement, je suis d'accord avec son plan et je demande à l'infirmière de lui donner ses médicaments dès que possible. La troisième patiente est âgée d'une trentaine d'années et il me faut un peu de temps pour comprendre la raison de sa présence ici. Elle a des saignements vaginaux depuis deux jours et le sang semble plus foncé que d'habitude. Elle est par ailleurs en bonne santé et ses règles sont irrégulières, si bien que la date de ces saignements n'est pas surprenante en soi. Elle ne se sent pas faible, elle ne ressent aucune douleur ou gêne et les saignements n'ont pas été particulièrement abondants. «Alors, qu'espérez-vous que je puisse faire pour vous aujourd'hui?» lui dis-je. Il me faut encore plusieurs questions, mais je finis par comprendre qu'elle a déjà eu une dysplasie cervicale et, qu'en raison de la pandémie, son dernier test PAP remonte à plusieurs années. Elle a un médecin de famille et après lui avoir dit que je n'ai même pas vu de brosse endocervicale depuis 10 ans, elle accepte d'appeler son médecin de famille et de prendre rendez-vous. Lire aussi: Détecter et déjouer les patients manipulateurs La quatrième patiente est intéressante. Elle a une soixantaine d'années et me raconte que quatre mois plus tôt, elle a développé une éruption cutanée généralisée, suivie d’un gonflement du visage et du cou. Elle a consulté de nombreux médecins et prend 11 médicaments, certains pour des maladies chroniques (antihypertenseurs et hormones de substitution) et d'autres (comme les stéroïdes) pour l'éruption et l'enflure récentes. Lorsqu'elle me tend son dernier médicament, un diurétique, elle ne se souvient plus s'il était destiné à l'hypertension ou à l'enflure. On dirait qu'elle souffre du syndrome de Cushing et la chronologie (condition initiale ou iatrogène) est trop difficile à comprendre pour moi dans ce service d'urgence très occupé. Comme pour tous mes patients, j'ai parcouru son dossier médical avant de la voir et je suis convaincue qu'elle a fait l'objet d'un examen approfondi. Je lui demande de ne pas prendre de stéroïdes et de prendre un rendez-vous urgent avec notre clinique de médecine interne. La patiente n°5 est âgée d'une cinquantaine d'années; elle revient de son travail ou est sur le point de s'y rendre. Elle est aide-soignante (elle a également un autre emploi) et porte encore l'uniforme. Elle me dit qu'elle a souvent besoin d'uriner, et qu'elle a des douleurs à la miction et une hématurie. «J'ai eu cela il y a trois mois et c'est parti avec des antibiotiques», me raconte-t-elle. Lorsque je lui demande si elle a d'autres problèmes médicaux, elle me répond que non, bien que je sache qu'elle est diabétique insulinodépendante, car elle a été admise pour une lésion rénale aiguë plus tôt dans l'année. Le résumé de sortie indique qu'elle est diabétique depuis la fin de la quarantaine, mais qu'elle a brusquement cessé de prendre ses médicaments quelques années auparavant. Après réhydratation et initiation à l'insuline, elle est sortie deux jours plus tard. Je lui demande si elle peut fournir un échantillon d'urine, et lorsqu'elle me répond qu'elle l'a déjà fait, elle me demande combien de temps cela va encore prendre. Les infirmières sont soucieuses de libérer les patients, et lorsque je demande que son échantillon d'urine soit analysés dès que possible, les résultats sont affichés dans les minutes qui suivent. Il est fortement positif pour les leucocytes, le sang et les nitrites. Je rédige une ordonnance de cinq jours pour des antibiotiques (la première ordonnance que j'ai rédigée jusqu'à présent) et lui demande de revenir si son état ne s’améliore pas. La sixième patiente est la troisième femme d'une soixantaine d'années de la journée. Elle se plaint d'une «réaction allergique». C'est sa troisième visite en trois jours pour la même raison. Elle présente une éruption cutanée fine et papuleuse sur tout le corps, surtout dans le dos. Lors de sa première visite, on lui a donné du Benadryl. Le lendemain, comme la situation ne s'était pas améliorée, on lui a donné des stéroïdes. Au troisième jour, rien n'avait changé. Elle est en bonne santé, ne prend aucun autre médicament et, à part l'éruption cutanée, ne présente aucun symptôme. Alors que je me gratte la tête, elle se souvient que deux jours avant l'apparition de l'éruption, elle avait consulté un médecin pour un mal de gorge. «Ils m'ont dit que c'était probablement viral, mais ils ont fait un prélèvement.» «Avez-vous encore mal à la gorge?» «Non.» Je sors et je vérifie Connecting Ontario. Le résultat du prélèvement est une infection à streptocoques. Et l'éruption cutanée? C'est une scarlatine classique, mais je ne m'attendais pas à ce qu'une personne de son âge ait des maux de gorge. Lors de ses deux dernières visites aux urgences, elle avait oublié son mal de gorge et la visite sans rendez-vous qu'elle avait effectuée plus tôt dans la semaine. Lire aussi: Chers médecins, êtes-vous intuitifs? Une semaine d'hôpital L'une de ces patientes reviendra et passera une semaine à l'hôpital avec un nouveau diagnostic de cancer. Heureusement, je l'apprends car c'est moi qui la reçoit. Le dossier de la patiente n°5 mentionne une «infection urinaire». Elle avait terminé son traitement antibiotique une semaine plus tôt et, bien que ses symptômes se soient légèrement améliorés, du sang persistait dans ses urines. Entre ses deux emplois, elle était trop occupée pour consulter un médecin, mais le matin de sa deuxième visite, elle a vomi une fois et a ressenti une douleur au flanc droit. Il n'a pas eu de fièvre et ne s'est pas plaint d'autre chose que d'un malaise général. En raison de la douleur unilatérale au flanc, des vomissements et de l'hématurie, je demande des analyses de sang et un scanner, soupçonnant un calcul rénal. Quelques heures plus tard, les résultats sont disponibles. Son taux de globules blancs est de 12,5 et son taux d'hémoglobine, qui était de 122 lors de son séjour quelques mois plus tôt, n'est plus que de 97. Les résultats de la créatinine et de la tomodensitométrie sont toutefois plus inquiétants. Sa créatinine est supérieure à 400 et son scanner montre une hydronéphrose bilatérale sévère avec une suspicion de lésion vésicale sous-jacente. Lors de son admission, une cystoscopie et une biopsie révèlent un cancer de la vessie de haut grade et, avant sa sortie, elle doit subir une néphrostomie bilatérale. Lire aussi: La vérité est parfois insupportable À la faculté de médecine, on m'a appris à trouver un terrain d'entente avec les patients, et pour ces six-là, nous l'avons trouvé ensemble. L'engourdie de la nuit a été rassurée par le fait qu'elle avait simplement dormi sur son bras. La migraineuse était heureuse de recevoir ses injections et de rentrer chez elle dans son lit. La femme souffrant de saignements vaginaux voulait sans doute que je lui fasse un test PAP sur-le-champ, mais elle a compris que nous n'avions pas l'équipement nécessaire aux urgences et m'a assuré qu'elle ferait un suivi auprès de son médecin de famille. La femme atteinte du syndrome de Cushing était heureuse d'interrompre ses stéroïdes dans l'espoir que son gonflement s’estompe. Et grâce à la technologie, j'ai pu consulter le résultat du prélèvement de gorge de ma dernière patiente et poser le diagnostic de scarlatine. Parfois, le terrain d'entente n'est cependant pas dans l'intérêt du médecin ou du patient. La patiente n°5 semblait pressée et a commencé par me dire que la dernière fois qu'elle avait eu ce problème, les antibiotiques l'avaient guéri. Les infirmières (et moi-même) tenaient à analyser rapidement ses urines et à confirmer le diagnostic présumé, afin d'aider à désengorger les urgences. Mais sa note de triage décrivait des caillots de sang dans ses urines et ne mentionnait ni fréquence ni dysurie. J'aurais dû au moins assurer le suivi de ses symptômes. Sinon, j'aurais pu prendre note de son cas et assurer le suivi de sa culture d'urine, qui n'aurait finalement révélé aucune bactérie. Souvent, lorsque je révèle les réponses d’Immaculate Grid, je regrette de ne pas avoir été plus attentif ou d'avoir envisagé les choses différemment. Lorsque j'examine ces six cas, je ressens la même chose. Cinq d'entre eux étaient assez simples et, bien que le sixième ait semblé l'être, ce n'était pas le cas en fin de compte. Et je sais que j'aurais pu faire mieux.

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