Témoignage: Dans la vie d’une pharmacienne malentendante

La tâche qui m'attendait semblait insurmontable, et c'était compréhensible. Il est rare d'entendre parler d'une personne malentendante travaillant dans le secteur de la santé. La pharmacie ne fait pas exception. J'étais nerveuse lorsque j'ai postulé à l'école de pharmacie. Je ne connaissais pas de personnes sourdes dans la profession de pharmacien. En fait, j'avais l'impression que les chances étaient contre moi car un étudiant en médecine sourd d'une autre université était en train de mener une bataille juridique en raison de violations de l'American with Disabilities Act de 1990. Il est rare que les personnes qui sont nées avec une déficience auditive ou qui perdent l'ouïe pendant l'enfance poursuivent des études supérieures après l'école secondaire. J'ai été la première étudiante sourde à suivre le programme de pharmacie de mon université. Pour être tout à fait honnête, j'ai failli rater ma chance. Le service des admissions ne connaissait pas les services de relais vidéo (SRV), qui sont un type de service téléphonique disponible pour les personnes malentendantes qui communiquent par le biais de la langue des signes américaine (ASL). De nombreuses personnes n'ayant pas de problème d'audition ne connaissent pas ce dispositif et le confondent souvent avec un appel de télémarketing ou une arnaque. Chaque fois que j'appelais, le service des admissions raccrochait! Pour contourner ce problème, j'ai dû demander l'aide de ma mère. Elle a appelé l'université pour l'informer que j'essayais de rappeler via le SRV et que j'étais sourde. Le doyen des affaires étudiantes a répondu personnellement à mon appel. Il m'a avoué que c'était une nouvelle expérience pour lui et pour le département de pharmacie. J'ai obtenu mon entretien et j'ai proposé d'amener moi-même un interprète car je savais que c'était une procédure avec laquelle ils n'étaient pas familiers. Le personnel était abasourdi lorsqu'il m'a rencontré. Je pouvais voir à leurs réactions qu'ils ne s'attendaient pas à ce que je sois capable de parler. Malheureusement, la société a cette idée fausse que si quelqu'un est sourd, il est muet ou mutique. J'ai été admise à l'université. Ce n'était pas toujours des arcs-en-ciel et des papillons. C'était un ajustement pour l'ensemble de la faculté et du personnel. C'était certainement un ajustement pour moi. Vous voyez, j'ai terminé mes études de premier cycle dans une université qui répondait totalement à mes besoins. Je n'ai pas eu à me battre pour les obtenir. Ils étaient facilement accessibles. Mais à l'école de pharmacie, c'était tout le contraire! Le plus grand obstacle a été de m'assurer que j'avais les accommodements appropriés en place pour pouvoir réussir dans le programme. La pression que je ressentais pour réussir était irréelle! Il y avait encore beaucoup de sceptiques qui ne croyaient pas que j'avais ma place dans le programme. Je ressentais le besoin de faire mes preuves et, peu importe mes résultats, cela ne semblait jamais suffisant. Néanmoins, je suis reconnaissante de mon expérience, car elle m'a appris à défendre mes intérêts et à renforcer ma compréhension de mes droits en tant que personne ayant une capacité unique. Je pensais que le fait de réussir le programme serait la preuve dont j'avais besoin pour montrer que j'avais mérité un siège à la table de la pharmacie. J'avais tort! Trouver un emploi après l'obtention du diplôme a été frustrant et difficile. Il m'a fallu 16 mois pour décrocher mon premier emploi de pharmacienne. Peu importe que j'aie les qualifications requises pour faire le travail. Les responsables de l'embauche s'accrochaient au fait que je ne pouvais pas entendre. De nombreuses d'entreprises auprès desquelles j'ai postulé ne pouvaient tout simplement pas voir au-delà de ma capacité unique. J'appelle intentionnellement ma surdité une capacité unique plutôt qu'un handicap. Je PEUX entendre. Mais je ne peux pas utiliser mes oreilles pour le faire. J'utilise simplement mes yeux. Mon incapacité à entendre avec mes oreilles ne définit pas ce que je peux faire. C'est ma persistance, mon courage, ma volonté et ma curiosité qui font de moi ce que je suis. Mes expériences de vie et mon parcours à l'école de pharmacie et après m'ont permis d'acquérir les connaissances dont j'ai besoin pour défendre les intérêts d'une communauté unique - la communauté des sourds et des malentendants. Pour beaucoup de mes collègues pharmaciens, je suis la première personne qu'ils rencontrent de près ou de loin dans la communauté des sourds. Aujourd'hui, j'utilise mon expertise en tant que femme sourde et pharmacienne sourde pour combler le fossé qui sépare cette communauté unique. J'espère que la société cessera de se cacher derrière la peur de l'inconnu et embrassera cette communauté. Après tout, la surdité ne devrait pas être considérée comme un handicap, mais plutôt comme une capacité unique.

Témoignage: Dans la vie d’une pharmacienne malentendante

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes