Techniciens en pharmacie: des étudiants ont plusieurs questions sur leur futur métier

Une trentaine d’étudiantes se sont déplacées à l’auditorium du cégep pour entendre les réponses des panélistes aux questions qu’elles avaient pris soin de préparer. Cet événement, qui en était à sa deuxième édition, était retransmis par vidéo aux étudiantes du cégep de Thetford Mines, Gérald-Godin, Abitibi-Témiscamingue, Baie-Comeau et Rivière-du-Loup. L’occasion était belle pour les panélistes de rappeler à quel point leur arrivée sur le marché du travail est attendue. «Je reçois toutes les semaines des pharmaciens propriétaires qui ne sont plus capables et qui sont débordés parce qu’ils n’ont plus de personnel suffisamment compétent, raconte Louisa Abbacha, pharmacienne responsable de la gestion des ententes à l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP). Ils engagent un peu n’importe qui pour que la pharmacie demeure ouverte». Les besoins importants de soutien aux pharmaciens et le manque d’effectifs profiteront aux futurs TP. «Demain matin vous pourriez être capables de trouver des milieux qui vont être intéressés à vous engager et à vous offrir des salaires compétitifs», poursuit Louisa Abbacha, qui note que les salaires et les conditions de travail varient d’une pharmacie à l’autre dans le milieu communautaire. De son côté, le président de l’Association professionnelle des pharmaciens salariés du Québec (APPSQ), Patrick Hemery, encourage les futurs TP à négocier leurs salaires. «Vous allez pouvoir choisir votre endroit, faire ce dont vous avez envie et négocier votre salaire. Toutefois, on peut avoir un très bon salaire dans un milieu désorganisé et tomber en épuisement professionnel. Il faut davantage penser à votre bien-être au travail qu’au salaire», conseille-t-il. En établissement de santé, le salaire est déjà établi et variera de 24,36$ à 33,95$, selon l’échelon. Manque d'étudiants De plus, de nombreux postes de techniciens en pharmacie vont être créés dans les prochaines années. «Le ministère de la Santé va financer un total de 600 postes de personnel technique sur trois ans», souligne la directrice générale adjointe de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES), France Boucher. Or, en établissement comme en communautaire, les postes ne devraient pas tous être pourvus, selon les intervenants. «Les cohortes d’étudiants TP ne sont malheureusement pas très remplies et il y a peu d’étudiants qui vont graduer», s’inquiète Louisa Abbacha. Des tâches à définir Si les étudiants n’auront pas de difficulté à se trouver du boulot une fois leur diplôme obtenu, quelles seront leurs tâches sur le marché du travail? Cela va dépendre des pharmacies, affirme Mme Abacha. «Vos tâches ne sont pas encore claires et définies. Ce sera à vous de démontrer quelle est votre valeur ajoutée.» En tant que pharmacienne, Louisa Abbacha ne voudrait pas que le TP puisse seulement rentrer une ordonnance et faire du comptage de pilules. «Je veux qu’un TP soit capable d’entrer dans le DSQ.» De son côté, Denis Roy, président de l’Association des bannières et chaînes de pharmacie du Québec (ABCPQ), voit ces futurs professionnels occuper un rôle important dans la gestion d’une pharmacie. «Ma vision est que les TP deviennent les gestionnaires en chef d’une pharmacie et font les évaluations de performances.» Les panélistes ont insisté sur l’importance pour les TP à aller chercher des compétences en gestion au cours de leur formation. De son côté, Patrick Hemery estime que la polyvalence du TP sera sa grande force. «Ne perdez pas de vue que la profession en est une globale de prise en charge du patient et on doit savoir tout faire.» Plus d’actes cliniques Une étudiante a demandé si les TP pourraient éventuellement effectuer des actes plus poussés, par exemple, des prolongations ou des modifications d’ordonnance. Pourquoi pas, a répondu Guylaine Bertrand, Chef, service d’accompagnement à la Direction de la qualité de l’exercice et des relations partenaires de l’Ordre des pharmaciens du Québec. «Les pratiques vont continuer à évoluer en pharmacie et votre rôle va pouvoir s’élargir. Cela va toutefois demander des changements règlementaires», explique-t-elle. De son côté, Marylène Lévesque, présidente de l’Association québécoise des assistants techniques en pharmacie (AQATP), croit que les besoins en TP sont ailleurs. «Je ne vois pas vraiment la pertinence d’effectuer ces actes. Il n’y a pas un besoin pour qu’un technicien fasse ce travail-là quand il doit déjà travailler en collaboration avec le pharmacien.» La hiérarchie en pharmacie Une autre étudiante a voulu savoir de qui relèvera le TP en pharmacie d’établissement et en communautaire. Cela dépendra de chaque milieu, ont commenté les intervenants. «Dans certains établissements de santé, il y a des chefs de service et dans d’autres ce sont des chefs d’équipe qui sont des ATP qui coordonnent les équipes. Toutefois, d’un point de vue hiérarchique, le TP va relever d’un chef de département», explique France Boucher de l’APES. En pharmacie communautaire, le TP va relever la plupart du temps du pharmacien propriétaire, a mentionné Louisa Abbacha, de l’AQPP. «Chaque pharmacie est différente. Vous allez relever du pharmacien propriétaire ou, dans les pharmacies à plus haut volume, de chefs pharmaciens. Mais vous n’allez pas relever de l’ATP chef.» Un ordre professionnel ou pas? Par ailleurs, la question de la création d’un ordre professionnel pour les techniciens en pharmacie ou de l’intégration des TP dans l’Ordre des pharmaciens du Québec a été soulevée. «Est-ce que vous pourriez être ajouté à l’Ordre des pharmaciens qui deviendra l’Ordre de la pharmacie au Québec? Peut-être», a laissé entendre Guylaine Bertrand de l’OPQ. S’ils veulent créer leur ordre professionnel, les TP devront toutefois être en grand nombre sur le marché du travail, note-t-elle. De son côté, Denis Roy de l’ABCPQ a découragé le TP à se constituer un ordre professionnel. «Une association forte va travailler pour vous alors qu’un ordre professionnel va vous imposer plusieurs fardeaux.» Les étudiants TP peuvent déjà être membres de l’Association québécoise des assistants techniques en pharmacie. «On a voulu intégrer les TP à l’association, car les TP et les ATP ont deux rôles complémentaires dans le milieu du travail. C’est tout à fait pertinent qu’elles puissent être ensemble dans l’association», explique Marylène Lévesque de l’AQATP. Même s’ils ne font pas partie d’un Ordre, les TP doivent suivre le code de déontologie des pharmaciens, indique Guylaine Bertrand. Des TP actionnaires? «Pensez-vous que les TP pourraient participer à l’actionnariat d’une pharmacie comme c’est le cas en Alberta», a demandé une étudiante? L’AQPP a fermé la porte à cette possibilité. «Le fait que seuls les pharmaciens peuvent être propriétaires permet une très forte indépendance professionnelle qu’on souhaiterait maintenir. On ne voudrait pas ouvrir une boîte de Pandore et qu’ensuite n’importe qui puisse avoir une pharmacie», affirme Louisa Abbacha de l’AQPP. De son côté, l’OPQ ne semble pas complètement fermé à l’idée. «Lorsque vos cohortes seront toutes remplies et que l’on retrouvera avec des milliers de TP sur le marché du travail, ça restera à discuter. Il faudrait voir les avantages et les désavantages», souligne Guylaine Bertrand. Parcours passerelle DEC-Pharm D en vue Mme Bertrand a annoncé que le projet d’un parcours passerelle DEC-Pharm D serait dans les plans. «Dans ma tête, c’est vers là que l’on s’en va. C’est la suite logique. Je ne peux pas parler pour les universités, mais elles sont invités à nos rencontres et connaissent le programme de TP.» Selon elle, il faudrait voir ce qui pourrait être fait pour faciliter le chemin vers le Pharm D.

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