Syndrome Wolff-Parkinson-White: Danger de syncope et de mort subite chez les enfants et les adolescents

Alexandre (prénom fictif), un adolescent de 13 ans, n’avait jamais éprouvé de problèmes cardiaques, si ce n’étaient quelques épisodes dispersés de tachycardie ces deux dernières années. Lors d’un examen, l’urgentologue d’un hôpital a détecté une anomalie au cœur, corroborée par le cardiologue de garde de l’établissement.Alexandre a alors été adressé au Dr Jean-Marc Côté, cardiologue pédiatrique au Centre mère-enfant de Québec. Un tapis roulant et de nouveaux électrocardiogrammes ont confirmé le diagnostic : il présentait un syndrome Wolff-Parkinson-White. Devant le danger potentiel que ce faisceau pouvait représenter pour la vie du jeune patient, le Dr Côté a conseillé aux parents et à l’adolescent une opération qu’il pratique depuis une quinzaine d’années visant à débarrasser le patient de l’anomalie.Alexandre a été opéré à l’Institut de cardiologie et de pneumologie de Québec par une équipe médicale dirigée par le Dr Côté. L’intervention, qui consiste à introduire des cathéters à l’intérieur du cœur et à brûler le faisceau, a été un succès sur toute la ligne. Il a été détecté et détruit en 60 minutes à peine.Le lendemain de l’intervention, Alexandre quittait l’hôpital sur ses deux jambes. Le lundi suivant, il retournait en classe et reprenait ses activités courantes. Un nouvel électrocardiogramme réalisé un mois plus tard a démontré que le faisceau était totalement disparu et il ne devrait jamais plus réapparaître.Une longue expertiseDe telles interventions visant à détruire des Wolff-Parkinson-White, le Dr Côté, qui est cardiologue pédiatrique depuis 1996, en a réalisé plus de 700 depuis le début de sa carrière. Il en a aussi exécuté à l’hôpital Sainte-Justine et à l’Hôpital de Montréal pour enfants. C’est à Boston, où il a fait son fellow, qu’il a appris à maîtriser la technique. Pour l’instant, il est encore le seul cardiologue pédiatrique au Québec à réaliser cette intervention. Près d’une trentaine de cardiologues pour adultes la pratiquent au Québec.Les dangers du syndromeVéritable expert du Wolff-Parkinson-White chez l’enfant, le Dr Côté croit que beaucoup de médecins sous-estiment le danger réel que représente ce syndrome chez les petits et les adolescents.« On sait que le Wolff-Parkinson-White peut provoquer de la tachycardie. En soi, c’est incommodant, mais elle n’est pas dangereuse chez l’enfant, explique-t-il. Ce que l’on sait moins, c’est que le syndrome peut entraîner des syncopes et il peut même représenter une cause de mort subite de l’adolescent et du jeune adulte. C’est peu fréquent mais c’est une chose possible. »C’est ce qu’il répète dans son enseignement lorsqu’il donne des cours sur l’arythmie cardiaque.« Le Wolff-Parkinson-White favorise l’apparition d’une autre sorte d’arythmie, la fibrillation auriculaire, précise-t-il. En l’absence de Wolff-Parkinson-White et en présence de fibrillation auriculaire, le nœud auriculo-ventriculaire freinera les 300-400 impulsions originant de l’oreillette et permettra au ventricule de battre à 120-150 impulsions par minute. Mais un Wolff-Parkinson-White peut être très conducteur et laisser passer 200 à 400 impulsions par minute. Le ventricule contractera trop rapidement pour soutenir une circulation adéquate. Le patient peut alors perdre connaissance et même en mourir. »Connaître le risqueSelon le Dr Côté, les médecins qui constatent la présence de ce syndrome chez un jeune patient devraient savoir qu’il peut constituer un risque potentiel élevé pour sa santé. Le cardiologue pédiatrique insiste sur l’importance en 2010 de déterminer si un individu porteur d’un Wolff-Parkinson-White est à risque ou non de symptômes graves et dangereux. Si le faisceau a un potentiel dangereux, le Dr Côté conseille de l’éliminer. L’intervention chirurgicale utilisée permet de guérir près de 95 % des patients.Des cathéters à l’intérieur même du cœurLe syndrome Wolff-Parkinson-White, précise le cardiologue pédiatrique Jean-Marc Côté, est une connexion musculaire anormale qui loge entre l’oreillette et le ventricule du cœur. Il est responsable de crises de tachycardie supra ventriculaires, mais plusieurs médecins ignorent qu’il peut être la source de syncopes et de mort subite. D’où la nécessité de le détruire quand les tests démontrent qu’il pourrait être dangereux.La connexion dont parle le Dr Côté peut avoir une conduction rétrograde unidirectionnelle, du bas vers le haut. Il peut en résulter des tachycardies, dit-il, mais le patient n’est pas à risque de mort subite. On identifie le syndrome Wolff-Parkinson-White lorsqu’il y a une conduction antérograde qui laisse passer l’électricité du haut vers le bas. Cette capacité varie selon l’individu. Si la conduction est bonne et que le faisceau récupère très rapidement entre chaque battement, il peut représenter un risque potentiel pour la vie du jeune patient.À la Clinique de rythmologie du CHUL qui dessert l’est du Québec, on diagnostique près d’un nouveau cas de Wolff-Parkinson-White par semaine. Chez certaines personnes, on le détecte fortuitement lors d’un électrocardiogramme. Ce syndrome touche surtout les gens dont le cœur est normal mais parfois associé à des malformations cardiaques congénitales. Comme on naît avec le Wolff-Parkinson-White, on peut le découvrir à tout âge (de la vie fœtale au troisième âge) ou vivre avec lui sans jamais avoir appris son existence.Mesurer le dangerQuand un patient lui est adressé, le Dr Côté évalue d’abord le potentiel de danger du faisceau au moyen du tapis roulant ou d’un monitoring du rythme cardiaque sur 24 heures.« Si on ne peut en prédire la bénignité, il est souhaitable que le patient subisse une étude électrophysiologique afin d’évaluer davantage les caractéristiques du faisceau, recommande-t-il. La plupart du temps, nous l’éliminerons lors de la même intervention. Dans quelques cas, si le faisceau n’est pas considéré comme dangereux, nous nous limiterons à l’étude. »Historique de l’interventionC’est seulement depuis une vingtaine d’années que l’on procède à l’ablation des Wolff-Parkinson-White. Au Québec, l’intervention a d’abord eu lieu à l’Institut de cardiologie de Montréal. À l’Institut de cardiologie et de pneumologie de Québec, les Drs Marcel Gilbert et Gilles O’Hara ont entrepris cette pratique en 1993 et cette technologie a pris son envol lorsque le Dr François Philippon a joint l’équipe. Le Dr Côté la réalise depuis 1996 chez les enfants, les adolescents et les adultes porteurs de cardiopathies congénitales complexes.La technique utiliséeLors de la procédure, les médecins font glisser à l’intérieur du cœur des cathéters qui permettent d’enregistrer l’activité électrique pendant une arythmie et d’en déterminer la source. Un autre cathéter est amené au site de l’arythmie, qui, par l’application de radiofréquence pendant 30-60 secondes, dégagera une chaleur de 50 ºC à 60 ºC à son extrémité et permettra d’éliminer les cellules anormales. Il est aussi possible de recourir à la cryothérapie, mise au point principalement à l’Institut de cardiologie de Montréal, pour les faisceaux près du nœud auriculo-ventriculaire, entre autres.L’ablation n’est pas recommandée chez les nouveau-nés. Chez eux, au moins 50 % des Wolff-Parkinson-White guériront avant l’âge d’un an, précise le Dr Côté. S’il n’est pas disparu, l’intervention sera proposée lorsque l’enfant aura atteint 18 à 20 kg. À ce stade, l’intervention peut être faite de façon beaucoup plus sécuritaire. La moyenne d’âge des patients du Dr Côté se situe à 13 ans.Complications possibles de l’interventionLe risque de complications significatives est faible. Cependant, deux complications potentiellement graves doivent le plus possible être évitées. Le circuit électrique normal du cœur peut être endommagé durant l’intervention, ce qui obligerait le patient à porter un cardiostimulateur. Si le faisceau est localisé trop près de ce fil, il peut arriver que les médecins ne tentent pas de l’éliminer pour éviter de l’endommager. La cryothérapie peut parfois être utilisée dans une telle circonstance.Si on juge que l’ablation peut provoquer un bloc des voies normales de conduction, entraînant un risque de mort subite pour le patient, on lui prescrira alors un antiarythmique à prendre quotidiennement qui modifiera les propriétés du faisceau pour le rendre moins performant et donc diminuera les risques pour le porteur du faisceau.Risque de caillotsL’autre danger de l’intervention est la formation de caillots qui pourraient être la source d’une embolie. On les prévient en donnant des anticoagulants durant l’intervention et des antiplaquettaires un mois après l’intervention. Ce risque est tout de même très inhabituel chez l’enfant et l’adolescent chez qui les vaisseaux sanguins sont sains.

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