Syndrome du côlon irritable : Pas de solution miracle, mais des approches thérapeutiques intéressantes et facilement accessibles!

Sylvie.dodin@ogy.ulaval.caRÉSUMÉObjectifDéterminer l’efficacité et la tolérance des fibres, des antispasmodiques et de l’huile de menthe poivrée dans le traitement du syndrome du côlon irritable.ConceptionRevue systématique avec méta-analyse.Source des donnéesLes banques de données Medline et Embase, et le registre des essais cliniques de Cochrane ont été consultés, sans restriction de langage. Une recherche manuelle a été effectuée à partir des résumés de congrès et des références des articles.Sélection des étudesLes essais cliniques randomisés réalisés auprès d’adultes de plus de 16 ans ayant un diagnostic de côlon irritable établi selon l’opinion du médecin ou selon les scores de Manning, Kruis ou Rome I, II, III ont été retenus. Le suivi des patients devait être d’une semaine au moins et les études devaient rapporter une évaluation globale à la suite du traitement, de la résolution ou de l’amélioration des symptômes, ou de la douleur abdominale.Extraction des donnéesDeux réviseurs indépendants ont évalué la qualité des articles selon le score de Jadad1. Les données étaient extraites de façon dichotomique pour l’issue principale (amélioration ou persistance ou non des symptômes pris globalement et de la douleur abdominale en particulier). Le risque relatif et l’intervalle de confiance à 95 % de la persistance des symptômes du SCI ou de la douleur abdominale ont été calculés pour chacune des interventions, comparativement au place/bo ou à l’absence de traitement.Synthèse des donnéesTrente-cinq essais cliniques parmi 105 identifiés ont été inclus dans la méta-analyse. Douze essais cliniques (591 patients) comparant l’effet des fibres au placebo ou à l’absence de traitement ont été retenus. La consommation de fibres était associée à une diminution du risque de persistance des symptômes (RR = 0,87, IC 95 % 0,76-1,00), mais cet effet était limité au psyllium (Métamucil) (RR = 0,78, IC 95 % 0,63-0,96).Selon l’analyse des résultats des 22 études comparant antispasmodiques et placebo, incluant 1778 patients, les antispasmodiques diminuent de 32 % le risque de persistance des symptômes (RR = 0,68, IC 95 % 0,57-0,81). Les résultats les plus consistants ont été observés avec l’hyoscine (Buscopan) (RR = 0,63, IC 95 % 0,51- 0,78) et l’otilonium (non disponible au Canada).Quatre essais cliniques (392 patients) ont comparé l’huile de menthe poivrée et un placebo. Une réduction de 57 % du risque de persistance des symptômes était associée à la prise d’huile de menthe poivrée, comparativement à l’huile placebo (RR = 0,43, IC 95 % 0,32-0,59).Les effets secondaires associés aux fibres n’ont pas été mesurés dans la majorité des études.Les antispasmodiques ont été associés à une fréquence faible, mais significativement plus élevée d’effets secondaires de type anticholinergique, comparativement au placebo et/ou à l’absence de traitement ((RR = 1,62, IC 95 % 1,05-2,50).ConclusionLes fibres solubles, les antispasmodiques et l’huile de menthe poivrée sont trois approches thérapeutiques plus efficaces que le placebo et bien tolérées dans le traitement du syndrome du côlon irritable.COMMENTAIREPertinence de l’étudeLe syndrome du côlon irritable (SCI) affecte 5 % à 15 % de la population générale dont le tiers consultera un médecin. En tant que médecins traitants, nous souhaitons avant tout améliorer la qualité de vie de nos patients souffrant de ce trouble fonctionnel bénin le plus souvent chronique et récidivant en priorisant les approches thérapeutiques qui ont fait la preuve de leur efficacité et de leur innocuité. De telles approches thérapeutiques sont- elles disponibles pour nos patients?Importance des résultats Les résultats de cette revue systématique avec méta-analyse permettent de croire que les fibres solubles sous forme de psyllium (Métamucil), le Buscopan et l’huile de menthe poivrée sont trois approches thérapeutiques plus efficaces que le placebo pour réduire le risque de persistance des symptômes du SCI. Le nombre de patients devant être traité (NNT) pendant neuf semaines en moyenne pour éviter qu’un patient n’ait des symptômes persistants est de six pour le Métamucil, de 3,5 pour le Buscopan et de 2,5 pour l’huile de menthe poivrée. Parmi les 17 patients qui prendront un antispasmodique, un seul présentera un effet indésirable (NNH : nombre nécessaire pour nuire).Critique de la méthodologieLes auteurs de cette revue systématique avec méta-analyse appuyée par le collège américain de gastroentérologie ont suivi avec beaucoup de rigueur toutes les étapes méthodologiques recommandées par le groupe Cochrane. La stratégie de recherche et les critères d’extraction des données sont clairement spécifiés. L’hétérogénéité entre les différentes études a été évaluée et les analyses de sensibilité selon les types de fibres ou d’antispasmodiques et selon la qualité des études ont été réalisées. D’ailleurs, les tests statistiques confirment une grande hétérogénéité entre les études notamment sur le plan de leur qualité méthodologique, et ce, pour les trois approches étudiée. Par contre, lorsque les études de moins bonne qualité étaient exclues des analyses, l’effet thérapeutique était maintenu pour les antispasmodiques et l’huile de menthe poivrée, mais il était à la limite de la signification statistique pour les fibres. De plus, l’hétérogénéité entre les études de bonne qualité portant sur les antispasmodiques a persisté, laissant croire à un biais de publication des études négatives. Par contre, aucune hétérogénéité n’a été observée entre les trois études (426 patients) portant sur le Buscopan. Les critères de ROME sont actuellement recommandés pour établir le diagnostic de SCI2, mais des critères reconnus n’ont été utilisés que dans six des 35 essais cliniques inclus dans cette méta-analyse, ce qui pourrait expliquer en partie l’ « hétérogénéité » des patients au regard des symptômes du SCI.Mise en perspective selon l’état des connaissances D’autres méta-analyses ont permis d’examiner le rôle de ces trois traitements dans le syndrome du côlon irritable, mais les résultats de ces dernières sont difficilement comparables en raison de différences importantes dans le choix des critères d’inclusion des études et d’extraction des données3,4,5.Une méta-analyse récente des mêmes auteurs permet également de croire en l’efficacité des antidépresseurs et des thérapies comportementales dans le traitement du SCI. Ces deux approches avaient une efficacité comparable (NNT = 4). Notons cependant que les études portant sur les thérapies comportementales étaient de moins bonne qualité. Ces différents articles de révision sont le fondement de la mise à jour du guide de pratique de l’American College of Gastoenterology sur le sujet6.Article de référenceFord AC, Talley NJ, Spiegel BM, Foxx-Orenstein AE, Schiller L, Quigley EM et coll. Effect of fibre, antispasmodics and peppermint oil in the treatment of irritable bowel syndrome : A systematic review and meta-analysis. BMJ 2008; 337: a2313.RéférenceJadad AR, Moore RA, Carroll D et coll. Assessing the quality of reports of randomized clinical trials : Is blinding necessary ? Control Clin Trials 1996; 17:1-12.Spiller R, Aziz Q, Creed F et coll. Guidelines on the irritable bowel syndrome : Mechanisms and practical management. Gut 2007;56:1770-98.Poynard T, Regimbeau C, Benhamou Y. Meta-analysis of smooth muscle relaxants in the treatment of irritable bowel syndrome. Aliment Pharmacol Ther 2001;15:355-61. Lesbros-Pantoflickova D, Michetti P, Fried M, Beglinger C, Blum AL. Meta-analysis : The treatment of irritable bowel syndrome. Aliment Pharmacol Ther 2004;20:1253-69.Ford AC, Talley NJ, Schoenfeld PS, Quigley EM, Moayyedi P. Efficacy of antidepressants and psychological therapies in irritable bowel syndrome : A systematic review and meta-analysis. Gut 2009;58:367-78.Brandt LJ, Chey WD, Foxx-Orenstein AE et coll. An Evidence-Based Position Statement on the Management of Irritable Bowel Syndrome. American Journal of Gastroenterology 2009;104:S1-S36.Contribution à la prise de décision cliniqueLes fibres solubles de type Métamucil, le Buscopan et l’huile de menthe poivrée sont des approches thérapeutiques à prendre en considération chez les patients souffrant de SCI.

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