Super job: médecin de famille puis anesthésiologiste dans les Forces canadiennes

Il était affecté à la base des Forces armées canadiennes de Baden-Soellingen, en Allemagne, quand le mur de Berlin est tombé. Il a régulièrement volé sur CF-18 pour parfaire ses connaissances en médecine aéronautique. Il a porté secours en hélicoptère à des soldats de l’OTAN déployés en Bosnie-Herzégovine. Entretemps, il a enseigné l’anesthésiologie à l’Université de Montréal et il a supervisé des dizaines de résidents à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Quand il regarde dans le rétroviseur, le Dr Daniel Audy se dit fier de son parcours professionnel. «J’ai adoré ma carrière. Je trouve que j’ai été chanceux, car j’ai travaillé dans des conditions extraordinaires et j’ai vu des choses que je n’aurais jamais vues autrement», observe l’anesthésiologiste qui coule depuis trois ans une préretraite heureuse à la Tuque.Le médecin ne s’en cache pas. Il a rejoint les Forces canadiennes (FC) par opportunisme. À l’issue de sa première année en médecine à l’Université Laval, qu’il a financée lui-même, il ne voulait pas s’endetter outre mesure pour finir ses études. «À l’époque [1982-1983, ndlr], les taux d’intérêt avoisinaient les 25%», se souvient-il. «Je me suis renseigné sur le plan de formation des Forces canadiennes. Il me payait mes quatre années d’études restantes et je leur devais ensuite trois ans de service. C’était une belle opportunité.»Son titre de médecin de famille en poche, le Dr Audy a suivi le «cours de base de médecin militaire» à l’école du Service de santé des FC, à Borden, en Ontario, avant d’être affecté en juillet 1987 à la base de Winnipeg, où était stationné le 3e bataillon d’infanterie du Royal Canadian Regiment (RCR). «J’étais l’omnipraticien de la base. Quand le régiment partait en exercice, j’allais avec eux.» En plus de sa pratique, il s’initie ainsi au maniement des armes et à la lecture de cartes topographiques. «J’étais l’officier responsable du peloton médical. Je devais être en mesure de mener mes troupes sur le terrain», explique-t-il.À l’été 1988, le 3e bataillon du RCR est déployé en Allemagne de l’Ouest, sur la base de Baden-Soellingen. Le Dr Audy est du voyage. Il passe un an au pied de la Forêt-Noire avant de revenir au pays se former en médecine aéronautique à l’Institut militaire et civil de médecine environnementale, situé à Toronto. Il est ensuite renvoyé en juillet 1989 à Baden-Soellingen, où il exerce à l’hôpital de la base tout en étant nommé médecin de l’air du 439e escadron de soutien au combat de l’Aviation royale du Canada, qui volait sur des chasseurs CF-18 Hornets. «Je soignais les militaires, leurs femmes et leurs enfants. Une fois par mois, je volais à bord d’un CF-18 pour mieux comprendre les effets physiologiques d’un vol sur les pilotes. Je me croyais dans Top Gun», raconte le médecin encore tout excité.Dans la nuit du 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombait, laissant passer des milliers d’Allemands de l’Est vers l’Ouest. Dès lors, le temps des FC en Allemagne était compté. «Notre présence n’était plus nécessaire et les Allemands voulaient qu’on s’en aille», se souvient le Dr Audy qui estime avoir eu «une belle vie en Europe».D’omnipraticien à anesthésiologisteDe retour au Québec en juillet 1990, il rempile avec les Forces canadiennes. Il est alors affecté à la clinique médicale de la base de Saint-Hubert, dont il devient l’année suivante le chef des services de santé. Avec l’approbation de sa hiérarchie, il décide en 1994 de retourner aux études pour effectuer une résidence en anesthésie-réanimation à l’Université de Montréal. «Au final, sur mes 20 ans dans l’armée, j’ai passé huit ans aux études», souligne le médecin.À l’issue de sa résidence, les FC le laissent en disponibilité à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont où il exerce comme anesthésiologiste pour maintenir ses compétences. L’armée se rappelle à lui en juillet 1999 pour une mission de quatre mois en Bosnie-Herzégovine, au sein du centre chirurgical avancé des Forces armées canadiennes à Ćoralići, dans le nord du pays. «On soignait les Canadiens et les soldats de l’OTAN. Le pays était en mode détente, ça brassait moins. Je n’ai pas pris en charge de blessés par balles. On avait un peu de trauma, des appendicites», indique le Dr Audy en ajoutant que «si les soldats font bien leur travail, je n’en ai pas et je suis bien content comme ça».Interventions en hélicoEn juin 2001, bis repetita. Les FC le renvoient en Bosnie-Herzégovine pour une mission de trois mois, cette fois-ci au sein de l’hôpital multinational de la force de stabilisation de l’OTAN à Sipôvo, dans une région montagneuse au centre du pays. «Je me déplaçais en hélicoptère pour aller récupérer en urgence des soldats de l’OTAN aux quatre coins de la Bosnie. Souvent, c’était pour des trucs mineurs. Je n’ai pas eu de blessé au combat, mais une fois, je suis intervenu auprès d’un soldat blessé par une mine. Je m’étais fait un plan, car je m’attendais à une blessure aux extrémités.» Arrivé sur place, le Dr Audy s’est rendu compte que ses garrots seraient inutiles. «Le gars n’allait vraiment pas bien. Il avait des blessures au niveau des membres inférieurs, proches de l’abdomen. On l’a ramené au camp, mais au bloc, il a flanché. Quand on décolle, il y a tout le temps un défi. Le patient peut être plus malade que prévu. La météo peut nous jouer dans le dos et nous forcer à changer de plan de vol. Faut composer avec ce qu’on a.»Après une telle intervention, «j’ai dû gérer l’équipage de l’hélico pour ventiler le truc», indique le médecin. «Quand on prend en charge des blessés, on sait que ça va arriver. Mais quand ça arrive, on doit débriefer l’événement. On vole ensemble. C’est une petite famille et elle doit bien aller», explique l’anesthésiologiste âgé de 64 ans, qui applique la même méthode dans sa pratique civile. «Je prends toujours soin de mes troupes. J’essaye de garder mon équipe heureuse et de lui donner une belle qualité de vie», dit-il. Carrière civile De retour à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont après sa mission, l’anesthésiologiste a repris sa pratique médicale au bloc opératoire. Après la fin de sa carrière militaire, en septembre 2003, il s’est aussi impliqué dans la clinique de la douleur de l’établissement ainsi que dans l’enseignement au sein du département d’anesthésiologie de l’Université de Montréal, dont il est devenu le «leader pédagogique». Le Dr Audy a également supervisé de nombreux résidents. «Mon gros dada, c’était de les aider à pratiquer pour l’examen oral du Collège royal des médecins.» Depuis 2021, il est retourné s’installer en Haute-Mauricie, d’où il est originaire, afin d’y prendre sa préretraite. À l’occasion, il faisait déjà des remplacements à l’Hôpital de La Tuque. Désormais, il travaille 20 semaines par année au bloc opératoire et 12 semaines à la clinique de gestion de la douleur chronique. Un rythme qui lui convient et qu’il prévoit de maintenir encore trois ou quatre ans. «Peut-être qu’ensuite, je ne ferais plus que la clinique, le temps de trouver un remplaçant, car je ne veux pas partir du jour au lendemain et laisser mes patients orphelins», mentionne le Dr Audy qui ne compte pas non plus passer sa vie au travail. «Je suis un chasseur et j’ai commencé à trapper. J’exploite aussi des terres à bois, pour le plaisir. C’est ça mon plan pour mes vieux jours.»Avec du recul, le médecin ne garde que de bons souvenirs de sa carrière dans les Forces canadiennes. «Au départ, je m’étais dit sept ans, puis je débarque. Mais j’ai vraiment fitté dans le truc. L’esprit de corps, la camaraderie, j’ai adoré ça. Je ne regrette absolument pas mon choix.»À lire aussiRenouer avec l’esprit originel de la médecine24 heures dans la vie d'un médecin en soins palliatifs pédiatriquesPaméla Paquet, anesthésiologiste pour Médecins sans frontières

Super job: médecin de famille puis anesthésiologiste dans les Forces canadiennes

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes