Suivi de l'asthme: les pharmaciens sont-ils prêts à répondre à l’appel?

Pour Patricia Côté, du Réseau québécois d’éducation en santé respiratoire (RQESR), il y a eu tellement de changements en santé respiratoire ces dernières années que les médecins ont maintenant besoin de l’aide de professionnels formés en éducation thérapeutique dans ce domaine pour les aider à « amener le patient vers l’autogestion ». Simon Lessard, pharmacien à Saint-Jérôme et éducateur certifié en maladie respiratoire (asthme et MPOC) ainsi qu’en cessation tabagique. Photo : Patrice RhymanQuel médecin, en effet, a le temps « d’explorer les barrières et tout ce qui peut influencer le comportement d’un patient dans l’assainissement de son environnement ? », demande-t-elle. Ou encore de connaître toutes les médications sous forme de pompes pour savoir quel inhalateur sera le plus adapté aux besoins et à la dextérité d’un patient ? Que le professionnel soit une infirmière, un inhalothérapeute ou un pharmacien importe peu, selon elle, tant qu’il a reçu une bonne formation en éducation thérapeutique dans le domaine de la santé respiratoire. « L’expertise d’un éducateur peut vraiment faire la différence, surtout si un patient doit prendre plusieurs médicaments avec des dispositifs différents », souligne-t-elle.Simon Lessard, pharmacien propriétaire à Saint-Jérôme et éducateur certifié en maladie respiratoire (asthme, maladies pulmonaires obstructives chroniques et cessation tabagique) confirme que l’apport des pharmaciens peut tout changer. Alors qu’il dirigeait la Clinique des maladies respiratoires de Laval, il a mené en 2011 une étude sur 50 patients atteints d’asthme ou de MPOC suspectés ou diagnostiqués. Cette étude lui a permis de constater que 64 % des patients atteints d’asthme avaient obtenu une amélioration de leur état*.À lire aussi: Asthme: les médecins prêts à partager le suivi avec les pharmaciensPendant six ans, de 2008 à 2014, Simon Lessard a tenu à bout de bras ce projet à but non lucratif. Il avait pour cela des raisons personnelles et professionnelles. Deux de ses enfants sont en effet atteints d’asthme. « Le fait d’avoir un enfant qui entre à l’urgence quasiment bleu, plus capable de respirer, ça m’a saisi. Je pouvais faire quelque chose, et je voulais changer ma pratique pour ne pas faire que de la distribution. Je me suis donc investi en santé respiratoire », dit-il. Il ne sait pas encore s’il renouvellera l’expérience à Saint-Jérôme dans sa nouvelle pharmacie de la même façon qu’il l’a fait à Laval. Avant toute chose, il désire connaître les besoins dans sa région et rencontrer pour cela les pneumologues locaux.Un appel à l’aide des médecinsLa Dre Francine Ducharme aimerait que les pharmaciens s’investissent davantage dans le suivi de l’asthme. « J’ai la perception que les pharmaciens s’approprient certains domaines plus que d’autres, et il me semble qu’il faudrait un leadership de leur part en ce qui concerne l’asthme », explique-t-elle. Les besoins sont criants.Un des principaux obstacles à une bonne prise en charge de l’asthme chez les enfants est l’usage sous-optimal des corticoïdes à long terme. Beaucoup de médecins n’en prescrivent pas : « Ça ne sert à rien puisque les patients ne les prennent pas ». C’est ce qu’ont montré ses recherches. Sur le terrain, on fait aussi trop peu de tests de la fonction respiratoire (spirométrie). Les médecins basent souvent l’évaluation de la maîtrise de l’asthme sur la perception des parents et des patients, et de ce qu’ils rapportent. Or, « l’examen physique n’est pas très fiable, souligne la Dre Ducharme. Si le patient est en crise, ajoute-t-elle, personne ne passera à côté, mais si 30 % des petites voies aériennes sont fermées, il sera physiquement impossible pour nous de percevoir le changement. » Selon les lignes directrices canadiennes, dont elle est présidente, il faudrait pourtant évaluer les fonctions pulmonaires au moins une fois pour poser le diagnostic, et à chaque visite pour s’assurer qu’un patient est bien maîtrisé.L’expertise d’un éducateur peut vraiment faire la différence, surtout si un patient doit prendre plusieurs médicaments avec des dispositifs différents.– Patricia Côté, RQESRLe pharmacien est bien placé pour contribuer au suivi de l’asthme. Il peut jouer un rôle central dans l’adhésion au traitement et offrir des tests de la fonction respiratoire en pharmacie. De plus, la loi 41, lui a ouvert le champ de nouvelles activités en matière d’aide à la cessation tabagique, mais aussi de prescription pour plusieurs problèmes mineurs associés à l’asthme, à savoir le muguet consécutif à l’utilisation d’un inhalateur de corticostéroïdes, la conjonctivite allergique et la rhinite allergique, comorbidités associées à l’asthme. Enfin, il peut aussi aider à la continuité des traitements, en prolongeant la prise de médicaments dans le cadre d’un traitement. Une activité particulièrement « bien vue par le médecin, car le pharmacien peut s’assurer qu’il n’y a pas d’interruption de traitement », précise Simon Lessard.« En allant plus loin, si le médecin donne ses cibles thérapeutiques pour la fonction pulmonaire de l’enfant avec les meilleures valeurs pour lui, le pharmacien pourrait commencer à le sevrer de ses médicaments et à le maintenir à la valeur demandée par le médecin, en faisant les ajustements thérapeutiques nécessaires », se plaît à imaginer la Dre Ducharme. Un scénario auquel Simon Lessard croit peu dans le contexte actuel, bien qu’il le fasse lui-même pour d’autres types de pathologies.Un service de fidélisationSelon la loi 41, le pharmacien peut ajuster la forme et la posologie d’une médication selon des cibles fournies par le médecin, mais il n’est payé pour ces actes que dans le cadre de certaines aires thérapeutiques : la dyslipidémie, l’hypertension, le diabète, l’hypothyroïdie et la migraine. Pas l’asthme. « Le pharmacien peut donc faire tout cela, mais comme il n’y a pas de rémunération associée, il ne le fera pas », dit Simon Lessard. Il croit davantage à l’implantation de services professionnels à valeur ajoutée qui, comme les promotions sur certains produits d’hygiène, peuvent se révéler un bon incitatif pour fidéliser la clientèle ou l’inciter à venir. Et cela se fait déjà dans plusieurs pharmacies. Depuis cinq ans, l’Association pulmonaire du Québec, dont il fait partie, promeut la journée mondiale de la spirométrie en proposant des tests en pharmacie. « Cela a pris beaucoup d’ampleur », précise-t-il. Plus de 75 pharmacies participent maintenant à cette journée. Il se demande cependant si, à l’échelle du Québec, c’est cette voie que le ministère de la Santé et des Services sociaux mettra de l’avant. Malgré quelques beaux exemples en pharmacie, au Québec, il estime que la tendance est plutôt « d’adresser le gros de ces suivis respiratoires aux groupes de médecine de famille (GMF), où des infirmières et des inhalothérapeutes formés en la matière feront les spirométries prescrites par le médecin présent dans le bureau d’à côté, donc avec une proximité très pratique ».Simon Lessard reste persuadé que le pharmacien est bien placé, voire le mieux placé pour faire le suivi de l’asthme et des MPOC, puisqu’il est le seul professionnel de la santé à voir le patient aussi souvent dans une année, notamment au moment de ses renouvellements de médicaments. « Mais est-ce que le pharmacien veut vraiment le faire ? », demande-t-il.* 25 % des huit patients ayant fait une tentative d’arrêt tabagique avaient également cessé définitivement de fumer, 55 % des plans d’action élaborés pour 11 patients avaient été acceptés intégralement par les médecins traitants et 80 % des suggestions formulées par le pharmacien aux médecins avaient été mises en œuvre.

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