Suicide d’une femme de 57 ans - La coroner déplore le manque de communication entre les médecins et le pharmacien

Une femme de 57 ans s’est suicidée en avalant un cocktail de médicaments prescrits par trois médecins différents et achetés à la même pharmacie communautaire. La coroner qui a enquêté sur cette mort et qui a rendu son rapport public en janvier déplore, entre autres, le manque de communication entre les médecins et le pharmacien.Le 16 juin 2014, Louise Légaré a été retrouvée morte à sa résidence de Québec par le livreur de la pharmacie communautaire et par la gestionnaire de l’édifice où elle habitait. Le livreur était sans nouvelle de la patiente depuis plusieurs jours, ce qui était inhabituel de sa part. Une lettre de suicide ainsi que des flacons vides de médicaments ont été trouvés près du corps.Dans son rapport, la coroner Lyne Chouinard mentionne que Louise Légaré souffrait de nombreux problèmes de santé mentale depuis le milieu des années 1980 : des dépressions chroniques, un trouble bipolaire, un trouble de personnalité limite et un trouble de panique. À cela s’ajoutaient des problèmes de santé physique : diabète, névralgie faciale et douleurs chroniques à la cheville gauche.Selon la coroner, Louise Légaré menaçait assez régulièrement de mettre fin à ses jours, en particulier depuis la mort de ses parents. Elle résidait dans un immeuble dédié spécifiquement aux personnes souffrant de troubles mentaux et disposant d’un faible revenu.Lourde médicationLouise Légaré était suivie par trois médecins : un psychiatre, un interniste et un médecin de famille, les deux premiers exerçant dans le même établissement. Comme il arrivait fréquemment à la patiente de rater ses rendez-vous, les médecins effectuaient parfois un suivi avec elle au téléphone.Le psychiatre et l’interniste qui suivaient Louise Légaré lui avaient prescrits trois antidépresseurs (trazodone, bupropion et citalopram), deux benzodiazépines (flurazépam et lorazépam), un thymorégulateur (lamotrigine) et deux opioïdes (hydromorphone et timbres de Fentanyl).De son côté, le médecin de famille lui avait également prescrit à quelques reprises du cyclobenzaprine, un relaxant musculaire. Or, cette molécule peut causer des interactions médicamenteuses avec les médicaments psychotropes, en augmentant leur action, rappelle la coroner dans son rapport. Au cours de la dernière année, la patiente avait d’ailleurs fait savoir à son pharmacien qu’elle avait subi à quelques reprises des intoxications médicamenteuses. Il arrivait également assez fréquemment à Louise Légaré d’augmenter la posologie de ses opioïdes et de broyer plusieurs de ses médicaments pour les inhaler par voie nasale.Manque de communicationDans son rapport, la coroner note que le psychiatre et le médecin de famille n’ont pas été informés par le pharmacien des interactions médicamenteuses possibles de ce mélange de médicaments. « Je me questionne sur la qualité de l’acte du pharmacien au dossier considérant les multiples interactions médicamenteuses présentes au dossier de Mme Légaré », écrit-elle.« Le suivi médical de Mme Légaré aurait [également] pu être optimisé par une approche coordonnée de l’ensemble des professionnels de la santé impliqués dans son dossier, ce qui aurait probablement été plus bénéfique qu’un suivi par plusieurs médecins prescrivant des médicaments de façon isolée, poursuit la coroner. Cette situation peut provoquer une dilution des responsabilités, car plus personne ne se sent responsable d’une situation spécifique pour un patient donné. »Dans ses recommandations (voir ci-dessous), la coroner mentionne que l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) devrait effectuer une analyse de ce dossier et que le Collège des médecins du Québec (CMQ) doit poursuivre ses efforts pour sensibiliser ses membres à l’importance de la communication entre professionnels. La coroner suggère également au ministère de la Santé et des Services sociaux d’assurer l’accessibilité des médecins au Dossier Santé Québec. Les ordres professionnels répondentLa directrice générale et secrétaire de l’OPQ, Manon Lambert, indique que le dossier de Louise Légaré a été confié à un comité responsable d’évaluer les rapports des coroners lorsqu’il est question d’un acte pharmaceutique. Il pourrait alors être décidé que soit effectuée une visite d’inspection à la pharmacie visée. Une enquête pourrait être lancée par le syndic. L’Ordre pourrait rappeler les bonnes pratiques dans un article de l’un des bulletins acheminés à ses membres.Sans commenter spécifiquement le dossier de Louise Légaré, Manon Lambert rappelle que les pharmaciens ont désormais une responsabilité particulière en matière de surveillance de la thérapie médicamenteuse. « En plus de la remise du bon médicament au bon patient, le pharmacien doit vérifier que les médicaments prescrits offrent les résultats escomptés, faire un suivi des effets indésirables et s’assurer que le patient ou ses proches aidants comprennent bien les informations concernant la prise des médicaments », explique-t-elle.Le président et directeur général du Collège des médecins, le Dr Charles Bernard, souligne pour sa part que la coroner n’a pas remis en question les compétences des médecins dans son rapport et que le problème réside plutôt dans le manque de communication entre les professionnels et le fait que les outils permettant de communiquer sont manquants.« Nous sommes très sensibles à la question de la communication entre les professionnels de la santé et nous le rappelons régulièrement à nos membres, soutient le Dr Bernard. Comme le mentionne la coroner dans ses recommandations, le Collège va continuer d’insister sur ce point. »À cet égard, le Dr Bernard rappelle que la nouvelle mouture du Code de déontologie des médecins précise les attentes du Collège en matière de communication. À titre d’exemple, le médecin doit, s’il le juge approprié, communiquer à un autre professionnel de la santé tout renseignement utile aux soins et services à fournir à ce patient.Le Dr Bernard ajoute cependant que le manque d’outils comme le DSQ peut nuire à la communication entre les médecins et les autres professionnels de la santé. « Et, en particulier dans les cas de suicide, il ne faut pas non plus négliger que le patient peut parfois cacher certaines informations à son médecin », constate-t-il.

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