Sous-traitance des services alimentaires: profits ou santé d’abord?

Les futurs CHUM et CUSM pourraient avoir moins de contrôle sur les coûts et sur la qualité des aliments servis à leurs patients s’ils privatisaient en partie ou en totalité leurs services alimentaires. C’est ce que soutient un récent rapport de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS)1.Selon le rapport, la nouvelle version des plans fonctionnels et techniques (PFT) pour la construction du CHUM et du CUSM s’oriente vers une augmentation de l’utilisation d’aliments surgelés cuisinés à l’extérieur des murs de ces hôpitaux et vers une gestion privée des services alimentaires par une firme multinationale, soit l’entreprise Sodexo qui fait déjà affaire avec le CUSM.L’étude indique que jusqu’à 65 % des aliments du nouveau CHUM pourraient être des aliments prêts à l’emploi (légumes et fruits pelés, nettoyés et découpés en usine) et des mets usinés prêts à l’emploi (repas en sauce).L’auteur de ce rapport, Guillaume Hébert, émet de sérieuses réserves sur le projet des centres hospitaliers universitaires de confier la gestion de ce service à l’industrie agroalimentaire.Déjà testé sans succès«Les expériences de sous-traitance de services alimentaires hospitaliers se sont régulièrement soldées par des échecs», note le chercheur à l’IRIS. Les dépassements de coûts, la précarisation des emplois et les impacts néfastes sur la santé des patients figurent parmi les ratés de cette sous-traitance au Canada et dans le monde.M. Hébert cite l’expérience de l’hôpital La Providence de Magog qui, après quatre années de gestion des services alimentaires par Sodexo, a vu augmenter les coûts d’achat liés à la nourriture de 30,5 %.«Déjà en 1995 à l’hôpital La Providence, on faisait le choix de redonner à l’administration publique le contrôle de ce service qui a réussi à réduire les coûts de 14,9 % en 5 ans», illustre l’auteur.Il souligne aussi que lors de la signature du contrat avec Sodexo en 2004, les promesses d’économies de 600 000 $ par année au CUSM n’ont pas pu être tenues. «En effet, l’entreprise sous-traitante se devait d’implanter un modèle de distribution de type hôtelier à la fois à l’Hôpital général de Montréal et à l’Hôpital Royal Victoria.Cependant, ce deuxième hôpital n’étant pas habilité à recevoir les infrastructures pour le modèle hôtelier, les économies promises n’étaient pas réalisables», peut-on lire dans le document. Notons que l’auteur n’a pu avoir accès qu’aux données financières disponibles pour le CUSM pour réaliser cette analyse.Devant la vétusté de plusieurs cuisines dans les hôpitaux du Québec, M. Hébert s’inquiète que cette «expérience de privatisation et de sous-traitance des CHU ouvre ensuite la voie pour l’ensemble des établissements».Tendance vers l'utilisation de produits frais et locauxSelon lui, la tendance est plutôt à l’abandon des plats surgelés tant aux États-Unis qu’en Europe. Plusieurs pays ont décidé de mettre l’accent sur l’utilisation de produits frais et locaux, comme en Italie et en Suisse dont les politiques alimentaires sont plus sévères.Son étude cite entre autres l’exemple de l’Angleterre avec son projet Hospital Food Project qui relie les producteurs agricoles locaux aux administrateurs de services alimentaires en milieu hospitalier. Une expérience qui vise à atteindre une proportion de 10 % de nourriture biologique dans les hôpitaux et une réduction des transports inutiles.1. Guillaume Hébert, chercheur, Nouveaux CHUM/CUSM : Vers la sous-traitance des services alimentaires, Rapport de recherche, Février 2010.

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