Sommet «Une nouvelle vision en santé»: indicateurs au rouge pour la pérennité du système de santé et de services sociaux

Le système de santé et des services sociaux est en tension. C’est ce qu’il ressort des données présentées en exclusivité par Georges-Charles Thiebaut au cours d’une conférence présentée dans le cadre du sommet «Une nouvelle vision en santé» le 24 octobre. La deuxième édition de ce sommet, organisé par l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) a été l’occasion de se questionner sur la pérennité du système de santé et des services sociaux. Une tension budgétaireAujourd’hui, explique M. Thiebaut, plusieurs indicateurs dépeignent une situation précaire et fragile, ce qui signifie qu’il faut «agir assez rapidement», car une tension budgétaire se faire ressentir. Dans un contexte caractérisé par des «enjeux de réponse aux besoins de la population», cela signifie qu’il n’y a pas de marge de manœuvre possible.Les dépenses publiques de santé s’élèvent à 9,5% du produit intérieur brut (PIB), ce qui est supérieur à la médiane des pays comparables. Toutefois, dit-il, «notre PIB est inférieur à la médiane des pays comparables » et le pourcentage de dépenses en santé du gouvernement est de 43%. En regardant de plus près, on observe que 72% des dépenses en santé sont publiques, ce qui signifie que 28% de dépenses publiques en santé sont privées, soit l’une des proportions les plus élevées parmi les pays de l’OCDE.À consulter: Loi 2: vives inquiétudes en pneumologieParallèlement à cette tension budgétaire, les dépenses de santé augmentent dans l’ensemble des systèmes publics à travers le monde et le Québec ne fait pas exception, avec une croissance annuelle moyenne de 3,4%. Si l’on exclut l’effet de la COVID-19 qui fait augmenter ce taux, on descend à 2,7% de croissance annuelle. L’inflation, le vieillissement, la croissance démographique et l’augmentation des services produits, sont des facteurs qui peuvent expliquer l’augmentation de ce chiffre. Pourtant, le volume de production de services en santé depuis 2015 reste stable.Par ailleurs, la pandémie a entraîné un déficit qui perdure depuis 2019. Face à cette réalité, plusieurs options s’offrent au gouvernement pour rectifier le tir en ce qui concerne sa capacité à payer. Il peut, par exemple, accroître l'efficience et la productivité, chercher des fonds dans d’autres secteurs, augmenter les taxes, faire une année blanche sans augmentation… On pourrait donc s’attendre à des conséquences quant au niveau de réponse aux besoins, explique le commissaire adjoint à l’évaluation. Des ressources humaines et matérielles insuffisantesLa disponibilité de ressources est un autre élément critique, selon les données présentées. «Il y a une situation qui est plus grave que la précédente», à savoir la suffisance et le maintien du capital humain et matériel. Les données indiquent un manque de capital humain dans le domaine de la santé, donc moins de médecins et d’infirmiers que la médiane des pays de l’OCDE, une tendance stable depuis 2015. Une étude du ministère de l'Emploi et de la Solidarité Sociale conclut par ailleurs que toutes les professions médicales sont en déficit pour les années 2024 à 2028.De plus, un certain nombre de médecins omnipraticiens se désaffilient de la Régie de l'assurance maladie du Québec pour passer au privé. Il est estimé que 5% des médecins pratiquent dans le secteur privé et que cette courbe «est en hausse extrêmement significative depuis 2019». M. Thiebaut estime qu’il en résulte alors une perte de capacité de production dans le système public de santé et de services sociaux. À lire aussi: Les Canadiens soutiennent le principe des demandes anticipées d’aide médicale à mourirDans une optique plus encourageante, il souligne que la qualité de vie au travail dans le réseau est plutôt positive, avec un taux d'absentéisme et de rétention respectivement «plutôt bon» et «bon».Quant aux ressources matérielles, les données montrent que le Québec possède moins de lits d’hôpitaux que la médiane des pays de l’OCDE et que la plupart des pays. Cette donnée, conjuguée au taux d’occupation des lits sur une année, montre que l’on atteint la pleine capacité sur une année. Celui-ci dépasse en effet le seuil critique de 85%. Le taux de lits en Centres d’hébergement longue durée (CHSLD) est quant à lui en baisse depuis 2015, un élément à corriger également. Il faudrait créer 2500 places par an pour répondre aux besoins de la population, d’après la chaire Jacques Parizeau. Les ressources matérielles sont également à améliorer, d’après les données présentées lors du sommet. Bien que l’état de l’infrastructure s’améliore, 18% des bâtiments de l'ensemble du réseau sont considérés en «mauvais état» et le quart des équipements médicaux ont dépassé leur durée de vie utile.La viabilité préoccupante met en péril la pérennité du système, indique le commissaire adjoint à l'évaluation. D’autant que la capacité d’innovation est difficile à évaluer, ce qui est surprenant sachant que c’est «l'un des leviers principaux pour assurer une pérennité à long terme».

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