Sommes-nous proches de la fin du généralisme en soins primaires?

Il est incroyable, et encore moins raisonnable, que le Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) se détourne lui-même du généralisme, un concept fondamental à l'identité professionnelle de la médecine familiale. Le rapport final du Projet sur les finalités d’apprentissage (PFA, janvier 2022) m'a complètement trompé. S'il était relativement facile de percevoir ce rapport comme un document politique, il était également facile de passer à côté d'un programme plus subtil. Les théories du complot mises à part, les faits sont ce qu'ils sont. Le CMFC a abandonné le généralisme dans le secteur des soins primaires. Il a plutôt choisi de s'engager dans une stratégie péremptoire à long terme qui converge en fin de compte vers des spécialités certifiées par des comités professionnels. Et moi qui pensais que tout ce dont le CMFC avait besoin était un peu d'aide pour définir le généralisme, à supposer qu'il le veuille. Ce n'est pas le cas. Le rapport final du PFA cite un document d'appui essentiel, le profil de formation des résidents (RTP). Celui-ci présente un ensemble détaillé de compétences nécessitant trois années de formation formelle. Beaucoup ont fait valoir qu'une troisième année obligatoire en médecine familiale serait superflue. Ses partisans justifient l'extension du programme par la complexité croissante de la science médicale et par le sentiment que les diplômés sont mal préparés après deux ans d'études - deux arguments qui manquent de preuves objectives. Ce qui m'a le plus intrigué, cependant, c'est la franche admission qu'après presque 70 ans d'«essais», le CMFC n'a toujours pas trouvé de philosophie distinctive pour le généralisme en soins primaires. Ne nous y trompons pas: le Collège est composé d'un groupe de médecins intelligents. Et pourtant, après tout ce temps, toujours pas de philosophie distinctive, pas de rôle clairement différencié ? Ça ne colle pas. Lire aussi: De plus en plus de médecins démissionnent: que se passe-t-il? Il faut entrer dans le RTP, qui explique tout. De ce qui a commencé en 1954 comme une tentative d'établir une pratique médicale en soins primaires basée sur un concept de généralisme, la médecine familiale se transforme désormais en une forme hybride de spécialisation. Se débarrassant de leur ancienne identité, les omnipraticiens vont réapparaître comme des quasi-spécialistes qui se respectent. Quelle voie emprunte le CMFC? Le rapport final du PFA s'ouvre sur une citation d'un pionnier de la médecine familiale, le Dr Ian McWhinney, qui déclare : «Si nous [les médecins de famille] devons occuper notre place, il est crucial que notre engagement soit inconditionnel; les patients doivent avoir la certitude qu'on ne leur dira jamais "Ce n'est pas mon domaine".» Cela pique un peu les yeux de voir comment l'héritage de McWhinney est utilisé pour justifier et ennoblir une relève dans son nouveau rôle professionnel, tout en abandonnant l'orthodoxie généraliste qu'il défendait. Il est clair que le CMFC veut jouer sur les deux tableaux, généraliste et spécialiste. Le PFA désigne huit domaines de spécialisation menant à un Certificat de compétence additionnelle (CCA). Avec une désinvolture certaine, le préambule de chaque programme de spécialisation assure au lecteur que les diplômés sont à jamais «engagés dans la prestation de soins de santé de première ligne accessibles, de haute qualité, complets et continus». Les valeurs professées d'exhaustivité et de continuité sont davantage une marque déposée que les caractéristiques d'une identité professionnelle distincte. Lire aussi: Quels sont l’âge et le profil idéal du médecin? Ces valeurs permettent sûrement une pratique généraliste, mais elles ne permettent en aucun cas d'en saisir toute la signification. L'idée que les détenteurs du CCA mettront uniformément en œuvre ces idéaux dans toutes les spécialités est un non-sens; à moins, bien sûr, que les spécialistes certifiés par le Collège soient tout aussi capables de le faire, auquel cas la médecine familiale perd tout le cachet qu'elle pouvait avoir en tant que «discipline unique». Tout récemment, une diplômée du CCMF en médecine d'urgence m'a dit franchement qu'elle avait opté pour la spécialisation dans le but précis d'éviter les difficultés du modèle global et continu des soins primaires. Une plus grande spécialisation clinique est meilleure pour les affaires Le CMFC sait très bien que dans le contexte plus large des relations interdisciplinaires et de la division du travail médical, la pratique générale est contre-culturelle. L'omnipraticien perçoit souvent la prise en charge optimale du patient à travers une lentille qui n'est pas assujettie aux «meilleures preuves scientifiques», et il peut parfois choisir d'agir de manière à limiter la primauté des conseils des spécialistes. Une telle position engendre un risque considérable, notamment parce que nous vivons dans une société qui s'attend à des remèdes miracles et à des solutions toujours plus sophistiquées. Toute forme de contrainte, qu'elle soit philosophique ou méthodologique, se heurterait sans aucun doute à une forte résistance et finirait par nuire à la réputation de la médecine familiale en tant que partenaire fiable et fournisseur digne de confiance. Le CMFC a décidé qu'il ne voulait pas remettre en question le statu quo culturel de la pratique médicale, ni renoncer à une main gagnante face aux attentes du public. Il est beaucoup plus prudent et pragmatique de suivre le courant. Une plus grande spécialisation clinique est meilleure pour les affaires et le CMFC n'a aucun désir d'être le Roger Dangerfield de la médecine - donc il y aura plus de spécialisation. C'est peut-être le stigmate d'être «un homme à tout faire et un maître de rien» qui, selon le CMFC, devrait être remplacé par «un homme à tout faire et un maître de quelque chose». Dans sa version originale, le proverbe se voulait un compliment - un homme à tout faire est un maître de rien, mais il est souvent meilleur qu'un maître d'un seul métier. Il faisait également l'éloge du généraliste par rapport au spécialiste en tant que maître des compétences pratiques et intégratives. Ce que le CMFC propose pour la médecine familiale ressemble étrangement à la stratégie utilisée par les infirmières qui ont introduit des permis de pratique élargie qui empiètent sur les domaines traditionnellement exclusifs de la pratique médicale. Les CCA servent le même objectif dans la lutte pour la crédibilité parmi les élites médicales. Tout cela est parfaitement logique finalement. Pourquoi le CMFC ne peut-il pas définir le généralisme? À sa décharge, il ne fait pas semblant de savoir ce qu'est le généralisme. En fait, le concept a été réduit à un simple vestige de l'histoire. Le CMFC n'a pas réussi à trouver une définition fonctionnelle pour la simple raison qu'il n'est pas attaché à cette idée. Maintenir un équilibre vital entre l'art et la science en médecine, voilà ce que fait le généralisme. Si le généralisme survit, ce ne sera pas grâce au CMFC. Le Dr John MacIntyre est un omnipraticien à la retraite.

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