Soins de longue durée: trop d’accent mis sur l’influenza au détriment des autres virus respiratoires

Le Dr Gaston De Serres est épidémiologiste et médecin expert en maladies infectieuses et respiratoires à l’INSPQ. ©D. MéthotDans les milieux de soins de longue durée, on met trop l’accent sur l’influenza au détriment des autres virus respiratoires, affirme le Dr Gaston De Serres, épidémiologiste et médecin expert en maladies infectieuses et respiratoires à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Il a exposé son point de vue dans le cadre des Journées annuelles de santé publique 2017 tenues à Québec. Entrevue.Pourquoi dites-vous que l’on néglige les virus respiratoires autres que l'influenza dans les milieux de soins de longue durée?Sur une base annuelle, d’autres infections respiratoires sont plus fréquentes que l’influenza en soins de longue durée et ne sont pas moins dangereuses. On parle du virus respiratoire syncytial, des virus para-influenza, des entérovirus, des métapneumovirus, des rhinovirus, des adénovirus. Chez une population âgée, tous ces virus peuvent conduire à des infections respiratoires très importantes pouvant mener au décès.Pourquoi l’effort de surveillance est-il alors concentré sur l’influenza?Parce que c’est un microbe pour lequel nous disposons d'un vaccin et quand il y a des éclosions dans des CHSLD, il y a toujours aussi la possibilité d’utiliser des médicaments antiviraux pour essayer de contenir la transmission, alors que ce n’est pas le cas pour les autres virus. Comme les autres éclosions ne sont pas monitorées ou ne font pas l’objet de surveillance, on ne mesure pas l’impact qu’elles peuvent avoir.Quelle est la stratégie des autres provinces en comparaison avec celle du Québec?En Ontario, on surveille l’ensemble des éclosions qui peuvent être dues à d’autres virus, pas seulement de l’influenza. Cela a l’avantage de bien clarifier les enjeux, qui ne se limitent pas à l’influenza. Au Québec, on n’a aucune idée de notre performance concernant les autres infections respiratoires. Ça mériterait qu’on y porte plus d’attention qu’on ne le fait actuellement. C’est difficile de savoir si on doit améliorer les interventions pour les autres virus, vu qu’on n’a aucune idée de la situation. En Ontario, on a identifié que l’influenza représentait entre le quart et la moitié des éclosions respiratoires en milieu de soins de longue durée les trois dernières saisons.Les autres virus respiratoires sont-ils aussi létaux que l’influenza?C’est compliqué de le savoir en CHSLD pour les raisons que je viens d’expliquer. Toutefois, on sait que chez les personnes de 75 ans et plus atteintes d’une infection respiratoire autre que l’influenza, la mortalité liée à ces autres virus est comparable à celle de l’influenza.Lors de votre conférence, vous avez mentionné que le vaccin antigrippal est moins efficace contre la souche H3N2 que la H1N1. Quelles conséquences cela a-t-il? Lors des saisons avec la souche H3N2, ça va généralement moins bien. D'abord, les personnes âgées ont plus de risque d'attraper cette infection. Ensuite, tant chez les aînés que chez les plus jeunes, le vaccin protège moins bien contre le H3N2 que contre le H1N1. Les saisons où la souche H3N2 est présente, les cas de grippe sont nombreux et la proportion de patients qui en décèdent en CHLSD est de l’ordre de 4 à 6%.Si au contraire, il y a davantage de H1N1 que de H3N2, on aura moins de cas de grippe. Cependant, la proportion de décès reliés en CHSLD sera la même, soit de 4 à 6%.Doit-on chercher la présence d’influenza chez les personnes âgées de la même façon qu’on le fait pour des personnes plus jeunes? Les critères pour rechercher les cas d’influenza (apparition brusque de la toux, de la fièvre et d'un autre symptôme) sont peut-être trop stricts en soins de longue durée. Si on recherche l’influenza uniquement chez les gens qui ont ces symptômes, on va manquer beaucoup de cas. On devrait rechercher l’influenza même dans des situations où un patient présente une maladie d'apparence plus bénigne. En CHSLD, on se dit que si on a des cas de grippe, on va prendre des précautions pour éviter que celle-ci ne se transmette. Si on ne cherche pas l’influenza, va-t-on appliquer les mesures de prévention de façon aussi performante?Fait-on une utilisation optimale des antineuraminidases contre la grippe?En CHLSD, ces médicaments permettent d’essayer de contrôler une épidémie qui prend trop d’ampleur. On peut aussi les utiliser en prévention et en traitement au début des symptômes. Si on les donne rapidement, ça peut réduire les risques de complications et d’hospitalisation. Chez les personnes jeunes et en bonne santé, leur impact est vraiment léger. Chez les personnes âgées, les risques d’hospitalisation et de décès sont plus importants, les bénéfices seraient donc plus grands dans ce groupe. Toutefois, il faut les donner précocement, sinon ils ne sont plus aussi efficaces. En raison des difficultés à identifier si l’on est en présence d’influenza ou d'autre chose, on peut être porté à ne pas y recourir. Cette approche n’est peut-être pas optimale.

Soins de longue durée: trop d’accent mis sur l’influenza au détriment des autres virus respiratoires

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