«Si les médecins rendent moins de services, trouvons des façons de les livrer autrement» - le RPCU

Le Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU) veut forcer les différents partis politiques à tenir compte des besoins des huit millions d’usagers québécois. Alors que la campagne électorale bat son plein, et à la veille du premier débat des chefs, le RPCU invite la population à signer en ligne une pétition* qui s’intitule Santé et services sociaux: OUI à l'accessibilité, NON aux réductions.Le Regroupement a lancé sa pétition lors d’une conférence de presse, à Montréal, à laquelle assistait Profession Santé. Nous y avons rencontré le directeur général, Pierre Blain. Entrevue.Pourquoi cette pétition?Parce qu’en bout de ligne, ce sont les usagers qui vont payer pour les compressions annoncées, avec des délais plus longs et d’autres listes d’attente. On n’offre pas aux patients les services auxquels ils sont en droit de s’attendre. Les coupures vont signifier moins de services et affecter toutes les clientèles et missions du réseau, de l’hôpital au centre jeunesse. Nous sommes inquiets, tout comme l’AQESSS d’ailleurs, devant l’offre de services réduite qui s’en vient. Nos 600 comités d’usagers et de résidents présents dans les établissements nous ont dit leurs inquiétudes à ce chapitre.Trouvez-vous un peu de réconfort dans ce qu’offrent les divers partis quant aux services aux usagers?Non. Nous avons par exemple un médecin, le Dr Philippe Couillard, qui ne jure que par le privé; le Dr Yves Bolduc a tout donné aux médecins quand il était ministre, et le Dr Gaétan Barrette, lui, ne défend que l’intérêt des médecins spécialistes. Dans d’autres partis, on table encore sur les CLSC (ça nous ramène 30 ans en arrière et ça n’a pas marché, c’est de l’angélisme, du passéisme) ou encore, on poursuit les compressions, quelle que soit la couleur du gouvernement en place. Où est l’intérêt de l’usager, dans tout ça?Pourquoi en est-on rendu là, selon vous?Parce que les réformes successives de la santé (Rochon, Clair, Castonguay) n’ont jamais abouti. Des réformes, précisons-le, qui étaient pourtant menées au nom du patient, et on ne se privait pas de le rappeler. Une vraie réforme aurait vraiment regardé les services qu’on donne et la façon dont on les donne. Or, ces réformes n’ont jamais été menées à terme.Et pourquoi n’ont-elles pas abouti ? Parce qu’elles n’ont répondu qu’aux seuls besoins des professionnels de la santé. Alors, arrêtons de n’écouter que les professionnels de la santé. C’est la voix citoyenne qu’il faut désormais écouter, car elle représente les besoins réels des patients. Qu’est-ce qui vous surprend le plus dans cette campagne?Que les partis politiques continuent de faire promesse sur promesse en annonçant un investissement après l’autre, alors que les compressions, elles, se poursuivent inexorablement et sont déjà bien engagées. Impossible de croire que cela n’aura pas d’effets directs sur les usagers. Les importantes hausses de rémunération des médecins, par exemple, ont pour effet direct d’affecter l’offre de soins. Elles réduisent le budget disponible pour le réseau et ce sont les usagers qui vont en assumer à eux seuls les conséquences. Ce n’est ni juste ni équitable.Que suggérez-vous alors?D’étaler sur une période plus longue les hausses de rémunération des médecins. Surtout, il faut revoir la relation qui existe entre ce que font ces professionnels de la santé et les services réels qu’ils donnent à la population. En réalité, le statut ambigu des médecins fausse tout. Il faudrait séparer chez eux la relation d’affaires de la relation de soins. Or, les deux sont mêlées.Les médecins ont des avantages indus quand ils sont à l’hôpital par exemple, où ils bénéficient de services (secrétariat, prise de rendez-vous, etc.) pour lesquels ils ne paient pas, alors même qu’ils se disent travailleurs autonomes. En fait, ils sont à la fois une PME et des employés de l’État. En quoi, selon vous, cette ambiguïté de statut nuit-elle aux usagers?Je vais vous donner un exemple. Lorsque je siégeais au conseil d’administration d’un hôpital, le médecin arrivait en réunion en nous disant: «Moi, en tant que petite entreprise, je demande….» Je m’attendais à entendre un médecin parler au nom du bien-être des patients, je m’attendais à ce qu’il les soigne selon son serment. Or, nous avions devant nous un entrepreneur. Un médecin prête serment, pas un entrepreneur. Il faut revoir tout ça.Mettons ça au clair une fois pour toutes: l’État paie les médecins qui se disent travailleurs autonomes, mais il n’a aucune mainmise sur eux. Or, toute entreprise a un mot à dire sur les conditions de travail de ses employés et ce qu’elle est en mesure d’attendre d’eux. C’est la moindre des choses, non? Mais ça ne semble pas valoir pour les médecins, à qui personne ne demande de rendre des comptes. Si le profil de la profession a changé à un point tel qu’elle n’est plus en mesure de rendre les services, alors, adaptons la façon de livrer ces services. Si les médecins livrent moins de services, trouvons des façons de les livrer autrement, via les infirmières surtout, les pharmaciens dans certains cas, etc.Mais les médecins ne sont pas seuls en cause, l’administration aussi, ça coûte cher…Pas autant que les services médicaux au sens large, incluant les médicaments. Cela dit, c’est vrai aussi qu’il faut revoir la gouvernance. Les conseils d’administration des établissements de santé, par exemple, ne sont pas imputables. Ils ne regardent pas les services rendus ni comment ils sont rendus. Alors, c’est sûr qu’il faut aussi faire de la gestion de la qualité pour les conseils d’administration.En ce moment, on ne parle que de performance dans le réseau de la santé. Qu’en pensez-vous?On tente d’appliquer au réseau la vision de l’entreprise privée, avec des indicateurs de performance. Or, quand on travaille avec des êtres humains, qu’on est dans l’interrelationnel, c’est difficile d’appliquer bêtement des indicateurs de performance, genre tant de secondes pour donner une piqûre. En travail social, allez donc mesurer le temps que prend une action !Nous ne sommes pas opposés à la méthode Lean en soi, sauf qu’elle ne vise qu’à générer des économies en coupant dans les services. Là, ça ne va plus. Ce serait déjà mieux si, en même temps, on réorganisait les services. Mais il semble que personne n’a le courage de le faire. Santé et services sociaux: OUI à l'accessibilité, NON aux réductions – Pétition du RPCUVoici la pétition que met en ligne le Regroupement provincial des comités des usagers:Les faits◦ Le dernier budget du gouvernement du Québec annonce une diminution du taux annuel d’augmentation des dépenses dans le secteur de la santé et des services sociaux.◦ Des coupures budgétaires ont été décrétées partout dans le réseau.◦ Ce resserrement des dépenses entraînera une réduction de l’offre de services.◦ Une offre de service moindre diminue l’accessibilité et la qualité des soins et des services par des délais plus longs, des listes d’attente et une diminution des services. Elle a des conséquences sur la santé publique et sur la santé de la population.◦ Une offre de service moindre touchera toutes les clientèles et les missions du réseau : les centres hospitaliers, les centres hospitaliers universitaires, les CSSS, les CHSLD, la santé mentale, les centres jeunesse et les centres de réadaptation (CRD, CRDI-TED, CRDP). Nous demandons aux formations politiques du Québec qu’elles s’engagent :à ce que l’accessibilité aux soins et aux services offerts aux usagers du réseau de la santé et des services sociaux ne soit pas réduite;à ce que l’offre et la qualité des soins et des services soient maintenues;à ce que les compressions budgétaires n’affectent pas les soins et les services offerts aux usagers du réseau de la santé et des services sociaux;à ce qu’une réforme de la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux soit faite afin que la participation citoyenne soit réelle et effective.

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