Sherbrooke: Les étudiants en médecine sont plus en forme que leurs aînés

« Cordonnier mal chaussé », dit-il de lui-même. Le Dr André Carpentier, endocrinologue au CHUS, à Sherbrooke, reconnaît avoir déjà été plus en forme. « Je me suis laissé aller à ce chapitre, mais là, j’ai réagi. » En perdant du poids, relate-t-il, les signaux de la faim se sont modifiés. « Après quelques semaines d’effort, je me sens déjà mieux. J’ai compris qu’il faut aussi agir sur le rythme de la prise alimentaire, manger lentement. »Le Dr Carpentier est à l’avant-scène de la recherche sur le diabète, l’obésité et les complications cardiovasculaires, l’un des thèmes porteurs de la recherche en santé à Sherbrooke. Les chercheurs en endocrinologie, incluant les Drs Marie-France Hivert, Marie-France Langlois et Jean-Patrice Baillargeon, ont d’ailleurs sondé des médecins et infirmières de GMF pour évaluer leurs connaissances et, surtout, leur savoir-faire face à l’obésité.Un premier constat plutôt effarant s’impose, selon eux : la vaste majorité de ces professionnels de première ligne se sont dits démunis, ne sachant trop comment aborder le problème de surpoids avec leurs patients.Étudiants en médecineDe son côté, la faculté de médecine et des sciences de la santé de Sherbrooke a pris les devants. « Nous avons modifié le cursus du programme ProfessionMD pour aider les étudiants en médecine à mieux gérer les questions liées aux mauvaises habitudes de vie, dont le manque de sommeil. Souvent, on prend un mauvais pli à cet égard dès le début des études », poursuit le médecin.Les Drs Hivert, Langlois et Carpentier ont ainsi analysé comment, en modifiant les habitudes de vie, on pouvait freiner le gain de poids des étudiants des deux premières années de médecine. Ils ont montré que c’était possible. « Aujourd’hui, je regarde la formation de nos futurs médecins et je les envie. Ils sont bien plus proactifs que nous l’étions à leur âge. Ils démontrent une efficacité clinique sans doute supérieure à la nôtre pour guider les patients dans les changements nécessaires de leur mode de vie. »PrioriserPour le Dr Carpentier, la révolution de la santé, au chapitre des saines habitudes de vie, se fera dans l’action. « Mais il faut choisir ses batailles, car souvent plusieurs problèmes sont définis simultanément. D’où l’importance de les hiérarchiser. » On utilise pour cela l’échelle conviction/confiance, élaborée par le Dr Jacques Bédard, interniste, afin de jauger le degré de motivation des patients quant au changement de leurs habitudes.Certains diabétiques, par exemple, se désaltèrent avec plusieurs litres de boissons gazeuses ou de jus par jour. En les amenant à modifier cette habitude, on obtient souvent une maîtrise du diabète quasi optimale, dit-il. « Dans ce cas, le combat prioritaire consiste clairement à identifier l’excès. Il s’agira ensuite de mesurer le degré de conviction et de confiance du patient à changer, puis de travailler sur les obstacles spécifiques bien déterminés. On pourrait appliquer le même raisonnement à l’hypertendu et au contrôle du sel dans l’alimentation. »ChangerNous sommes souvent coincés dans un mode de vie qu’il faut apprendre à remettre en cause. L’obésité, par exemple, est un problème de contrôle, ajoute le médecin, bien des obèses étant incapables de composer adéquatement avec leur environnement alimentaire. « Ils se laissent assaillir par le stress de la vie quotidienne et beaucoup sont vulnérables et réticents au changement. Car changer, c’est aussi un facteur de stress. »De nos jours, la sédentarité tue quasiment autant que le tabac. « Or, il existe une foule de petits combats quotidiens à mener en matière de saines habitudes de vie, pour bouger un peu plus par exemple. Chaque effort, chaque petit succès nous rend plus responsables et a un impact positif sur notre estime de soi. »Nutritionnistes et autresLe Dr Carpentier rappelle qu’environ 70 % des hospitalisations au CHUS sont attribuables, de près ou de loin, à l’obésité (diabète, problèmes cardiovasculaires, pulmonaires, orthopédiques, cancers, cirrhoses, etc.). Nutritionnistes et kinésiologues, entre autres, auraient du pain sur la planche pour contribuer à remettre ces patients en forme.Une approche intégrée des soins de santé dans notre système ajoutant ces professionnels aux médecins, infirmières et psychologues est maintenant bien établie au CHUS, indique le Dr Carpentier. « Nous venons tout juste de démontrer que notre approche est efficace par rapport aux coûts engendrés. Il y a, dans notre expérience, beaucoup de matière à réflexion pour nos décideurs de la santé. »Oui, on peut prévenir le gain de poidsLes Drs Marie-France Hivert, Marie-France Langlois et André Carpentier ont mené une étude randomisée et contrôlée auprès de 115 nouveaux étudiants en médecine de l’Université de Sherbrooke (étude menée de 2002 à 2005, avec les cohortes 2002 et 2003).La moitié du groupe a été assignée aléatoirement à une intervention éducative et comportementale en petits groupes, visant à modifier leurs propres habitudes de vie pendant leurs deux premières années de médecine. L’autre groupe n’a été assigné à aucune intervention.Après deux ans, les étudiants du groupe témoin avaient gagné du poids, alors que ce gain de poids fut prévenu dans le groupe intervention (différence de 1,3 kg, p = 0,04). Les niveaux de triglycérides sanguins avaient aussi augmenté dans le premier groupe, mais diminué dans le second (p = 0,04).

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