Résidents et étudiants en médecine: Conseils pour une bonne santé financière

Gestion | Profession Santé, octobre 2023 Par Catherine Couturier Contrairement à la croyance populaire, l’endettement des médecins en devenir est en général relativement bien maîtrisé au Canada. Toutefois, la durée des études et la charge de travail retardent l’entrée de revenus. Conseils d’experts pour limiter le stress en attendant une rémunération plus conséquente. Avec la charge importante de travail inhérente aux études de médecine, rares sont ceux qui ont le temps de travailler pour financer ce long parcours. Or, les études de médecine coûtent plus cher : «Oui, on paie le même montant par crédit que les autres étudiants, mais nous devons en compléter beaucoup plus par année», rappelle Maxime Bell, président de la Fédération médicale étudiante du Québec (FMEQ) et étudiant en médecine à l’Université de Sherbrooke. S’ajoutent les autres frais, comme les livres, le matériel, la participation à des conférences (importante pour étoffer son CV), et ceux pour les examens (certains ont considérablement augmenté dans les dernières années). Financer ses études Épargne, soutien des parents ou revenus de travail aident à financer ce long cursus, mais généralement, ces sources – quand elles existent – s’épuisent rapidement. Entrent alors en jeu les multiples sources de revenus qui viennent chacune avec ses avantages et inconvénients. «Quand on arrive du cégep, on n’a pas accès aux prêts et bourses», souligne d’abord Éolie Delisle, vice-présidente de la FMEQ et étudiante en 5e année de médecine à l’Université de Montréal. En effet, si l’aide gouvernementale a de grands avantages (taux d’intérêt bas, pas d’obligation de rembourser avant la fin des études, programmes de remise de dette et de remboursement différé), celle-ci comporte des conditions qui font que les étudiants en médecine ne peuvent généralement pas en tirer profit avant leur troisième année d’étude. «Les prêts et bourses sont insuffisants en médecine. La majorité ne peut en bénéficier que pendant un an. On a besoin d’une importante réforme sur ce point», fait valoir M. Bell, qui note que faire de l’argent plus tard n’empêche pas la précarité durant les études. «Le problème de l’endettement n’est pas beaucoup discuté, parce qu’au bout du compte, on fera de l’argent. C’est vrai, mais pour certains, avoir une dette est très stressant», ajoute Mme Delisle. Comptant sur les futurs revenus élevés des étudiants en médecine, nombreuses sont les banques à leur proposer des marges de crédit alléchantes. Mais avec les taux d’intérêt qui ont explosé, «c’est un pensez-y-bien», note Marie-Pier Elias, conseillère ressource économique aux Services à la vie étudiante de l’Université de Montréal. S’endetter, avec contrôle Si les cas de futurs médecins au bord de la faillite pour avoir payé une voiture de luxe avec une marge de crédit frappent l’imaginaire, c’est loin d’être la norme. «On s’est rendu compte que les étudiants et étudiantes en médecine très endettés, c’était peut-être un mythe. Il y en a, mais c’est une infirme portion», soulève Marie-Pier Elias. En sondant les étudiants en médecine à qui elle donnait des formations, elle a en effet constaté que la dette planifiée était légèrement plus élevée que dans les autres programmes, mais pas dramatiquement. L’Association des facultés de médecine du Canada rapportait en 2022 que la dette médiane pour les études en médecine tournait autour de 90 000 $. «Ce qui donne l’impression qu’ils sont très endettés, c’est que ceux qui le sont, le sont énormément. Le fait de se faire offrir des marges de crédit de 350 000 $ gonfle la moyenne, mais ce n’est qu’une infime portion des cohortes qui s’endette autant», nuance-t-elle. L’important pour les étudiants, c’est de dresser un plan de remboursement solide. «Plusieurs ont des dettes quand ils sortent de la résidence, mais cette situation peut être gérée efficacement grâce à une planification financière. Avec un plan de match en place, les étudiants en médecine se sentent plus en contrôle de leur situation», souligne Eric Duchesne, planificateur financier chez Gestion MD. Du soutien disponible Heureusement, l’éducation aux finances fait partie des critères d’agrément, et toutes les facultés de médecine offrent aujourd’hui des formations sur le sujet. «C’est mieux qu’avant, mais on manque encore d’éducation financière», croit Maxime Bell, qui concède que l’horaire rempli des étudiants en médecine rend difficile l’ajout de matière à couvrir. «Les universités ne sont pas à blâmer, elles ne manquent pas une occasion pour nous outiller», nuance Éolie Delisle. Il ne faut finalement pas hésiter à avoir recours à d’autres spécialistes. «Ces personnes sont tellement occupées, elles ont besoin d’un coup de main», note Eric Duchesne. Le planificateur financier, qu’on rencontre au moins une fois par année et qui s’adapte selon le parcours de chacun, «apporte une assistance pour la gestion des liquidités, oriente quant au remboursement des prêts, de la marge de crédit, et aide en matière d’investissement», décrit-il. Le comptable, lui, épaule dans la planification du budget, et au moment des impôts (pour tirer profit des différents crédits d’impôt et avantages fiscaux). Les associations provinciales, les services d’aide aux étudiants, les ACEF (organismes communautaires spécialisés en finances personnelles) regorgent aussi de ressources sur la gestion des finances. «L’expertise des étudiants, c’est la médecine. On ne peut pas leur demander d’être experts en gestion, c’est une profession en soi!» conclut Marie-Pier Elias. Conseils pratiques Pour que la santé financière des futurs médecins soit aussi bonne que la santé globale qu’ils souhaitent à leurs patients, que conseillent les experts? 1 | Bien gérer son crédit Avant même le début des études en médecine, Eric Duchesne conseille d’apprendre à bien gérer son crédit, pour ne pas s’emballer. «Il faut départager ses besoins essentiels de ses désirs», conseille-t-il. La marge de crédit devrait être un complément de revenu, utilisé après avoir réduit ses dépenses, précise Mme Elias. Ensuite, il est primordial d’être discipliné et de payer sa carte de crédit tous les mois. 2 | Établir un budget Une fois accepté en médecine, on détermine ses dépenses et ses frais à venir. «En règle générale, les étudiants qui ont une meilleure connaissance de leur budget se sentent plus aptes à gérer leurs remboursements ensuite», explique M. Duchesne. 3 | Explorer les différentes sources de revenus De nombreuses bourses existent, et pas uniquement pour ceux et celles qui ont des résultats scolaires exceptionnels. Les étudiants ont également tout avantage à profiter des prêts et bourses gouvernementaux à leur 3e année d’étude, alors que plusieurs deviennent admissibles (le revenu des parents n’est alors plus considéré dans les calculs), et à s’informer sur le régime d’encouragement à l’éducation permanente (REEP). En cas d’urgence, on se renseigne auprès de son université au sujet de fonds spéciaux et d’aides urgentes; à l’Université de Montréal, par exemple, des fonds de dépannage dédiés spécialement aux étudiants en médecine sont disponibles. 4 | Éviter le piège du train de vie effréné C’est souvent durant la résidence que les étudiants sont exposés au train de vie élevé des médecins, et qu’il est plus difficile d’y résister. «On commence parfois à avoir un style de vie de médecin pendant ses études», observe Marie-Pier Elias. La pression peut inciter les jeunes à dépenser au-delà de leur budget. «Mais si aux études tu dépenses 70 000 $ alors que tes besoins sont de 35 000 $, la première chose que tu feras lorsque tu gagneras un million, c’est d’en dépenser deux», avertit-elle. 5 | Se protéger Une des premières choses à faire est de s’informer auprès de son association médicale provinciale ou territoriale pour souscrire à une assurance invalidité pour protéger ses revenus en cas de malheur. «C’est essentiel de protéger ses revenus futurs dès qu’on est admis aux études en médecine (encore plus si on a des personnes à charge). L’assurance invalidité aide alors à couvrir une partie de ces dépenses en cas de congé maladie, au lieu d’avoir recours à la marge de crédit», remarque M. Duchesne. Ces mêmes organismes offrent aussi, en association avec des assureurs, des polices d’assurance vie, qui permettent de couvrir la valeur du prêt, par exemple, et les autres frais en cas de décès.

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