Repositionnement des médicaments: un «potentiel énorme» pour le système de santé, croit Pharmascience

Remdesivir, dexaméthasone, fluvoxamine, colchicine: ces agents ont tous été étudiés quant à leur efficacité contre la COVID-19, même s’ils sont actuellement utilisés pour traiter d’autres conditions. Si ces médicaments, dont le remdesivir est le seul à avoir été approuvé par Santé Canada, ont été peu utilisés contre le SRAS-CoV-2, «l’expérience de la COVID-19» a tout de même souligné l’importance du repositionnement des médicaments, avance Pharmascience. Cette dernière vient de publier un mémoire dans lequel elle énonce ses recommandations pour améliorer l’offre thérapeutique. Pharmascience est le plus important employeur pharmaceutique au Québec, et le troisième au Canada. «La pandémie de COVID-19 a rappelé la pression à laquelle peuvent être soumis les systèmes de santé lorsque de nouveaux agents sont requis d’urgence afin de traiter des maladies pour lesquelles il n’existe aucun traitement connu», indique le document de 15 pages. En effet, il est beaucoup plus rapide de repositionner des médicaments que d’en fabriquer de nouveaux, explique Alain Boisvert, directeur, affaires gouvernementales et publiques chez Pharmascience. «Par exemple, des essais cliniques sur la colchicine ont été lancés dès les premières semaines de la pandémie. Cela n’aurait pas pu être le cas avec un médicament novateur comme le Paxlovid, puisqu’il faut notamment passer à travers les phases précliniques et démontrer que le médicament est toléré chez l’animal.» Selon Pharmascience, en temps normal, la mise en marché d’un agent thérapeutique entièrement nouveau prend en moyenne plus de 10 ans et coûte environ 2,6 milliards de dollars. En revanche, le développement d’une nouvelle indication pour un médicament prend beaucoup moins de temps, car son profil d’innocuité est déjà bien connu et nécessite moins de preuves supplémentaires. Par ailleurs, le coût des médicaments demeure abordable puisque le repositionnement se fait habituellement à partir de médicaments génériques. «Les rapports coûts-efficacités sont extrêmement favorables. Dans le système de santé actuel, c’est particulièrement intéressant», plaide Alain Boisvert. Selon lui, le repositionnement des médicaments a un potentiel énorme dans le système de santé. «Beaucoup de médicaments hors brevet sont déjà utilisés par les médecins pour des indications non approuvées. Mais comme la communauté médicale n’a pas accès à des données de qualité, les médecins sont obligés de fonctionner à l’aveuglette.» «Une recherche orpheline» Pour obtenir des données et une approbation de Santé Canada, il faut effectuer des essais cliniques. Or, la recherche sur le repositionnement est une «sorte de recherche orpheline», estime Alain Boisvert, puisqu’elle est peu financée par les pharmaceutiques. Selon lui, les fabricants de médicaments novateurs ont peu d’intérêt financier à investir dans cette recherche puisqu’il n’y a pas de brevet sur ces médicaments. Par conséquent, le médicament pourra être commercialisé par d’autres. «Le fabricant qui investit n’est pas certain d’avoir un retour sur son investissement.» Le faible prix des médicaments génériques et les frais de règlementation jugés disproportionnés ne les incitent pas non plus à investir dans la recherche, comme Pharmascience. Rehausser les prix et rétablir le brevet Pour contourner ces obstacles, Pharmascience recommande de hausser le prix des médicaments repositionnés. Selon ce fabricant, un cadre de tarification distinct et défini doit être mis en place, dans le but d'adapter les grilles de prix des génériques aux besoins de la recherche et du développement nécessaires afin de les repositionner. De plus, Pharmascience recommande de rétablir le brevet d'un médicament pendant trois ans pour la nouvelle indication. Selon l’entreprise, cela viendrait compenser l’absence de protection de la propriété intellectuelle du fabricant qui a reconverti un médicament générique. Dans un troisième temps, le fabricant de médicaments génériques estime que les organismes fédéraux et provinciaux responsables du financement de la recherche devraient disposer d’enveloppes budgétaires réservées au financement des essais de repositionnement des médicaments.

Repositionnement des médicaments: un «potentiel énorme» pour le système de santé, croit Pharmascience

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes