Recyclage des médicaments: les industriels vont devoir faire leur part

Une charge en moins pour les pharmaciens. Dans un mois, la récupération et le traitement des produits médicaux et pharmaceutiques périmés ou inutilisés rapportés par les patients ne reposera plus sur leurs seules épaules (et sur le seul budget). En effet, à partir du 30 juin prochain, les entreprises pharmaceutiques seront obligées d’offrir et de financer les services pour la collecte et l’élimination sécuritaire des produits qu’elles commercialisent. Piloté par Recyc-Québec, ce nouveau Règlement sur la récupération et la valorisation de produits par les entreprises encadrant la responsabilité élargie des producteurs (REP) prévoit que les entreprises, qu’il s’agisse de détenteurs de marques ou de premiers fournisseurs, se dotent avant la fin juin d’un programme de récupération maison ou participent à celui de l’Association pour la récupération de produits santé (ARPS), officiellement reconnue par Recyc-Québec. Des sanctions financières en cas de non-conformité«Nous avons fait beaucoup de communication pour toucher les entreprises de la province. À date, l’ARPS compte environ 134 entreprises membres au Québec, mais quelques gros acteurs manquent encore à l’appel, notamment sur les produits de santé naturel, car les plateformes en ligne sont aussi visées», observe Alain Renard, directeur du programme de gestion pour la province de Québec et les provinces atlantiques au sein de l’ARPS. Toute compagnie qui dérogerait à ces obligations serait passible d’une amende allant de 7500$ à 1 500 000$. À lire aussi: Chère planète«L’objectif [du programme] est vraiment de tout simplifier, de retirer des coûts et du temps de gestion aux pharmaciens», souligne Nicolas Demers, conseiller en environnement et responsable de la catégorie des produits pharmaceutiques chez Recyc-Québec. L'Association des pharmaciens propriétaires (AQPP) demandait l'inclusion des produits pharmaceutiques dans la REP depuis plus de cinq ans et se réjouit donc de ce nouveau programme. «En 2019, cette prise en charge coûtait entre 1000 et 1500$ par an aux pharmacies, et on doit être aujourd'hui autour de 1300 à 1800$», note Geneviève Pelletier, chargée du projet au sein de l'AQPP.Le règlement vise plus précisément trois sous-catégories de produits:les produits médicaux (les médicaments prescrits ou en vente libre); les produits naturels (les suppléments et les vitamines);les objets piquants, coupants ou tranchants (les aiguilles ou encore les cathéters).«Les exigences réglementaires canadiennes sont strictes: il faut incinérer les produits médicaux et stériliser les objets piquants, coupants ou tranchants avant un possible recyclage. Certains joueurs font de la recherche et développement dessus, mais ces déchets sont encore malheureusement enfouis», souligne Alain Renard, directeur programme de gérance pour la province de Québec et les provinces atlantiques au sein de l’ARPS.Un coût total estimé à 5M$Concrètement, les pharmacies, en tant que points de collecte, continueront de récupérer les médicaments et produits pharmaceutiques périmés ou inutilisés rapportés par leurs patients. «De son côté, l’ARPS fournira les contenants, collectera les produits via des sous-traitants et les valorisera ou les détruira en fonction de la réglementation en vigueur, en respectant la hiérarchie des 3RV – réduction, réutilisation, recyclage, valorisation», explique Nicolas Demers.Un système entièrement financé par l’ensemble des entreprises de la province, pour un coût total d’environ 5M$ par an, selon l’analyse d’impact réglementaire réalisée par le ministère de l’Environnement.À lire aussi: Comment offrir des soins plus respectueux de l'environnement?L'ARPS a mis en ligne son portail pour que les pharmacies et cliniques vétérinaires puissent s'inscrire comme point de collecte, le 15 avril dernier (voir encadré à la fin de l'article). «À ce jour, on en compte déjà plus de 500, se félicite Alain Renard. On en vise 1200 au 30 juin, ce qui correspondrait à 50% des pharmacies communautaires et 20% des cliniques vétérinaires de la province.» À terme, l’objectif est d’atteindre 80% des pharmacies communautaires à l’échelle d’une MRC, 40% des cliniques vétérinaires et 100% des dispensaires dans les territoires nordiques ou non organisés. Uniformiser les pratiques en pharmacieL’ARPS compte sur la mobilisation des pharmaciens propriétaires et des bannières, dont le rôle est primordial. «Cette démarche est volontaire, mais il y a un vrai intérêt d’être point de collecte pour les pharmaciens, car leur code d’éthique leur demande de récupérer les déchets issus des consommateurs. Et leur rôle d’éducateur auprès du grand public est primordial», explique le directeur de la campagne de gestion.L’ARPS s’est appuyée sur l’AQPP pour avoir des retours terrain et sensibiliser la profession. «Nous avons interrogé nos membres, car l’idée est que ce nouveau programme ne soit pas un fardeau pour eux, confirme Geneviève Pelletier. Il y a déjà des enjeux de rareté de main-d'œuvre chez certains fournisseurs, donc il faut que ce programme réponde aux besoins des pharmaciens, au niveau des contenants, des stocks et de la gestion du temps.» À lire aussi: Des tonnes et des tonnes de déchets triées à même l’hôpitalTous s’accordent toutefois à dire que ce nouveau programme permettra d’uniformiser et d’harmoniser des pratiques de récupération et de valorisation jusque-là très disparates à travers la province. C’était l’une des préoccupations de Marc-André Mailhot, pharmacien spécialisé en développement durable et fondateur de Maillon Vert, car un manque de cohésion rend selon lui la collecte moins efficace, plus polluante et moins sécuritaire pour les employés de pharmacie. Un nécessaire changement de comportementL’un des enjeux est de pouvoir quantifier les médicaments et produits pharmaceutiques dans les foyers. Recyc-Québec estime aujourd’hui que 454,7 tonnes de produits pharmaceutiques périmés ou inutilisés seraient disponibles chaque année pour la récupération. Des déchets qui, mal valorisés – jetés dans la poubelle ou dans les toilettes par exemple –, ont un impact environnemental considérable. «Nous pourrions doubler ce que nous récupérons actuellement», croit Nicolas Demers.Outre la bonne volonté des pharmaciens, ce nouveau programme ne pourra fonctionner sans un changement des comportements. «On n’a pas à changer radicalement, car les gens vont régulièrement en pharmacie. Mais il faut juste leur faire penser à trier régulièrement leurs armoires à pharmacie, argue Alain Renard. Vider les pilules et les formes sèches dans un sac transparent ZipLoc, mais garder les liquides et pâtes dans leurs contenants. Les contenants pour les objets piquants, coupants et tranchants pourront être demandés gratuitement et ramenés en pharmacie.»«Plus on aura de collecte, plus on va faire diminuer la quantité de gaz à effets de serre dans les transports. Les gens n’auront pas à faire de déplacements inutiles et se rendront simplement à leur pharmacie. Il s’agira ensuite d’ajuster la fréquence de ces collectes, et aussi de détruire la bonne quantité de médicaments», prévient-il.

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