Québec a fourni des N95 aux soignants... 10 mois après la recommandation de l'IRSST

QUÉBEC _ Le 9 avril 2020, un mois seulement après le début de l'état d'urgence, l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) recommandait aux soignants de porter le masque N95 en présence de personnes hospitalisées pour la COVID-19. C'est ce que révèlent des documents transmis lors d'une demande d'accès à l'information et rendus publics sur le site web de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) le 2 mars dernier.L'IRSST est un partenaire de la CNESST, l'organisme principal responsable de l'application des lois du travail au Québec. Il l'aide à remplir sa mission en contribuant, par la recherche, à la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.Depuis le début de la crise de la COVID-19 au Québec, 41 384 soignants ont été infectés par la COVID-19 et 18 sont décédés de la maladie. Le Québec affiche toujours le pire bilan au Canada; il enregistre à ce jour 298 186 cas de coronavirus et 10 550 décès.Or, dès le 9 avril 2020, l'IRSST conseillait "d'appliquer un principe de précaution pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs de la santé œuvrant en milieu hospitalier, et qu'à cet égard, le rehaussement du niveau de protection pour les travailleurs doit (...) être encouragé".Il recommandait à la CNESST d'avancer rapidement les recherches sur la transmission aérienne et de fournir un masque N95 (ou protection "supérieure") au personnel en contact avec des patients à l'état grave ou hospitalisés, avec des propositions en cas de pénurie.L'institut reviendra à la charge deux fois dans des courriels à la CNESST, le 19 mai et le 14 octobre 2020, soulignant le nombre élevé de soignants contaminés et réitérant l'importance du principe de précaution, car "les évidences s'accumulent" quant à la transmission aéroportée du coronavirus.Pendant ce temps, Québec limitait l'utilisation du masque N95, allant même jusqu'à l'interdire formellement, sauf aux employés prodiguant des interventions médicales générant des aérosols (IMGA). Le gouvernement a fait volte-face le 9 février 2021 et rendu obligatoire le N95 en "zone chaude".Absolument fascinant"C'est quand même absolument fascinant d'apprendre, en lisant ces documents-là, que le 9 avril, il y a un avis de scientifiques crédibles à l'intérieur de l'État québécois qui recommande quelque chose qui ne va se produire au final que le 9 février, donc 10 mois plus tard", a déploré en entrevue le co-porte-parole de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois."Pendant ce temps-là, il y a des milliers de travailleurs qui ont attrapé la COVID sur leur milieu de travail. (...) C'est préoccupant que ces experts-là ont été ignorés par le gouvernement du Québec pendant 10 mois. Pourquoi le gouvernement ne les a pas écoutés? Pourquoi le gouvernement a ignoré ses propres experts en santé-sécurité au travail pendant 10 mois? C'est la question à 100 $", a-t-il poursuivi."Je ne me l'explique pas. Ça me sidère."M. Nadeau-Dubois affirme que jusqu'en février 2021, le Québec était l'une des seules législations au monde, "et certainement la seule au Canada", où il y avait une ordonnance de santé publique interdisant le port du N95, sauf pour certaines interventions médicales. "Autrement dit, le port du N95 était l'exception plutôt que la règle. Ce que dit l'IRSST dès le mois d'avril, c'est le contraire: ça devrait être la norme plutôt que l'exception."Selon lui, les travailleurs de la santé, toutes proportions gardées, ont davantage attrapé la COVID au Québec qu'ailleurs dans le Canada. "Le gouvernement n'a pas fait tout en son pouvoir pour les protéger et je constate que ça a eu des conséquences. On est l'endroit au Canada où ceux qu'on appelle nos anges gardiens ont été le moins protégés."Lenteur systémiquePour le leader parlementaire de QS, ce n'est qu'un autre exemple de la "lenteur systémique" du gouvernement dans sa gestion de la crise de la COVID-19."Il y a eu lenteur sur le port du masque dans la population, lenteur sur le N95 pour les soignants, lenteur sur la reconnaissance de la transmission par aérosol, lenteur dans le dossier de la ventilation dans les écoles, sur les tests rapides."Les exemples de retards du gouvernement du Québec par rapport à d'autres gouvernements, ils sont très nombreux, renchérit-il. Ce que la publication de ces documents-là vient révéler, c'est que c'était des retards conscients."Ventilation des espaces intérieursDans ses avis, l'IRSST prévient aussi contre les dangers liés à une mauvaise ventilation des espaces intérieurs. "L'accumulation de particules en suspension dans l'air dans un environnement intérieur mal ventilé ne peut être ignorée", peut-on lire dans le document du 14 octobre."Des conditions sous-optimales, telles une ventilation et une filtration limitées, peuvent rendre les environnements intérieurs à haut risque."À ce chapitre, la ventilation générale dans les écoles "peut être complétée avec des dispositifs améliorant la qualité de l'air", recommande l'IRSST.Gabriel Nadeau-Dubois estime qu'encore une fois, les chercheurs de l'IRSST étaient "en plein dans le mille", qu'ils étaient "bien en avance sur le gouvernement" et qu'ils ont été "ignorés". Il rappelle que l'enjeu de la qualité de l'air dans les écoles reste entier, la directive du ministre de l'Éducation qui n'interdit ni recommande les purificateurs d'air étant "floue, ambiguë et incompréhensible".

Québec a fourni des N95 aux soignants... 10 mois après la recommandation de l'IRSST

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