«Que ton aliment soit ton médicament» : mais qu’est-ce qu’on attend ?

Il faut se rendre à l’évidence : malgré les « grands » progrès de la médecine, on est bien loin de l’éradication annoncée des cancers et des maladies cardiovasculaires, tandis que le surpoids et le diabète deviennent endémiques.La quasi-totalité du système de santé actuel est orienté vers la guerre contre les maladies. Au point que de plus en plus de médecins – en particulier les jeunes diplômés – ne considèrent pas la prévention comme de la médecine. On le constate à travers la désaffection grandissante de la médecine de famille. Voyons ! Un médecin n’a pas étudié pendant 6 à 10 ans pour s’occuper de l’alimentation ou de la sédentarité de ses patients ! Et encore moins pour passer du temps à s’intéresser au tour de taille de la p’tite madame qui vient le voir au sans rendez-vous. D’ailleurs les deux sont faits pour s’entendre : elle se sentira (très temporairement) mieux en sortant du bureau avec une ordonnance pharmaceutique, tandis que lui aura la satisfaction du devoir accompli : « Je suis médecin, donc je prescris. »Et pourtant, les preuves sont là. Les encourager à opter pour un mode de vie approprié peut devenir la meilleure prescription que vous puissiez faire à vos patients à risque de maladies cardiovasculaires ou inquiets de se voir diagnostiquer un cancer. Associé à l’exercice physique, une alimentation à base d’ail, de curcuma, d’huile riche en acides gras oméga 3, de thé vert, de grains entiers, de fruits, de légumes, de yogourt et même de vin rouge en quantité limitée peut prévenir le cancer.Mais si l’on veut que la population le sache, y croit et s’y mette, il faudrait d’abord que les professionnels de la santé en soient convaincus – et au premier chef les médecins. Les patients vous font confiance : ils veulent des pilules parce que c’est ce que vous leur avez prescrit depuis toujours. Ils voudront des conseils pour améliorer leur condition physique s’ils sentent que vous y croyez vous-même.Et si la prévention primaire ne suffit pas à vos yeux à justifier l’intérêt qu’il faut porter aux modifications du mode de vie, sachez que ce remède-miracle – qui ne doit rien aux fabricants ni aux vendeurs de pilules – est désormais recommandé en prévention secondaire. C’est ce que soulignait le Pr Richard Béliveau* lors de sa conférence donnée le 20 novembre dans le cadre du Colloque sur la collaboration interdisciplinaire, organisé par L’actualité médicale et L’actualité pharmaceutique. En résumé, les survivants en rémission d’un cancer devraient suivre les mêmes recommandations qu’en prévention primaire. On parle ici ni plus ni moins que de la réduction des récidives de cancer par l’alimentation. Impressionnant !Vous n’êtes pas encore tout à fait convaincus de la nécessité de devenir plus connaissants en nutrithérapie ? Associé à 30 minutes d’activité physique par jour, cet effet protecteur joue également dans la réduction de l’incidence des maladies de Parkinson et d’Alzheimer. Notons enfin qu’une récente étude, menée à la fois par des chercheurs de l’INSERN et de l’University College de Londres, montre pour la première fois que le régime dit méditerranéen est associé à une diminution du risque de dépression.Je m’en voudrais de passer sous silence ce commentaire sur lequel le Pr Richard Béliveau a clos sa conférence : « Comment ne pas se scandaliser de voir des distributrices de boissons gazeuses à l’entrée d’un service d’oncologie d’un grand hôpital montréalais ? Insidieusement, on valide ainsi les mauvaises habitudes alimentaires caractérisant la grande majorité de notre population. Ce laxisme en matière d’intervention en milieu hospitalier montre malheureusement que le chemin est encore long d’ici à ce que la malbouffe disparaisse de la vie de nos patients. »* Professeur de biochimie, titulaire de la chaire en Prévention et traitement du cancer à l’Université du Québec à Montréal et, également, chercheur associé au centre de prévention du cancer du service d’oncologie de l’Hôpital juif de l’Université McGill.

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