Quatre questions aux médecins candidats: Leurs remèdes aux maux du système

À notre connaissance, sept médecins se présentent aux élections générales du 7 avril. Deux d’entre eux sont chefs de parti. Nous leur avons posé les quatre mêmes questions.Malgré nos demandes répétées auprès des candidats libéraux, seul le Dr Yves Bolduc a accepté d’y répondre. Le service de communication du PLQ nous a informés que ses réponses résument la position des trois candidats.Question 1:Que suggérez-vous pour enrayer la surmédicalisation et la surmédication ?Dr Réjean HébertL’INESSS est un acteur important dans ce domaine. En effet, son rôle est notamment de promouvoir l’excellence clinique et l’utilisation efficace des ressources dans le secteur de la santé et des services sociaux, et ce, à l’aide des dernières données probantes. L’INESSS évalue notamment les avantages cliniques et les coûts des technologies, des médicaments et des interventions en santé et en services sociaux personnels. Il émet des recommandations quant à leur adoption, leur utilisation ou leur couverture par le régime public, et élabore des guides de pratique clinique afin d’en assurer l’usage optimal.Par ailleurs, il y a les guides de pratique qui sont notamment rédigés en collaboration avec l’INESSS, les ordres professionnels et les sociétés savantes.Il ne faut pas oublier le rôle du médecin et du Collège des médecins, qui a la responsabilité de la surveillance de la pratique médicale.Dr Gilles AubéÀ l’hôpital ou en salle d’urgence, on demande des scans et plein d’examens. Beaucoup de spécialistes voient aussi le patient. Mais si on soutient les gens à domicile, si les équipes d’omnipraticiens vont visiter leurs patients à domicile, on évitera les consultations inutiles à l’urgence, les tests inutiles et la surmédicalisation. Et il y a vraiment deux objectifs clairs du PQ qui vont aider.Il faut travailler pour la première ligne avec plus d’insistance. Il s’est produit beaucoup de médecins de famille et on espère que leur nombre continuera d’aller en augmentant. Le ratio médecins de famille/spécialistes va s’inverser progressivement et plus de 50 % de médecins de famille vont être formés dans les prochaines années. Ce virage devrait permettre de soutenir la population et d’offrir finalement 300 groupes de médecine familiale sur le territoire québécois.Il faut aussi travailler fort pour l’assurance autonomie du Dr Hébert. Elle permettra d’éviter les structures lourdes comme les urgences, les hôpitaux ou les CHSLD. La grande majorité des gens veulent demeurer chez eux et avoir des soins à domicile. Donc il faut imaginer de nouvelles approches, comme des coopératives de soins à domiciles, des PME avec des gens pour faire le ménage et faire les courses, des infirmières qui se déplacent à domicile, etc.Dr Yv Bonnier-VigerLa surmédicalisation et la surmédication valent surtout pour les personnes âgées. Si l’on s’intéresse un minimum à elles et qu’on les aide à mieux vivre dans leur milieu, avec des soins à domicile, entre autres, on aura moins besoin de compenser ce manque de services par des médicaments.Nous souhaitons accentuer le virage du curatif vers le préventif, comme c’est prévu avec la réforme de la santé depuis 2004. Cela fera en sorte que le réseau « produira » plus de santé et de bien-être, mais en mettant cette fois l’accent sur les déterminants de la santé (éducation, égalité homme/femme, lutte à la pauvreté).Dr Amir KhadirLa clef, c’est la prévention. Québec solidaire est le seul parti qui s’engage à y consacrer 5 % du budget de la santé. Cela exigera de faire de l’information aux patients et aux médecins, pour lutter contre certaines pratiques abusives concernant l’usage des médicaments.Au Québec, l’État rembourse environ 5400 médicaments. Il y a là un grand nettoyage à faire. La Colombie-Britannique l’a fait, et elle a baissé sa liste à environ 2700 produits. La création de Pharma-Québec et d’une politique publique du médicament nous aiderait grandement à reprendre en mains le névralgique secteur des médicaments.Dr Yves Bolduc, Dr Philippe Couillard et Dr Gaétan BarretteCe que l’on vise, c’est l’optimisation des soins. Les gens doivent recevoir les soins adéquats selon les connaissances scientifiques. Il faut faire attention : il y a une hausse de consommation des médicaments au Québec parce qu’ils sont fournis. Dans d’autres provinces, les gens n’y ont pas accès parce qu’ils coûtent trop chers, notamment pour le cancer. Il faut s’assurer que les patients aient les médicaments nécessaires à leurs traitements. Il ne faut pas que les gens consomment des médicaments inutilement, mais il faut que ceux qui en ont besoin puissent y avoir accès.La surmédication passe aussi par l’utilisation des médecins. Des gens ont tendance à beaucoup les consulter. Ce que l’on favorise maintenant, c’est le travail en équipe; que chacun, médecins, infirmières, pharmaciens, utilise ses compétences au mieux de ses connaissances.Question 2:Que proposez-vous pour que les médecins remplissent leur part du contrat social qu’implique leur rémunération élevée ?Dr Réjean HébertNous souhaitons voir une augmentation de la productivité. Par exemple, nous avons constaté quelque temps après notre arrivée au gouvernement que plusieurs GMF ne respectaient pas les cibles d’inscription et d’heures d’ouverture. Nous sommes en train de réviser le cadre GMF dans le but d’améliorer l’accès à un médecin de famille et le respect des cibles.Par ailleurs, dans le cadre du budget, nous avons expliqué que pour les prochaines années, le gouvernement souhaite convenir avec les médecins d’une nouvelle entente tenant compte, notamment, du maintien des avancées importantes réalisées en matière de rémunération et de l’évolution de celle-ci par rapport au reste du Canada. Dans le cadre de ces discussions, le gouvernement souhaite, à l’intérieur de cette entente à long terme, étaler sur une plus longue période les augmentations prévues pour les deux prochaines années.Dr Gilles AubéLes spécialistes ont négocié des augmentations salariales appréciables à l’époque où le Dr Couillard puis le Dr Bolduc étaient ministres. Les omnipraticiens ont aussi fait un peu la même chose par la suite. Et maintenant nous avons une classe professionnelle très privilégiée par le gouvernement, par rapport aux autres professionnels de la santé.Les augmentations salariales vont être respectées, mais c’est normal de demander aux médecins de les étaler dans le temps. Cet étalement donnera de l’oxygène au gouvernement qui est très déterminé à atteindre ses cibles budgétaires.Les médecins sont privilégiés. Comme médecins, on a eu énormément d’avantages dans les dernières années avec les ententes négociées et il est important que tout le monde fasse sa part pour aider l’État québécois à bien gérer ses finances publiques.Dr Yv Bonnier-VigerBien des médecins ont encore la passion de la médecine, mais l’organisation du réseau favorise la surproduction de services médicaux très coûteux. Nous voulons remettre le médecin dans son rôle : poser le diagnostic, proposer des traitements et leur suivi.Chaque citoyen n’a pas forcément besoin d’un médecin attitré. Il a besoin en revanche d’une personne de référence (infirmière, travailleur social ou autre), qui assure auprès de lui l’accueil, une présence permanente. Cette personne le réfèrera au besoin au médecin, mais au besoin seulement. L’idée, c’est d’éviter un goulot d’étranglement autour du médecin de famille, comme c’est le cas actuellement, ce qui nous limite dans la façon de voir les soins. Nous voulons réorganiser la clinique de première ligne et revoir la hiérarchisation des soins.Dr Amir KhadirQuébec solidaire a été le premier à protester contre les hausses importantes de rémunération des médecins. L’influence politique de l’establishment médical sert les médecins, pas les patients.Or, le salaire des médecins est aussi un problème de redistribution de la richesse collective, puisqu’ils sont payés par l’État.Notre système de santé ne doit plus être organisé en fonction du seul profil de pratique des médecins, qui trônent au sommet de la hiérarchie, mais en fonction des besoins réels des patients. Ça veut dire une approche intégrée de tous (CLSC, GMF, cliniques réseau) pour desservir le patient.Enfin, je n’en peux plus du sophisme selon lequel les médecins québécois sont moins bien payés qu’au Canada. Paient-ils leur maison au même prix qu’à Toronto ou à Vancouver ? Ils oublient de préciser qu’il existe au Québec une foule de mesures sociales inexistantes ailleurs (garderies publiques, frais moindres d’éducation, etc.) qui constituent autant de rabais substantiels compensant pour les salaires moins élevés. C’est ça aussi, la réalité.Dr Yves Bolduc, Dr Philippe Couillard et Dr Gaétan BarretteLa rémunération des médecins québécois est encore inférieure à celle des autres provinces ou on va la rejoindre bientôt. Maintenant que cette récupération est presque atteinte, le contrat social, c’est de s’entendre avec les autres professionnels de la santé pour travailler en équipe. Il y a encore des progrès à faire, il faut le reconnaître. C’est aussi de s’engager à offrir un meilleur accès aux patients. Pour les médecins de famille, cela signifie prendre plus de patients à leur nom et leur offrir un rendez-vous dans un délai raisonnable. L’ensemble des groupes de médecins devrait aussi être capable d’offrir du sans rendez-vous. Quand l’un d’entre eux n’est pas disponible pour toutes sortes de raisons, on devrait tout de même donner un accès rapide au patient qui en a besoin.Question 3:Comptez-vous appuyer le financement par activités dans les établissements de santé ?Dr Réjean HébertComme vous le savez, il s’agit d’un élément qui est déjà prévu dans le budget déposé il y a quelques semaines. Oui, nous allons l’implanter. Vous pourrez même voir dans le plan budgétaire le processus d’implantation.Des crédits additionnels de 15 millions $ pour l’année 2014-2015 et de 40 millions $ pour l’année 2015-2016 et les années suivantes seront octroyés au ministère des Finances et de l’Économie. Pour 2014-2015, les sommes seront incluses au budget de dépenses du ministère des Finances et de l’Économie.Dr Gilles AubéNous avons actuellement un financement sur une base historique. Les hôpitaux ont tant de millions de dollars pour fonctionner, mais les populations changent et ce financement ne respecte pas les flux migratoires.En Outaouais, la population augmente rapidement avec de jeunes familles et des gens qui déménagent d’autres régions pour venir vivre ici et s’investir ici. Si on donne 2 ou 3 % d’augmentations à tous les établissements, certaines régions se retrouvent favorisées, et d’autres défavorisés.Si les budgets suivent la population, l’Outaouais va voir son budget rééquilibré. Cela sera un avantage pour les citoyens de notre région, donc c’est sûr que nous sommes pour le financement par activités. Et de toute façon, cela fait partie du programme de notre parti.Dr Yv Bonnier-VigerIl n’y a pas de solution idéale, car si le financement historique a montré ses limites, le financement à l’acte a aussi les siennes, dans la mesure où il force à générer des activités à tout prix pour atteindre le budget. L’idéal serait sans doute une solution mixte, en gardant une certaine base historique.Cela dit, ce n’est pas le système de santé en lui-même qui génère de la santé. Pour cela, nous tablons davantage sur les déterminants de la santé, afin qu’ils deviennent une préoccupation tout aussi importante que le réseau de la santé lui-même. Il s’agit de recentrer les efforts sur la prévention, en dépit de toutes les pressions énormes qui s’exercent pour faire de la santé un secteur commercial, animé par la seule logique économique. Québec solidaire propose de renverser cette tendance.Dr Amir KhadirC’est un leurre, le financement à l’activité. Le problème, c’est qu’on fait dans la « gestionnite » chronique depuis les fusions forcées des 10 dernières années.Il en a résulté des superstructures et pour les faire vivre, on a coupé dans les services à la population. Et voilà qu’on veut faire un autre tour de magie administrative en déplaçant l’argent. Ça va, le citron a été assez pressé, pas besoin d’une autre réforme bureaucratique. Ce qu’on veut, c’est plus d’oxygène. Regardons par ailleurs les choses en face : le financement à l’activité est la lubie de ceux qui veulent privatiser notre système, dépouiller l’hôpital en vue de faire dériver l’argent vers les cliniques privées.Dr Yves Bolduc, Dr Philippe Couillard et Dr Gaétan BarretteC’est nous, le gouvernement du Parti libéral du Québec, qui avions demandé la réalisation de l’étude qui a mené au rapport « Pour que l’argent suive le patient » dévoilé en février dernier lors du dépôt du budget Marceau. Nous sommes tout à fait d’accord avec ses conclusions. Pour nous, au PLQ, il est nécessaire pour le système de santé d’appliquer le financement à l’activité avec les conditions contenues dans le rapport. C’est un virage qui s’annonce complexe parce qu’il faut avoir de bonnes bases de données. Il faut aussi que l’on puisse mesurer les résultats en matière de qualité et de pertinence des soins. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes donné quatre ans pour le mettre en place dans la plupart des services.Question 4:Quel engagement prenez-vous envers le projet de loi 52 (mourir dans la dignité) ?Dr Réjean HébertLe projet de loi sera adopté dès notre retour à l’Assemblée nationale.Dr Gilles AubéJe suis parfaitement d’accord avec ce projet et il est fortement appuyé par la majorité du public, donc je voterai pour.Dr Yv Bonnier-VigerLe projet de loi 52 est un excellent projet qui faisait consensus, tant au plan social que législatif. Peut-être n’est-il pas tout à fait mort.Dr Amir KhadirOn a voté en faveur du projet de loi 52, car c’est un besoin de société, un besoin civilisationnel, on en est rendu là. Il ne s’agit pas de priver de soins ceux qui en ont besoin, mais de ne pas prolonger indéfiniment et sans raison des souffrances insupportables, selon des balises bien précises.Dr Yves Bolduc, Dr Philippe Couillard et Dr Gaétan BarretteDès que nous allons reprendre le pouvoir et former le gouvernement, nous allons finir d’écouter les députés sur cette question, comme cela aurait dû être fait avant le déclenchement des élections, puis nous allons passer au vote sur le projet de loi tel qu’il a été déposé à l’Assemblée nationale. Au Parti libéral, nous avons choisi le vote libre. C’est partagé. Presque la moitié de nos députés étaient en faveur et l’autre moitié y était défavorable. Pour nous, il est important de laisser le choix aux gens car c’est un vote selon la conscience. Au PLQ, notre chef Philippe Couillard s’est prononcé en faveur, le Dr Gaétan Barrette aussi. Personnellement, j’ai toujours été l’un des plus fervents promoteurs de ce projet de loi.

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