Projets de loi 10, 20 et 28: le Collège des médecins demande à voir le plan d’ensemble

Devant ce qu’il appelle une «cascade» de projets de loi concernant le système de santé québécois, le Collège des médecins du Québec (CMQ) demande au gouvernement de faire preuve de transparence et de dévoiler ses intentions quant aux réformes qu’il compte mettre prochainement en œuvre.Dans un document qu’il a dévoilé mardi, le CMQ fait état de ses multiples préoccupations face aux projets de loi 10, 20 et 28 ainsi qu’aux conséquences qu’ils pourraient entraîner.« Ces projets de loi ont beaucoup d’implications pour le système de santé, souligne le président et directeur général du Collège des médecins, le Dr Charles Bernard. Il faut connaître les objectifs visés pour évaluer si chaque projet de loi contribue à leur atteinte. »« S’il y a un plan d’ensemble, la population est en droit de le connaître. S’il n’y en a pas, c’est encore plus inquiétant », ajoute le secrétaire du Collège, le Dr Yves Robert.Projet de loi 20Les deux porte-paroles du CMQ ont notamment fait part des nombreuses inquiétudes que l’ordre professionnel entretient face aux dispositions du projet de loi 20 visant à contraindre les médecins de famille à voir un plus grand nombre de patients sous peine de sanctions financières.« Nous sommes les premiers à reconnaître les difficultés d’accès aux soins médicaux, qui sont particulièrement critiques du côté de la première ligne, explique le Dr Bernard. À cet égard, nous devons rappeler notre responsabilité déontologique collective à offrir les services requis par la population. La profession médicale dans son ensemble doit assumer une partie du blâme. »« Bien que le diagnostic évoqué par le gouvernement soit le bon, illustre le président du Collège, nous doutons que les traitements proposés par le ministre de la Santé Gaétan Barrette soient les bons. »« Les méthodes coercitives et les incitatifs financiers n’ont jamais réussi à régler les problèmes d’accessibilité, affirme le Dr Bernard. Il faut éviter de répéter les mêmes erreurs, qui risquent d’amplifier les problèmes actuels et même d’en créer de nouveaux. »Si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, le Collège des médecins craint notamment que la relation entre le médecin et son patient soit parfois compromise par le débit accru exigé par le ministre. « Tous les problèmes de santé ne se règlent pas à la même vitesse », soutient le Dr Robert.Le Collège appréhende également la possibilité que certains médecins privilégient de suivre des patients dont le profil médical est plus simple plutôt que d’assurer la prise en charge de patients plus complexes, que certains services plus exigeants soient carrément abandonnés et que des médecins soient tentés par se désengager du système public.D’autres solutions seraient plus porteuses à moyen et à long termes, estiment les Drs Bernard et Robert. « Serait-ce préférable de compléter les projets qui sont présentement sur la table, comme les ordonnances collectives ou le Dossier Santé Québec, avant de nous lancer dans d’autres réformes ? » demande le président du Collège.Procréation assistéeQuant au désir de Gaétan Barrette de resserrer les modalités du programme public de procréation assistée, le Dr Robert affirme que le ministre confond les conditions d’accès au programme avec les normes de bonne pratique médicale.Le Collège des médecins recommande au gouvernement de lui laisser le soin d'établir et de surveiller le respect des normes de bonne pratique, comme sa mission lui stipule de faire.Le Collège considère également que le gouvernement peut bien décider de ne plus rembourser un traitement de fécondation in vitro pour une femme de plus de 42 ans, mais que d'empêcher d’y avoir recours peut aller à l’encontre de la bonne pratique médicale.Le Collège publiera sous peu un guide d’exercice dans le but de favoriser les bonnes pratiques médicales dans le domaine de la procréation assistée et il souhaite que le projet de loi fasse référence à cet outil qui sera mis périodiquement à jour.Projet de loi 28Certaines dispositions du projet de loi 28, qui vise à mettre en œuvre des mesures pour rétablir l’équilibre budgétaire du Québec, indisposent aussi le Collège des médecins.Grâce à l’article 19.2, le gouvernement se donne le droit de récupérer certains montants prévus en honoraires lorsqu’un service est désassuré pour les affecter au fonds consolidé. « Avec l’exemple que l’on voit en procréation assistée et dans les services pharmaceutiques, on peut se demander combien de services entend désassurer le gouvernement », s’interroge Yves Robert.Le secrétaire du Collège estime également que les dispositions qui permettraient au Québec de signer des ententes confidentielles avec les compagnies pharmaceutiques pour obtenir des rabais-volume sur les médicaments posent problème. « Comme ces ententes seraient secrètes, le gouvernement obtiendrait des économies, mais pas le patient, qui devrait pour sa part payer une franchise et un co-paiement sur le prix affiché », souligne le Dr Robert.Le ton des débatsDe l’avis du Collège, le dépôt de ces trois projets de loi a donné lieu à des échanges parfois acrimonieux entre le ministre Barrette, d’une part, et les acteurs du réseau de la santé, de l’autre. Un changement de ton s’impose, selon le Dr Bernard.« Nous croyons que les affrontements stériles et les guerres de chiffres doivent faire place à la transparence, à la collaboration, à la responsabilisation et au professionnalisme, affirme-t-il. La population s’attend de toutes les personnes en autorité qu’elles exercent un leadership rassembleur et positif. »

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