Presque toutes les ITSS ont été en hausse au Québec en 2022

Les données préliminaires du rapport de surveillance du l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), s’appliquant aux huit premiers mois de l’année 2022, montrent une augmentation des nouveaux cas diagnostiqués pour la majorité des d’infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS). Cette situation s’explique en partie par une recrudescence des dépistages, après un creux survenu lors de la pandémie de Covid-19. «En 2022, les gens [sont revenus] à leurs habitudes de dépistage, ce qui n’était pas le cas en 2021», explique Karine Blouin, conseillère scientifique spécialisée à l’INSPQ. Par exemple, le nombre de tests de dépistage de la gonorrhée en 2021-2022 a augmenté de 139 754, comparativement à 2020-2021. Toutefois, il reste inférieur de 8,9% par rapport à 2019-2020. Inquiétudes Karine Blouin estime cependant que les chiffres concernant la fin de 2022 pourraient témoigner d’une croissance dans le nombre de nouveaux cas d’ITSS. «Pour l’infection gonococcique, j’ai regardé la projection en novembre [2022] et à nouveau en mars [2023], et il y a eu un bond d’un millier de cas. Souvent, lorsque l’infection gonococcique augmente, c’est un signe qu’il y a quand même beaucoup de comportements sexuels à risque», avertit Karine Blouin. À lire aussi: Les cas de syphilis congénitale ont décuplé en quelques années au Canada Le taux d’incidence de la syphilis infectieuse est lui aussi en augmentation, et ce depuis 25 ans, malgré une brève diminution pendant la pandémie. Cette épidémie «initialement concentrée dans la région de Montréal prend de l’essor dans la plupart des régions», notamment au Nunavik, indique le rapport de surveillance. Par ailleurs, de plus en plus de femmes sont atteintes d’une syphilis infectieuse. Ainsi, alors que la syphilis congénitale était presque inexistante au Québec au début des années 2000, 13 cas ont été déclarés en 2022, contre six en 2021 et trois en 2020. «On n’en avait aucun il y a quelques années, et lorsqu’on en avait deux, trois ou même un, on était très inquiets», se remémore Karine Blouin. L’infection d’une femme enceinte peut entrainer une fausse couche, une naissance prématurée, une mortinaissance, un décès néonatal ou des manifestations cliniques de la syphilis chez l’enfant, selon le Centre de collaboration nationale sur les maladies infectieuses. «C’est quelque chose qu’on surveille beaucoup parce que la syphilis se traite vraiment très bien avec de la pénicilline [...] Il faut être plus vigilants au niveau des dépistages prénataux», explique Karine Blouin. La syphilis congénitale concerne souvent des femmes vivant dans une situation socio-économique très précaire et chez qui le suivi de la grossesse n’a pas été optimal. Mieux dépister Plus globalement, Karine Blouin estime que la situation économique actuelle pourrait avoir des conséquences sur la transmission d’ITSS au sein des communautés marginalisées. «Quand on parle de problèmes d’itinérance énormes au centre-ville de Montréal, on s’inquiète pour les personnes qui utilisent des drogues par injection», indique la conseillère spéciale, qui souligne l’importance de favoriser l’accès à du matériel stérile pour éviter des éclosions, notamment de VIH. En 2021, 239 nouveaux cas de VIH ont été diagnostiqués au Québec, principalement dans les centres urbains et chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Un peu plus de 65% d’entre eux n’avaient jamais réalisé de test de dépistage du VIH auparavant. Le nombre de tests de dépistage réalisés a été très inférieur à la période pré-pandémique: 413 197 en 2019, contre 352 893 en 2021. Parmi les nouveaux cas diagnostiqués en 2021, la proportion de diagnostics tardifs a atteint 48,4%, contre 39,8% en 2020, soit une augmentation de 8,6% en un an. Lorsqu’une ITSS survient dans un contexte où la personne vit des problèmes de santé mentale, de consommation de drogues ou de vulnérabilité socio-économique, le rapport de surveillance préconise une approche intégrée en faisant intervenir différents professionnels. Pour dépister davantage, Karine Blouin recommande également de normaliser et de déstigmatiser les discussions entre les médecins et les patients. Selon elle, offrir des dépistages systématiques sans questionner en détail sur les facteurs de risques peut s’avérer être une méthode non-stigmatisante. Karine Blouin reconnaît que le dépistage des ITSS peut comporter de nombreuses subtilités. C’est pourquoi elle recommande aux médecins de se référer aux indications du Guide du ministère de la Santé et des Services sociaux en la matière. L’INSPQ et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec proposent également des capsules de formation médicale continue pour prévenir et traiter les ITSS.

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