Près de 20% des personnes qui tentent de se suicider n'avaient pas de maladie psychiatrique antérieure

Jusqu'à une personne sur cinq qui tente de se suicider n'a jamais souffert d'une maladie psychiatrique, ce qui ajoute un défi supplémentaire à la prévention. Une étude montrant qu'un nombre important de personnes sans diagnostic psychiatrique tentent de se suicider soulève des questions quant à l'identification des personnes à risque, plus difficiles à trouver, et sur les problèmes liés au dépistage. Cependant, l'extension du dépistage pourrait ne pas être efficace dans les environnements manquant de ressources pour aider les patients, selon les chercheurs de cette étude publiée dans le JAMA Psychiatry.Les résultats d'une enquête nationale représentative de la population américaine ont révélé qu'environ 19,6% des personnes qui ont tenté de se suicider ne répondaient à aucun critère de troubles psychiatriques avant leur première tentative.«J'ai été surprise de constater que le taux de tentatives de suicide chez les personnes ne présentant pas de diagnostic préalable était de près de 20%. Je m'attendais à un taux de 5% environ», a déclaré l'auteure principale de l'étude, la Dre Maria Oquendo, professeure de psychiatrie à l'Université de Pennsylvanie.D'une manière générale, on sait peu de choses sur les personnes qui tentent de se suicider alors qu'elles sont présumées en bonne santé psychiatrique. Historiquement, certaines études ont montré qu'environ 58% des personnes décédées par suicide dans les pays à revenu faible et intermédiaire ne présentaient aucun signe de troubles psychiatriques.D'autres recherches, telles qu'une étude basée sur les données de la Biobank du Royaume-Uni, ont montré que 88% des personnes ayant déclaré s'être automutilées, y compris lors de tentatives de suicide, répondaient aux critères d'au moins un trouble psychiatrique. Toutefois, cela implique que 12% d'entre elles ne répondaient pas à ces critères.«Nous avions remarqué dans nos données de laboratoire portant sur des volontaires sains, qui ont été triés pour exclure ceux qui avaient des diagnostics psychiatriques, qu'ils avaient des idées suicidaires. Nous voulions donc voir si nous pouvions documenter l'existence d'un comportement suicidaire dans des échantillons représentatifs de la population américaine», a-t-elle expliqué au Medical Post.L'équipe a mené une étude transversale à partir des données de l'étude épidémiologique nationale américaine sur les addictions et les conditions connexes III (NESARC-III). Dans le cadre de cette étude, la question suivante a été posée aux participants: «Au cours de votre vie, avez-vous déjà tenté de vous suicider?». À ceux qui ont répondu «oui», on a demandé: «Quel âge aviez-vous la première fois que cela s'est produit?». Les données ont ensuite été mises en corrélation avec les données relatives aux diagnostics psychiatriques.À lire aussi: De nouvelles normes pour améliorer les soins en santé mentale et prévenir le suicideL'objectif était d'estimer le pourcentage de personnes dont la première tentative de suicide a eu lieu avant l'apparition de troubles psychiatriques.L'enquête NESARC-III a compté 36 309 répondants, dont 1948 avaient fait une tentative de suicide. Parmi eux, 66,8% étaient des femmes et 33,3% des hommes. Parmi ceux qui ont déclaré avoir déjà fait une tentative de suicide, 128 (6,2%) étaient des personnes en bonne santé sans diagnostic psychiatrique antérieur.En revanche, 261 (13,4%) avaient fait une première tentative de suicide avant l'apparition d'un trouble psychiatrique. Certaines de ces personnes n'ont répondu aux critères d'un trouble que plusieurs années après la tentative de suicide.«Ainsi, on estime que 19,6% des personnes interrogées ont fait une tentative de suicide au cours de leur vie sans qu'aucun trouble psychiatrique n'ait été constaté avant leur première tentative», indique l'étude.Certaines différences ont été observées en fonction de l'âge et du sexe. Ainsi, les femmes étaient plus susceptibles de tenter de se suicider au cours de l'année d'apparition de leur premier trouble psychiatrique que les hommes: 14,9% contre 8,6% respectivement. Les hommes étaient environ 10% plus susceptibles de faire des tentatives de suicide après l'apparition d'un diagnostic psychiatrique.Le fait que davantage de femmes aient tenté de se suicider est cohérent avec les tendances observées dans d'autres études qui montrent qu'en général, dans les pays occidentaux, les femmes font plus de tentatives de suicide alors que les hommes sont plus susceptibles de mourir par suicide.«Nous pensons que cela peut être lié au choix de moyens plus létaux, la surdose plutôt que les armes à feu. Cependant, les femmes sont plus susceptibles que les hommes d'avoir été victimes d'abus physiques ou sexuels dans leur enfance, et nous savons que cela augmente les risques de comportement suicidaire, ce qui pourrait être un facteur», a-t-elle précisé.Cette partie de la cohorte présentait-elle des troubles psychiatriques qui n'avaient pas encore été détectés? «Ils ont fait l'objet d'un dépistage très détaillé, donc c’est possible mais peu probable», a déclaré la Dre Oquendo. Il a également été constaté que les personnes de plus de 50 ans étaient beaucoup moins susceptibles d'avoir tenté de se suicider que les personnes de moins de 50 ans. Les taux de tentatives de suicide étaient de 3,9% pour les plus de 50 ans, contre 6,1% pour les personnes âgées de 35 à 50 ans et 6,2% pour les moins de 35 ans.À lire aussi: Une étude de l'INSPQ conclut que le taux de suicide se stabilise au QuébecOn ne sait pas exactement pourquoi, mais «nous pensons que les populations plus jeunes sont plus vulnérables à toutes sortes de problèmes de santé mentale», a-t-elle ajouté. Il se peut que ces personnes soient moins résilientes lorsqu'il s'agit de faire face aux défis et aux stress intenses de la vie, mais il manque d'études pour le confirmer.À ce stade, il n'y a pas de réponse claire en ce qui concerne d'éventuels changements dans le dépistage. Selon la médecin, il est difficile de trouver le bon équilibre lorsque les ressources médicales et de santé mentale sont limitées. De nombreuses personnes n'ont pas accès aux services de santé mentale et de soins sociaux qui pourraient les aider. «Je préconise le dépistage des idées suicidaires ou des tentatives de suicide. Un outil comme le PHQ-9 peut être utile, bien que dans de nombreux contextes cliniques, la question du suicide soit évitée en raison du manque de ressources pour aider les patients à risque.»Le nombre élevé de 20% relevé dans l'étude n'est pas une surprise pour David Klonsky, chercheur sur le suicide et professeur de psychologie à l'Université de Colombie-Britannique, qui n'a pas participé à l'étude. «Les études d'autopsie psychologique montrent qu'entre 10 et 40% des personnes décédées par suicide ne souffraient d'aucun trouble mental au moment de leur décès. Le chiffre de 20% mentionné dans l'article, bien qu'il concerne les tentatives de suicide et non les décès, correspond à peu près à ce chiffre.»Il a fait remarquer que de nombreuses personnes supposent que tous les suicides et tentatives de suicide sont dus à des troubles mentaux. «Mais je pense qu'il est clair depuis des décennies que cette perspective n'est pas exacte», a-t-il conclu.En fait, un article qu'il a cosigné en 2022 mettait en évidence que des facteurs autres que la maladie psychiatrique pouvaient être à l'origine de tentatives de suicide. Il souligne que le suicide peut être «motivé par la douleur et le désespoir, et que la douleur et le désespoir peuvent être causés non seulement par la maladie mentale, mais aussi par d'autres facteurs tels que des luttes interpersonnelles accablantes ou des pertes, des problèmes financiers apparemment insurmontables, des conditions médicales chroniques, ainsi que la discrimination et la persécution systématiques».

Près de 20% des personnes qui tentent de se suicider n'avaient pas de maladie psychiatrique antérieure

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