Prééclampsie: la plupart des femmes à risque ne bénéficient pas de la prévention recommandée

Bien qu'il existe plusieurs autres facteurs de risque de prééclampsie, les personnes présentant ces trois facteurs communs - seuls ou combinés - «sont les plus à risque au Canada», a déclaré le Dr Joel Ray, professeur de médecine et d'obstétrique à l'Université de Toronto. Il est généralement assez simple de déterminer qui est à risque, a-t-il ajouté. Pourtant, la plupart de ces femmes ne reçoivent pas le traitement simple, peu coûteux et bien étudié pour aider à prévenir la prééclampsie: l'aspirine à faible dose. Le Dr Ray est l'auteur principal d'un article paru dans le JAMA, qui examine la fréquence à laquelle l'aspirine à faible dose est administrée aux femmes enceintes présentant l'une de ces trois conditions à haut risque, pour prévenir la prééclampsie. L'étude a été réalisée dans le cadre du réseau de recherche sur le diabète, l'obésité et l'hypertension pendant la grossesse (DOH-NET). Des travaux antérieurs du DOH-NET ont montré que 11 naissances sur 1000 en Ontario présentent du diabète avant la grossesse, 178 sur 1000 une obésité, et 11 sur 1000 une hypertension chronique. De plus, environ 5 naissances sur 1000 présentent à la fois du diabète et de l'obésité maternels, 1 naissance sur 1000 du diabète et de l'hypertension, et 6 naissances sur 1000 de l'obésité et de l'hypertension. Le taux des trois facteurs de risque combinés est de 0,7 pour 1000. Le Dr Ray a noté que le diabète et l'hypertension chronique avant la grossesse sont classés, dans les directives de l'US Preventive Service Task Force (USPSTF), comme des facteurs de risque élevés ayant tendance à s’apparier chez les femmes obèses. Ces directives, ainsi que d'autres comme celles de l'Association des sages-femmes de l'Ontario et de la SOGC, appuient la prophylaxie à l’acide acétylsalicylique (AAS) à faible dose chez les femmes présentant ces facteurs de risque, notamment. D'autres études ont montré que seulement 7,6% des femmes éligibles se voient prescrire de l'aspirine à faible dose, même si l'on sait qu'elle permet de réduire le risque relatif de prééclampsie de 10 à 50%, a-t-il ajouté. En ce qui concerne la nouvelle étude sur la prophylaxie à faible dose, des données basées sur la population ont été obtenues auprès du Better Outcomes Registry and Network (BORN) Ontario, un registre des naissances mandaté par la province. Les données de toutes les femmes ayant accouché d'un enfant vivant ou mort-né à l'hôpital à 23 semaines de gestation et plus, d'avril 2018 à décembre 2020, ont été incluses. Les données comprenaient des informations démographiques, des détails cliniques, ainsi que l'utilisation quotidienne d'aspirine pour la prévention de la prééclampsie. L'étude a inclus 77 582 femmes souffrant de diabète, d'obésité et/ou d'hypertension chronique avant la grossesse, ce qui représente environ 21% des 371 237 femmes ayant accouché durant la même période. Cependant, l'aspirine n'a été utilisée que chez 17,2% des femmes souffrant de diabète, 6,9% d'obésité et 27,6% d'hypertension. «La plupart des femmes atteintes de diabète avant la grossesse en ont un de type 2. Néanmoins, toutes les femmes atteintes de diabète sucré avant la grossesse présentent un risque plus élevé de prééclampsie et de naissance prématurée», a commenté le Dr Ray en entrevue. La population semble généralement être davantage consciente des bienfaits de l'aspirine pour les maladies cardiovasculaires à l'âge adulte, mais ne semblent pas l’être autant quant à son rôle pendant la grossesse. L'utilisation de l'aspirine était toujours faible chez les femmes présentant au moins deux des principaux facteurs de risque. En effet, le taux d'utilisation de l'aspirine n'était que de 22,2% chez les femmes souffrant à la fois de diabète et d'obésité, de 36,6% chez les femmes souffrant de diabète et d'hypertension, de 32,3% chez les femmes souffrant d'obésité et d'hypertension, et de 38,8% chez les femmes présentant les trois facteurs de risque. De vastes essais cliniques ont montré à plusieurs reprises que l'aspirine réduit en toute sécurité le risque de prééclampsie, de naissance prématurée, de retard de croissance fœtale intra-utérine et de mortalité périnatale, a indiqué le Dr Ray. La dose quotidienne est une ou deux aspirines pour bébé (81 à 162 mg), à partir d'environ 12 semaines de gestation. Si une femme est orientée vers un obstétricien, «à ce moment-là, elle est souvent trop avancée dans sa grossesse pour tirer un quelconque bénéfice de l'aspirine», a-t-il ajouté. «Tout praticien qui rencontre une femme en début de grossesse peut connaître ses antécédents de grossesse et son état de santé actuel, et décider dans l'immédiat si elle est une candidate à l'aspirine à faible dose», a-t-il précisé. Il a élaboré une courte liste de contrôle pour aider à déterminer qui est à risque et pourrait bénéficier de l'aspirine à faible dose. Elle comprend des facteurs de risque supplémentaires. Il a soutenu que la prise d'aspirine à faible dose peut être justifiée si une femme présente l'un des facteurs de risque suivants: syndrome des anticorps antiphospholipides, hypertension chronique, prééclampsie antérieure, diabète avant la grossesse ou un IMC supérieur à 30 kg/m2 avant la grossesse, par exemple. L’aspirine pourrait également aider les femmes présentant au moins deux des facteurs de risque suivants: décollement placentaire antérieur, grossesse multifœtale, maladie rénale chronique, mortinaissance antérieure, âge maternel supérieur à 40 ans, nulliparité, lupus érythémateux disséminé ou retard de croissance intra-utérin antérieur. Le Dr Venu Jain, obstétricien et professeur agrégé de médecine à l'Université de l'Alberta, convient que la prise d'aspirine à faible dose est insuffisante chez les femmes à haut risque - notamment celles qui souffrent de diabète, d'obésité ou d'autres facteurs. Mais souvent, dit-il, même celles qui souffrent d'hypertension chronique ne reçoivent pas d'aspirine. Il n'a pas participé à l'étude. Il faut «une évaluation cohérente et systématique du risque de prééclampsie chez chaque femme enceinte», selon lui. Une grande proportion de femmes à risque développera une prééclampsie en l'absence d'une faible dose d'AAS. Il a souligné qu'un outil, proposé par la Fetal Medicine Foundation du Royaume-Uni, peut aider les médecins. En outre, les prochaines directives de la SOGC (dont le Dr Venu Jain est coauteur) sur les troubles hypertensifs de la grossesse mettront davantage l'accent sur l'utilisation de faibles doses d'aspirine. L'étude pourrait par contre sous-estimer l'utilisation de l'aspirine à faible dose, relate la Dre Nicolette Caccia, professeure agrégée de médecine à l'Université de Toronto, qui n'a pas participé à l'étude. D’après cette dernière, les chercheurs ont utilisé la base de données BORN. Or, elle «est généralement alimentée par des infirmières hospitalières, utilise le dossier prénatal souvent incomplet du patient et ne permet pas de saisir l'utilisation de l'AAS». Par ailleurs, «la dose recommandée de 162 mg d'AAS par nuit est sécuritaire et les indications d'utilisation pour réduire les complications de la grossesse sont de plus en plus diffusées, a-t-elle poursuivi.

Prééclampsie: la plupart des femmes à risque ne bénéficient pas de la prévention recommandée

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes