Pratique: à quoi rêvent les pharmaciens?

Dans le sillage de la conférence inaugurale de l’Événement des pharmaciens 2025 début juin à Québec, qui invitait les représentants de la pharmacie à se projeter en 2045, Profession Santé a interrogé plusieurs pharmaciens et pharmaciennes de la province sur leurs attentes et leurs ambitions concernant leur pratique pour les années à venir. «Que la qualité de vie au travail devienne une priorité» Olivier Roy, pharmacien chef à la pharmacie David Rousseau (Familiprix) de St-Alexandre-d’Iberville«Je vois ma pratique évoluer vers un rôle de plus en plus clinique, et vers un accompagnement thérapeutique de plus en plus personnalisé. Et tout ce changement va dépendre de la manière dont on va s’organiser pour intégrer ces nouveaux actes de façon efficace. Il va falloir miser davantage sur le travail d’équipe et développer des façons de faire plus efficaces. Ça passe aussi par la réorganisation des laboratoires et des espaces de travail, car il faut rester disponible et à l’écoute sans continuer d’être constamment interrompu.La qualité de vie au travail est pour moi essentielle. Il faut permettre à nos équipes d’avoir un environnement de travail sain et mobilisateur, sans surcharge. C’est à mon sens le plus gros défi, car nos équipes en pharmacie sont déjà surchargées. J’aimerais aussi continuer d’évoluer dans une pharmacie écoresponsable en posant des gestes concrets pour réduire l’empreinte des pharmacies. J’aimerais qu’on puisse l’intégrer davantage dans notre pratique. Avec tout ce que la profession a traversé ces dernières années, j’aimerais que la pharmacie trouve pleinement sa place comme un pilier du système de santé québécois, et que les pharmaciens soient reconnus pour leur expertise et leur rôle clinique central. On a tendance à réaliser des tâches que d’autres acteurs du réseau devraient faire, ce qui contribue à nous surcharger. Je rêve d’une pharmacie encore plus intégrée à la première ligne, où l’interdisciplinarité sera simple et fluide, sans barrières administratives, et où l’on pourra innover sans sacrifier l’humain derrière le professionnel.»«Mieux définir nos rôles»Léa Prince-Duthel, pharmacienne au GMF Sud-Ouest, Montréal«J’aimerais que les rôles de chaque type de pharmacien soient mieux définis, et avoir des canaux de communication clairs entre chaque pharmacien. J’aimerais pouvoir avoir accès à un pharmacien spécialisé pour répondre à des questions plus poussées, qu’il soit en charge ou non de mon patient. Et, évidemment, que le rôle du pharmacien GMF soit davantage reconnu et valorisé, avec plus d’heures et donc plus de présence, afin que tous les groupes de médecine de famille aient au moins un pharmacien à temps plein réellement intégré à l’équipe de soins. Les pharmaciens communautaires devraient avoir le réflexe de passer par leur collègue de GMF comme porte d’entrée dans la clinique.L’un de mes patients est, par exemple, suivi par trois spécialistes différents, dans deux hôpitaux – un hôpital de première ligne à Verdun et au CHUM. On ne reçoit aucun document de la part de ces médecins spécialistes. Le patient est confus en raison de cette situation, et, de mon côté je n’ai personne à qui poser mes questions concernant sa médication. Je dois écrire une note, l'envoyer au patient par courriel, celui-ci doit ensuite l’imprimer et la montrer au spécialiste de l’hôpital. Quant à moi, j’espère une réponse. Alors que si j'avais accès au pharmacien spécialiste en hépatologie du CHUM par exemple, il pourrait accéder au dossier de mon patient et évaluer cette question précise.»«Rester une pharmacienne accessible»Elisabeth Crofton, pharmacienne salariée responsable au Familiprix Pierre-Olivier Bertrand, Québec«L’élargissement des actes prévus par le PL67 est une avancée majeure et motivante, et je vois naturellement évoluer notre pratique vers un rôle de plus en plus clinique, tout en restant des acteurs de première ligne accessibles. J’aimerais renforcer mon rôle auprès des patients pour continuer de faire une différence, tant en matière de prévention que de traitements, mais aussi auprès des autres professionnels de la santé, afin de leur montrer toute l’étendue de nos compétences et de nos capacités. Pour y parvenir, certains ajustements vont être inévitables au sein des pharmacies, car on ne pourra pas répondre à toutes les nouvelles demandes du jour au lendemain. Ça va demander de la formation des équipes techniques pour pouvoir leur déléguer plus de choses, mais aussi de gérer la rareté de la main-d’œuvre pour avoir des équipes stables. Il va aussi falloir automatiser davantage nos processus. J’aimerais me former davantage pour intégrer encore plus d’actes cliniques à ma pratique, et aider davantage les patients vulnérables qui n’ont pas de médecin de famille. Améliorer le partage des données patients et la collaboration entre tous les professionnels sera indispensable pour bien les prendre en charge et les suivre. Cet accès aux données pourrait révolutionner notre quotidien.Enfin, je rêve que la perception du rôle du pharmacien par le grand public évolue, pour que les patients ne nous voient plus seulement comme des professionnels de première ligne accessibles, mais aussi comme des cliniciens capables d’offrir des services spécialisés. Je pense qu’instaurer les consultations sur rendez-vous va devenir de plus en plus nécessaire dans les prochaines années, autant que le fait de repenser l’organisation de nos laboratoires pour garantir plus de confidentialité et moins d’interruptions.»«Un vrai système de gestion des données patients»Ni Ruo, pharmacienne gestionnaire de site pour l’Hôpital Général de Montréal – CUSM«D’ici 20 ans, je souhaiterais avoir un vrai système de gestion des informations et des données patients intégré, qui soit aussi accessible au patient pour lui permettre d’autogérer ses soins. J’ai moi-même dû être opérée à la suite d'un accident l’année passée, et, lorsque j’étais en salle de réveil, le résident en ortho m’a demandé de vérifier sa prescription, sachant que j’étais pharmacienne dans ce même hôpital. Sauf que je venais de recevoir 150 µg de Fentanyl! Ça ne faisait pas de sens. Dans ce cas précis, j’ai eu la chance d’être opérée à l’hôpital où je pratique, et donc d’avoir accès à mes propres informations. Pouvoir gérer mon parcours de soins et mes besoins m’a beaucoup aidée. Les patients non soignants devraient pouvoir avoir accès à ces mêmes informations. Tous les milieux de travail ont leurs propres outils et logiciels, mais il n’y a pas suffisamment d’intégration et de communication. Donc le transfert des informations se fait toujours manuellement. Le pharmacien doit ouvrir un logiciel pour les références, un autre pour la gestion des interactions, un autre pour consulter les résultats de laboratoire ou faire des prescriptions… Prescription qui est faite sur papier, puis faxée… Tous ces irritants viennent du manque d’outils qui nous permettraient de mieux travailler.»Ces propos ont été édités dans un souci de concision et de clarté.Et vous, quels sont vos rêves et vos ambitions concernant votre pratique en pharmacie pour les années à venir? Nous attendons vos réponses en commentaire!

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