Pourquoi ne pas passer par l’arbitrage avant de parler d’une loi spéciale?

Au moment d’écrire ces lignes, les négociations avec les deux grandes fédérations médicales sont dans une impasse. D’un côté, ces dernières ont annoncé des moyens de pression alors que de l’autre, la position du gouvernement reste presque inchangée avec en toile de fond l’imposition possible d’une loi spéciale. J’aimerais rappeler que les médecins et l’ensemble des professionnels de la santé veulent, tout comme le gouvernement, améliorer l’accès aux soins pour la population du Québec.Envisager l’arbitrageC’est malheureux pour les patients et patientes de constater que le gouvernement n’écoute pas ses médecins. À l’heure actuelle, toutes les autres provinces, à l’exception du Québec, ont un mécanisme d’arbitrage en cas d’échec des négociations sur le renouvellement de l’entente de rémunération avec sa profession médicale. L’arbitrage évite de s’enliser dans des impasses qui ne servent personne, et il permet donc de protéger les soins de santé. À preuve, notre voisine l’Ontario a annoncé le 18 septembre une entente avec l’Association médicale de l’Ontario qui a été justement obtenue parce que les deux parties ont eu recours à l’arbitrage1. Cette nouvelle entente «accroît l’accès aux soins primaires et offre du financement stable pour la dotation du personnel».Repenser la rémunération pour mieux soignerLe débat sur la place publique tourne presque uniquement autour de la rémunération et de la performance des médecins, alors que les médecins du Québec sont pourtant d’accord avec la nécessité d’adapter les modes de rémunération à la réalité d’aujourd’hui. Dans d’autres provinces et territoires, on a compris que la diversité des modèles de rémunération permet d’adapter les pratiques aux besoins des gens et aux réalités locales, et qu’augmenter le nombre de professionnels et professionnelles de la santé est un incontournable dans le contexte démographique.Par exemple, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a décidé que la meilleure façon de répondre aux besoins de la population est d’avoir une entente avec ses médecins qui introduit un système basé sur les heures travaillées et la complexité des services, renforçant l’attractivité de la profession. D’ailleurs, la Nouvelle-Écosse a souligné publiquement la collaboration avec la communauté médicale pour améliorer l’accès aux soins à sa population2.L’Ontario offre différents modèles de rémunération adaptés au milieu de pratique et aux besoins de la patientèle3, en plus d’investir 2,1 milliards dans un «plan d’action pour les soins de première ligne»4.En Colombie-Britannique, le modèle mixte de rémunération longitudinale, qui célèbre son deuxième anniversaire5, a permis de recruter plus de 1 000 médecins de famille en deux ans, en valorisant autant le temps passé avec les personnes que les suivis administratifs nécessaires. Ce modèle a même incité des médecins à retarder leur retraite et d’autres à revenir à la pratique.Ces exemples montrent qu’il est possible d’innover pour répondre aux besoins de la population tout en améliorant les conditions de pratique des médecins. Pour que la réforme québécoise souhaitée se matérialise, elle doit s’appuyer sur des principes simples: offrir plus de flexibilité et de choix aux médecins; privilégier la qualité des soins plutôt que le volume; instaurer un mécanisme d’arbitrage indépendant comme dans les autres provinces lors d’impasses dans les négociations; reconnaître la valeur du mentorat, de la formation et de la recherche; et surtout soutenir le bien-être et la santé des médecins et des professionnels et professionnelles de la santé, sans lesquels le système de santé ne peut être viable.Investir dans les effectifs en santé: un impératif collectifPour améliorer l’accès aux soins, il faudra aussi inévitablement plus de professionnels et de professionnelles de la santé, un environnement de travail plus attrayant afin de retenir les ressources déjà en place et des investissements en technologie, en formation et en recrutement. Ces investissements devront se faire en partenariats avec les prestataires et les patients et patientes. Comme le rappelle l’OCDE, les systèmes qui valorisent et renforcent les soins de première ligne offrent de meilleurs résultats cliniques6.Car, il faut se le rappeler, derrière les chiffres et les conventions, il y a avant tout des personnes, des familles, des communautés qui attendent. Le Dr Jean-Joseph Condé est porte-parole et membre du Conseil d’administration de l’Association médicale canadienne, ainsi que médecin de famille à Val-d’Or.Références: Le gouvernement de l’Ontario et l’Ontario Medical Association concluent une entente pour protéger les soins de santé provinciauxPhysician Agreement | Doctors Nova ScotiaModèles de paiement des soins primaires en OntarioL’Ontario aiguille 300 000 personnes de plus vers des soins primairesLFP Payment Model celebrates its second anniversary | Doctors of BCHow Do Health System Features Influence Health System Performance?

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