Plaidoyer en faveur des adjoints au médecin

Depuis des années, le Conference Board du Canada s’intéresse aux adjoints au médecin (AM) comme piste de solution aux enjeux d’accessibilité aux soins qui sévissent d’un océan à l’autre. Persistant dans cette voie, l’organisme de recherche vient de publier un nouveau rapport qui évalue les coûts et les bénéfices de l’incorporation des AM aux équipes de soins en première ligne, dans les services d’urgence et les départements de chirurgie orthopédique. Au vu des résultats auxquels ses experts sont parvenus, le Conference Board lance un appel aux gouvernements des provinces et territoires en les enjoignant «à explorer un nouveau modèle de financement qui permettrait aux hôpitaux, aux équipes de soins primaires et aux médecins d’employer plus facilement des adjoints au médecin, ce qui réduirait les temps d’attente et améliorerait l’accès (aux cliniciens)». En première ligne, l’ajout de 1175 AM à temps plein (37,5 heures par semaine) soulagerait les médecins de famille de 2 millions d’heures par an, sur un total de 28 millions d’heures de pratique estimé au Canada en 2021. Ces 7,3% de temps épargné permettraient aux omnipraticiens de rendre 3,8 millions de services en plus pour un coût global de 131 millions de dollars (M$), un montant qui correspond aux salaires des AM, soit environ 111 000 dollars par adjoint et par an. Aux urgences, le Conference Board estime que les urgentologues consacrent chaque année quelque 4 millions d’heures à des tâches qui pourraient être confiées à des AM. Avec une formation adéquate en soins d’urgence, ces derniers pourraient soulager les médecins de 3,2 millions d’heures de travail, signale le rapport. Les uns et les autres pourraient ainsi rendre 2,8 millions de services additionnels à la population pour un coût de 215 M$ correspondant au recrutement de 1812 adjoints. Enfin, dans les départements de chirurgie orthopédique, les systèmes de santé canadiens auraient besoin de 423 adjoints au médecin pour couvrir tous les services relevant de leur champ d’activité. Les chirurgiens seraient ainsi délestés de 717 756 heures de travail et ensemble, les cliniciens et leurs adjoints pourraient rendre 1,3 million de services en plus chaque année. Dans l’ensemble, l’ajout des AM aux équipes de soins génère des diminutions de coûts pour les systèmes de santé grâce à l’accroissement substantiel des services offerts à la population. Selon les modèles de financement étudiés (directement par les réseaux publics de santé ou via les médecins employeurs), «des économies significatives allant jusqu’à 426 millions de dollars» pourraient être réalisées chaque année, mentionne le rapport qui souligne également «un potentiel d’économies indirectes» grâce à une meilleure continuité des soins et davantage de prévention des maladies. Pour les patients, les AM favoriseraient l’accès aux médecins et aux soins dont ils ont besoin, en réduisant les temps d’attente. Tandis que pour les cliniciens, ils leur permettraient de «prodiguer des soins de la plus haute qualité et en toute sécurité», tout en leur dégageant «du temps personnel nécessaire pour éviter l’épuisement professionnel». Lire aussi: 10 M$ pour des solutions au fardeau administratif des médecins «Ce rapport met en évidence des éléments qui militent en faveur d’une intégration plus poussée des adjoints au médecin partout Canada», affirme le directeur de la santé et du capital humain au Conference Board du Canada, Chad Leaver, en indiquant que jusqu’ici, «il y avait très peu de données canadiennes soulignant l’impact clinique et économique potentiel des (AM) sur le système de santé canadien». Une étude menée en 2016 au département de chirurgie orthopédique du Mount Sinai Hospital, à Toronto, a montré que le transfert des tâches aux assistants médicaux a permis de réduire les retards dans la prise en charge des patients de près de 20%, les sorties tardives de l’hôpital de près de 20% et qu’il a augmenté les sorties précoces non planifiées d’environ 16%. En 2021, 902 adjoints au médecin ont été recensés au Canada, les deux tiers travaillant en Ontario. Au Québec, on en dénombre 23 et leur pratique est pour l’heure limitée aux bases militaires. Au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, en Alberta, au Manitoba et en Saskatchewan, les AM sont reconnus comme des professionnels de la santé agréés, ou réglementés, et ils sont employés par les réseaux de la santé. En Ontario, les adjoints sont autorisés depuis 2007, cependant, il ne s’agit pas d’une profession réglementée et leur champ de pratique n’est pas défini. En général, celui-ci est déterminé par leur médecin superviseur, sachant que grâce à leur formation universitaire poussée, les AM sont en mesure d’évaluer des patients, de procéder à leur examen clinique, de poser un diagnostic et de proposer une thérapie. Dans les salles d’opération, ils peuvent aussi jouer le rôle d’assistant en chirurgie. Un projet-pilote au Québec Sollicité par ProfessionSanté.ca, le Collège des médecins du Québec considère que «la contribution des adjoints aux médecins est une piste de solution à envisager, mais qui doit faire l’objet d’une analyse impliquant notamment le Collège, mais aussi le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), d’autres ordres professionnels en santé ainsi que l’Office des professions du Québec». Par courriel, sa porte-parole, Leslie Labranche, informe que le CMQ a été interpellé par le MSSS «afin de soutenir un projet pilote sur l’intégration d’adjoints aux médecins dans une région mal desservie au Québec et les démarches afin de concrétiser ce projet avancent bien». Celui-ci devrait débuter prochainement, ajoute-t-elle, et il «contribuera assurément à la réflexion des différents acteurs impliqués quant à la place que les adjoints aux médecins pourraient éventuellement occuper dans le réseau de la santé au Québec».

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