PL67: les conditions doivent vite être réunies, alerte l'AQPP

Alors que le PL67 vient à peine d’être adopté, les pharmaciens propriétaires pensent déjà à l’après. «Comment veut-on aborder la suite?», a questionné Benoit Morin en inaugurant le Congrès 2024 de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP), ce jeudi 14 novembre au Centre des Congrès de Québec. Objectif: motiver les troupes pour ne pas subir ce «changement de paradigme» qu'est le projet de loi visant l’élargissement de certaines pratiques professionnelles dans le domaine de la santé et des services sociaux.Les défis sont pourtant nombreux. Exploitation du champ de pratique à son plein potentiel, prise en charge globale des patients, démocratisation des médicaments de spécialité, renforcement du droit de propriété, innovation… Si Benoit Morin s’est montré combatif pour les adresser avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi – la «troisième étape en dix ans» de l’évolution du rôle des pharmaciens a-t-il salué –, il a toutefois partagé sa déception de ne pas avoir été entendu par le gouvernement. «Les solides recommandations que nous avions formulées n’apparaissent pas dans le projet de loi, mais on espère que les règlements vont permettre de s’attaquer à certains enjeux.» «Notre modèle doit être renforcé»Au cœur des discussions des prochaines semaines donc, l’élaboration des règlements, pilotée par l’Ordre des pharmaciens (OPQ), mais aussi la poursuite du «crunch de négociations» afin d'obtenir une juste rémunération au regard des nouvelles prérogatives et de la hausse de la charge de travail. «Donnez-nous les moyens et les outils pour être la pratique la plus avancée dans le monde», a plaidé le président de l’AQPP. Citant des exemples de pratique en Angleterre, aux États-Unis et dans le reste du Canada, Benoit Morin a insisté sur les atouts du système québécois, à préserver à tout prix selon lui: le droit de propriété et l’indépendance professionnelle, le solide réseau de proximité – par ailleurs thème du Congrès cette année – ainsi que le prix usuel et coutumier, unique au Canada. À lire aussi: PL67 en pharmacie: «Qui nous a demandé notre avis?»Pour l'AQPP, la constante érosion du droit de propriété aux dépens des pharmaciens propriétaires découle de pressions de la part des chaînes et bannières, pressées de reproduire le modèle en vigueur ailleurs au Canada et aux États-Unis. «On est chanceux, mais notre modèle est loin d’être parfait. Nos règles doivent être renforcées», a alerté Benoit Morin. À en croire le sondage soumis à l’auditoire en direct quelques minutes plus tard, la rémunération et l’indépendance financière semblent bien être le sujet de préoccupation n°1 des pharmaciens propriétaires. Une posture soutenue par les pharmaciens salariés, comme le président de leur association professionnelle s'en est fait l'écho. Interrogé sur le sujet par Benoit Morin, Patrick Hémery a assuré ses pairs que «le bénévolat, c’est terminé. Tous nos actes pour le PL67 doivent être rémunérés.»«On espère que l'entrée en vigueur se fera au printemps»Parmi les demandes de l’AQPP, un soutien financier adéquat afin de mettre en place les infrastructures opérationnelles et logistiques permettant un déploiement optimal des activités cliniques, le tout dans un contexte d’inflation et de pénurie de main-d’œuvre limitant de facto les possibilités d’investissement des pharmaciens propriétaires. Sur ce point, le président de l’OPQ Jean-François Desgagné, participant à la première conférence du Congrès, a assuré que le ministre de la santé Christian Dubé s’était engagé à étudier les besoins de transformations technologiques et d'infrastructures afin de permettre aux pharmaciens d'accéder à des aides. Côté main-d’œuvre, Jean-François Desgagné a annoncé la création d'une table de planification de la main-d’œuvre en accord avec le MSSS. En attendant que les conditions de la mise en place du PL67 soient réunies, les présidents des associations professionnelles ont appelé leurs pairs à ne pas se lancer dans les nouvelles activités à corps perdu dès le premier jour – bien que les besoins soient là et que la pression se fasse ressentir. «Ne jouez pas au pharmacien cow-boy!», a ainsi lancé Patrick Hémery, n’y allant pas par quatre chemins. Autrement dit, ce n’est pas parce que le PL67 va entrer en vigueur qu’il faudra tout faire tout de suite. «On espère que l’entrée en vigueur se fera au printemps, car il faut du temps pour se former et s’approprier les actes», a-t-il ajouté, rejoint sur ce point par Jean-François Desgagné. «On ne pourra pas diagnostiquer d’otites au jour un», a plaisanté ce dernier, en réaction aux propos de la ministre LeBel prononcés lors de l’annonce du PL67 au printemps dernier. Les parts de marché perdues des médicaments de spécialitéEnfin, «démocratiser l’accès aux médicaments de spécialité» figurait en bonne position des priorités des pharmaciens propriétaires. Le spectre des médicaments de spécialité a en effet plané sur la conférence inaugurale de Benoit Morin – le président de l’AQPP affirmant d’emblée que les pharmaciens dits de spécialité, ainsi que leurs équipes, n’avaient pas été invités au Congrès. «40% des parts de marché sont entre les mains de six pharmacies dites de spécialité, a-t-il rappelé. C’est un non-sens dans le réseau, car ces parts de marché pourraient être réinvesties dans le développement de la première ligne en pharmacie.» À lire aussi: Médicaments de spécialité, «l'éléphant dans la pièce»Alors que les médicaments de spécialité sont voués à se multiplier, et que certaines provinces comme l’Ontario s’emparent progressivement du sujet – en songeant par exemple à limiter les réseaux de fournisseurs privilégiés (ou PPN) et restreindre le pouvoir des assureurs –, les solutions proposées par l'AQPP dans son mémoire remis à la Commission des institutions lors des consultations sur le projet de loi 67 n'ont toutefois pas été retenues par le gouvernement. Ce qui ne signifie pas pour autant que leurs préoccupations restent lettre morte, tempère Jean-François Desgagné.«On a sanctionné les pharmaciens dits de spécialité, et on va continuer», a rassuré le président de l'OPQ. «Le patient doit recevoir sa prescription et choisir sa pharmacie.» Pourtant inscrit dans la Loi sur la pharmacie et plusieurs règlements, ce droit n'est pas respecté, ce qui pourrait conduire à une diminution de l'accès aux soins et, ultimement, à des fermetures de pharmacies, craint l'AQPP.

PL67: les conditions doivent vite être réunies, alerte l'AQPP

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes