PL 130: Trop de règles inciteront les médecins à se désinvestir du réseau, prévient l’ACMDP

Le Dr Martin Arata, président de l’Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec (ACMDP) a été le premier à prendre la parole, lors de l’étude détaillée du projet de loi 130 par la Commission de la santé et des services sociaux.Selon lui, ce document a «tendance à centraliser les pouvoirs vers le ministère», ce qu'il déplore. Dans sa présentation, il a voulu mettre l’accent sur plusieurs articles qui ont «interpellé» son Association. L’article 15, par exemple, porte sur les gardes préventives et, selon lui, elles ne sont pas assez bien balisées. «Un formulaire standardisé serait fort approprié pour faire en sorte que les patients soumis à la garde le soient de façon beaucoup plus régulée.» Ce formulaire permettrait aussi de s’assurer de la pertinence des mises sous garde, plutôt que de se contenter de recenser tous les trois mois le nombre de patients mis sous garde, comme le préconise actuellement le projet de loi.Dans son mémoire, l’ACMDP se dit aussi «stupéfaite» que le plan d’organisation ne fasse plus l’objet d’une recommandation du CMDP, mais soit plutôt «préétabli par le projet de loi». En étant figé dans une loi, il ne sera plus adaptable à la réalité des différents établissements de santé. «Ce n’est pas la même chose dans le CISSS de Chaudière-Appalaches que dans le CHUM ou le CUSM», a souligné le Dr Arata. En ayant la possibilité d'intervenir sur le plan d’organisation, «les gens pourraient développer un sentiment d’appartenance que certains semblent avoir perdu avec les nouvelles structures». «Le sentiment d’appartenance favorise la qualité et l’implication des professionnels à l’intérieur des établissements», a rappelé le médecin.Un triumvirat gagnantL’ACMDP voudrait que l’on revienne au triumvirat CMDP, PDG, DSP. Un modèle qui, selon elle, favorise la cogestion dans les établissements. En 2009, au moment de la crise déclenchée par la grippe H1N1, «ces trois personnes pouvaient prendre rapidement des décisions basées sur des données cliniques». Cela permettait d’être «près des besoins des patients, près de la capacité du réseau à répondre, et c’était rapidement actualisable», a expliqué le Dr Arata, qui voudrait retrouver une dynamique de ce genre de façon plus formelle.Par ailleurs, l’ACMDP se questionne sur la pertinence d’augmenter les règles «obligatoires»; elles risquent en effet de demander beaucoup de paperasserie pour une poignée d'individus, ou d'encadrer des pratiques qui ne sont pas problématiques. Pour le Dr Arata, une règle n’a d’intérêt que si elle offre une «plus-value». «L’ensemble des médecins ne sont pas déviants!» s’est-il insurgé, demandant s’il fallait vraiment renouveler leurs privilèges tous les ans. Une tâche qui, dans un hôpital comptant quelque 1 000 médecins, pénaliserait le CMDP car il n’aurait plus le temps de rien faire d’autre. Le Dr Arata reconnaît que le système actuel de sanction ne fonctionne pas. Le processus, long et lourd, n’aboutit en plus la plupart du temps que sur des réprimandes qui n’ont guère d’effet sur les médecins «pas fins». Selon lui, les problèmes que doivent régler les CMDP ont plus à voir avec les comportements qu'avec les compétences. Or, cela ne requiert pas un système de sanctions, mais un encadrement léger.Réglementation ou autorégulation Au sujet des règles «obligatoires», le ministre de la Santé a voulu savoir si l’Association était contre leur augmentation seulement parce que les médecins ont l’impression que cela bride leur autonomie. L'ACMDP est prête à suivre des règles pourvu que celles-ci soient «pertinentes et servent à améliorer les services ou la qualité des services» et qu'elles soient «logiques» aussi, a répondu le Dr Arata.Les deux hommes ont eu beau discuter, ils sont restés sur leurs positions. Le Dr Arata estime qu’il faut se donner les moyens de faciliter l’application des règles déjà en vigueur. Pour lui, les privilèges «déterminent le champ de pratique» et donc «les obligations qui s'y rattachent». «En ajoutant de nouvelles règles pour cibler quelques individus, tout le monde va se retrouver avec une réglementation plus lourde qui entraînera des bagarres plus fréquentes, ce qui pourrait conduire ceux qui s'investissent à se désinvestir du réseau.»Pour sa part, le ministre de la Santé pense que les établissements manquent de «leviers réels» pour obliger certains à faire ce qu'ils ont à faire. «Dites-moi le levier qui existe, actuellement, pour dire à un médecin: Ta spécialité comprend les actes 1 à 100, si tu choisis de faire 22 à 37, c'est quoi, le levier pour faire faire 1 à 100? Il n'y en a pas», a imagé Gaétan Barrette.Autre point de discorde: selon le ministre, les médecins sont incapables de s’autoréguler.«Les médecins ne s'autorégulent pas, parce que s'ils s'autorégulaient dans l'organisation qui est un hôpital, il y aurait des dossiers qui ne seraient pas vierges», a- t-il assuré. Et de fait, même lorsqu’il y a un historique de problèmes comportementaux chez un médecin, en cas de plainte, il s’en sort avec une simple réprimande, parce que ses comportements ou gestes inappropriés ne se trouvent pas indiqués dans son dossier professionnel. Une situation que le Dr Arata reconnaît, mais qui découle selon lui de la lourdeur du processus de plainte. Toutefois, il croit que ce n’est pas en diminuant les pouvoirs du CMDP que l’on pourra changer la situation. Selon lui, «le CMDP est probablement encore le meilleur organe régulateur pour les médecins, dentistes et pharmaciens à l'intérieur d'un établissement».

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