PL 11: L’heure est peut-être venue de réinventer la première ligne, croit le Collège

Tout en appuyant les objectifs d’amélioration de l’accès à la première ligne du projet de loi 11, le Collège des médecins du Québec (CMQ) considère que «l’heure est peut-être venue de réinventer la première ligne pour tenir compte de la réalité implacable de la démographie sur le corps médical». Il demande ainsi au gouvernement de mettre des balises à certaines dispositions afin d’éviter «une chasse aux sorcières» et suggère d’opter pour une vision plus interdisciplinaire de la première ligne. Dans son mémoire relatif au PL11, Loi visant à augmenter l’offre de services de première ligne par les médecins omnipraticiens et à améliorer la gestion de cette offre, remis aux élus lors de la commission parlementaire, le Collège réitère qu’il est de la responsabilité sociale des médecins d’assurer les services à la population dans le territoire qu’ils desservent. Il rappelle toutefois que le médecin de famille n’est pas la seule porte d’entrée du système. Pour accroître l’accès aux soins de première ligne, il faut permettre au patient d’avoir accès au bon soin, au bon moment, par le bon professionnel. «Le Collège, écrit-il, insiste sur le fait que ce professionnel n’est pas nécessairement un médecin et qu’il faut envisager l’accessibilité aux soins de première ligne de façon beaucoup plus globale. Les solutions mises de l’avant par le gouvernement doivent intégrer une vision interdisciplinaire de la première ligne.» Dans cet esprit, il réclame au ministre de la Santé et des Services sociaux d’élargir le guichet d’accès pour y inclure d’autres professionnels de la santé. Il demande aussi un accès optimal pour l’ensemble des professionnels de première ligne à l’expertise spécialisée et aux services diagnostiques de laboratoire et d’imagerie. Enfin, l’organisme reconnaît le rôle et l’importance des médecins de famille et demande que le ratio d’inscriptions autorisées des médecins de famille dans les facultés de médecine soit maintenu à 55%, comme c’est le cas depuis plusieurs années. Prise de contrôle des rendez-vous Un nouvel article ajouté au PL11 autorise le MSSS à établir des ententes avec les différents fournisseurs de système de prise de rendez-vous; les patients pourront ainsi prendre rendez-vous auprès d’un même médecin via différents systèmes. Dès qu’une première entente est conclue, la machine administrative prend le relais et le MSSS «veille», selon son terme, à éviter que plus d’un rendez-vous ne soit pris pour une même plage horaire. Pour sa part, le médecin devra transmettre au Ministère ses propres plages de disponibilité. Le MSSS, explique-t-on, pourra utiliser les renseignements recueillis pour élaborer des politiques et planifier les effectifs médicaux. Une certaine prise de contrôle à laquelle le CMQ ne s’oppose pas: «Pour ce qui est des renseignements recueillis, dit-il, la disposition ne semble concerner que les plages horaires de disponibilité des médecins. Si tel est le cas, le Collège estime que cette nouvelle disposition sert l’objectif du projet de loi, tout en assurant la protection des renseignements personnels concernant les patients.» Le projet de loi prévoit que les médecins de famille devront se rendre disponibles pour assurer le suivi des patients par l’entremise du système de prise de rendez-vous mis en place par la RAMQ ou offert par un autre fournisseur avec lequel le ministre aura conclu une entente. Le Collège a toutefois rappelé au ministre de la Santé Christian Dubé que les médecins de famille sont impliqués dans divers milieux de soins et diverses activités, notamment des tâches administratives et d’enseignement. Dans son droit de regard quant à l’horaire de travail et aux disponibilités des médecins de famille, il demande au gouvernement que soient prises en compte leurs diverses activités professionnelles. Communication de renseignements au ministre Le partage de renseignements constitue l’une des pierres angulaires du projet de loi. Si le Collège ne s’oppose pas à cette divulgation, il veut néanmoins s’assurer que les informations transmises seront utilisées avec les précautions nécessaires et pas détournées à des fins coercitives. Le PL11 autorise la RAMQ à communiquer à un établissement de santé et à un DRMG certains renseignements nécessaires à la planification des effectifs médicaux. Le Collège se dit en faveur de ce partage afin de donner au ministre les moyens d’exercer efficacement ses fonctions pour le bénéfice des patients. Toutefois, il estime que le gouvernement doit clarifier ses attentes concernant les données requises et leur utilisation. Il souhaite que des balises soient mises en place pour éviter une «chasse aux sorcières», dont François Legault avait donné un avant-goût à l’Assemblée nationale l’an dernier quand il s’était exprimé sur la productivité de certains médecins et les attentes en termes de prise en charge de patients. Des angles morts pour le suivi des patients Le Collège soulève ce qu’il décrit comme des angles morts quant au suivi des patients. Un article du projet loi prévoit qu’un médecin de famille devra obligatoirement passer par le guichet d’accès pour ajouter un patient à la clientèle dont il assure le suivi médical, sauf pour prendre la relève d’un autre médecin qui cesse d’exercer. Le CMQ est d’avis que cette obligation est trop restrictive et que certaines exceptions doivent être prévues. Il estime que le règlement devrait permettre à un médecin d’assurer le suivi d’un autre membre de la famille d’un de ses patients lorsque cette situation est souhaitable. Le CMQ craint par ailleurs que le recours obligatoire au guichet d’accès laisse en plan certaines populations particulièrement vulnérables qui ne sont pas nécessairement portées à s’inscrire sur cette plateforme, tels que des patients toxicomanes. De plus, le Collège soulève que certains médecins de famille ont des pratiques particulières ou spécifiques à certaines populations, par exemple en santé mentale, et il craint que ce nouveau régime empêche des patients d’être suivis par des médecins de famille avec des expertises particulières. Il rappelle par ailleurs au Ministère que plusieurs patients qui souhaitent changer de médecin de famille pour des raisons diverses et valables, telles qu’un déménagement, éprouvent de la difficulté à s’inscrire au guichet d’accès car ils demeurent rattachés à leur médecin de famille actuel. Médecin de famille plutôt qu’omnipraticien Le Collège croit par ailleurs que la réforme législative que veut faire adopter le gouvernement constitue l’occasion de faire une croix sur les termes «médecin omnipraticien» contenus dans le PL 11 et de retenir la terminologie «médecin de famille» employée dans la réglementation professionnelle.

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