Pharmaciens propriétaires: comment devenir (et rester) de bons associés

Pour éviter qu’une association entre pharmaciens propriétaires ne vire au cauchemar, les futurs partenaires d’une pharmacie devraient prendre le temps de bien faire connaissance avant de s’associer, et ce, même si le temps presse pour réaliser la transaction, a recommandé Me Stéphane Lemieux, avocat à Québec chez Verdon, Samson, Lemieux, Armanda.«Pensez-y, vous avez un nouveau chum ou une nouvelle blonde, allez-vous vous marier et habiter avec cette personne sans avoir fait quelques rencontres préliminaires? La réponse est non.»Il a prodigué ses conseils juridiques à l’occasion d’une conférence intitulée Comment éviter que votre associé ne devienne votre ennemi, dans le cadre du dernier congrès annuel de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP). Me Lemieux donne le cours Droit des affaires en pharmacie, qui est inclus dans le microprogramme de 2e cycle en gestion de pharmacie de la Faculté de pharmacie de l’Université Laval.Pour connaître, entre autres, les valeurs et vérifier la compétence de son futur partenaire, un pharmacien devrait rencontrer ce dernier à plusieurs reprises, notamment en dehors du bureau de comptables et du cabinet d’avocats, par exemple en travaillant avec lui ou en réalisant des activités ensemble. Il devrait aussi obtenir des références d’amis pharmaciens. «Plus on connaît la personne, notamment en essayant de bien voir si ses valeurs sont complémentaires aux siennes, plus on a de chance que l’association réussisse.»Chaque pharmacien devrait aussi se livrer à un examen de conscience avant de se lancer en affaires. À son avis, la fibre entrepreneuriale est un prérequis, ce qui signifie qu’un pharmacien doit notamment être persévérant, avoir confiance en lui, être créatif, être tolérant au risque et avoir une attitude positive.«Si vous n’êtes pas des entrepreneurs dans l’âme ou vous ne voulez pas acquérir les capacités d’être entrepreneur, de grâce, faites attention. […] Être propriétaire, ce ne pas fait pour tout le monde. Vous pouvez être bien malheureux comme propriétaire. Alors, acceptez votre rôle de pharmacien salarié qui est très passionnant.»Répartir les tâches Me Lemieux a aussi recommandé d’établir une liste des tâches à réaliser dans l’entreprise, de s’entendre sur une répartition des tâches entre les associés et de les inscrire dans la convention des actionnaires.Parmi les tâches à définir et à répartir, il a énuméré les heures de présence au laboratoire à titre de pharmacien (nombre minimal d’heures, taux horaire, taux d’augmentation salariale annuelle) et les tâches administratives et de représentation. «Est-ce qu’on donne une rémunération pour l’exécution des tâches? Si oui, quel est le montant?»Définir les vacances et les divers congés D’autres points doivent aussi être définis et inscrits dans la convention d’actionnaires:- la répartition des pouvoirs entre les associés;- la période des vacances (nombre maximal de semaines, semaines consécutives ou non, nombre de semaines consécutives, moment de l’année, procédure de remplacement, etc.);- les congés de maternité et de paternité (nombre projeté d’enfants, nombre de semaines de congé, montant compensatoire pour l’associé en congé, bonification pour l’associé responsable de la pharmacie, partage du bénéfice net de la société pendant la période du congé, etc.);- les congés de maladie (nombre de mois, bonification pour l’associé responsable, délai pour le rachat des parts, etc.)- et, finalement, la vente des parts.Planifier sa vie matrimonialeL'avocat a aussi suggéré de bien planifier sa vie matrimoniale. Il a recommandé à ceux qui planifient de se marier de choisir un contrat de mariage selon le régime de la séparation des biens. À ceux qui sont mariés et qui n’ont pas de contrat de mariage, il a mentionné que le régime de la société d’acquêts s’appliquait automatiquement. Dans ce cas, il a recommandé de négocier avec son conjoint les modalités de remboursement de l’actif de la pharmacie qui lui revient en cas de divorce «pour ne pas mettre sa pharmacie en péril».Lire la suiteDans le cas des unions de fait, particulièrement en présence d’enfants, lorsque le conjoint travaille au rabais dans la pharmacie, l'avocat a recommandé de rédiger dans un contrat de vie commune la façon dont seront partagés les actifs avec le conjoint lors d’une séparation.Prévoir la fin d’une association Enfin, Me Lemieux a conseillé de prévoir des clauses en cas de mésentente entre les associés, soit pour une médiation afin de résoudre le conflit, soit pour une fin d’association, par exemple la clause de discorde (shotgun). Il a servi une mise en garde concernant l’utilisation de mauvaise foi d’une telle clause pour racheter la part d'un associé au moment où la pharmacie est en bonne santé financière.«Il faut surtout aussi établir la façon de déterminer la valeur de l’entreprise s’il y a un jour une séparation», a conseillé le juriste. Il privilégie de déterminer annuellement avec les comptables, lors des états financiers, la valeur de l’achalandage. Si cette option ne convient pas, il a suggéré de confier la tâche à un évaluateur spécialisé dans le domaine de la pharmacie.Pour éviter des mésententes, il a recommandé une communication hebdomadaire entre les associés (rencontre, appel téléphonique, courriel) pour régler certaines situations problématiques. «Arrêtez d’être soupe au lait et de tout prendre personnel. Soyez ouvert d’esprit avec votre partenaire pour apporter les ajustements nécessaires.»Il a d’ailleurs déploré que des pharmaciens ne lisent pas leur convention d’actionnaires et qu’ils n’en discutent pas avec leur futur partenaire avant de s’associer. «Entourez-vous de professionnels compétents qui seront à votre écoute et qui vous feront des documents adaptés à vous.»Association ou nonEn se basant sur sa quinzaine d’années d’expérience dans le milieu de la pharmacie, il a remarqué que plus le nombre d’associés dans une pharmacie est élevé, plus le risque que l’association ne fonctionne pas augmente.«Ce que je dis toujours aux gens, avez-vous réellement besoin de vous associer, notamment pour faire des heures ou pour une question économique [prix élevé des pharmacies]? Si la réponse est oui, prenez un partenaire. Mais si la réponse est non, de grâce, ne prenez pas de partenaire. Payez-vous un gérant de luxe ou une pharmacienne super compétente. On se prend un associé quand on en a besoin, car l’associé va avoir des droits, et il est plus facile de faire des réunions du conseil d’administration quand on est tout seul.»

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