Pharmaciens: choisir de travailler en région rurale
L’enjeu du recrutement
S’il ne manque plus de bras à la pharmacie puisque les trois copropriétaires remplissent la majorité des plages horaires, Lucie Senneville doit néanmoins composer avec les défis vécus par d’autres pharmacies de la région: «Les pharmacies d’Ormstown et de Huntingdon ont décidé de fermer le dimanche, par manque de personnel. Ça va créer un trou dans le paysage», constate Mme Senneville, qui songe à ajuster ses heures pour compenser.
Recruter des ATP et autre personnel de plancher est aussi difficile lorsqu’on s’éloigne des centres. «Ça prend quelqu’un qui habite ici», note-t-elle. En effet, les salaires ne sont pas assez alléchants pour que quelqu’un s’y déplace quotidiennement. Et encore faut-il que ceux qui veulent y déménager puissent le faire. La pharmacienne évoque avoir tenté de recruter une technicienne prête à déménager sur place, mais sans auto et sans logement disponible à Saint-Chrysostome, le plan a avorté. «Le conseil municipal travaille fort pour attirer les gens, mais ça prend des terrains pour les maisons, et des logements», souligne-t-elle.
- Le pharmacien en renfort du médecin
«Un des grands défis dans le Haut-Saint-Laurent, c’est l’accès aux soins de santé», évoque Lucie Senneville. Heureusement, depuis 2022, les pharmaciens peuvent intégrer les GMF, question de décharger les médecins. C’est le cas au Complexe de santé de Huntingdon, où la pharmacienne Emmanuelle Laflamme œuvre une journée par semaine. «Notre rôle, c’est de prendre en charge certaines choses une fois le diagnostic posé», explique-t-elle. «La pharmacienne répond aux questions, s’occupe des dossiers complexes et vérifie les interactions entre médicaments. Elle fait beaucoup de suivis, que le médecin n’a pas à faire», fait valoir la Dre Fabienne Djandji, copropriétaire de la clinique.
Les pharmaciens en GMF peuvent par exemple initier et ajuster certains traitements. Comme on évite les allers-retours entre pharmacien communautaire et médecin, les suivis sont plus fluides et rapides. «On fait le lien avec les pharmaciens communautaires ; moi j’ai accès à tous les dossiers, et je peux amorcer les traitements, parce que j’ai une entente de partenariat avec l’équipe médicale. Eux aussi sont en pénurie, donc si je peux aider un peu, ça leur sauve du temps», explique Emmanuelle Laflamme.
Ce reportage a été rendu possible grâce aux bourses d'excellence de l'Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ).