Pharmacie: une clinique de suivi spécialisée pour les patients diabétiques à Québec

«C’est une grande valorisation professionnelle pour les équipes, et les patients se sentent mieux pris en charge», se félicite la pharmacienne Anne-Émilie Dionne, responsable de la nouvelle clinique de suivi spécialisée. Ce nouveau service aux patients, c’est elle qui en a eu l’idée, après avoir constaté une recrudescence de la clientèle sans médecin de famille. Au 1er janvier 2024, 642 047 personnes étaient encore sur liste d’attente au Guichet d‘accès à un médecin de famille (GAMF), selon les chiffres de la RAMQ. La mise en place d’une clinique au sein même d’une pharmacie avec déjà de nombreux services à rendre au quotidien n’est toutefois pas si simple. L’équipe s’est donc solidement préparée en amont. «Nous avons pu travailler sur le projet pendant six mois avant d’ouvrir la clinique, et notre pharmacienne propriétaire a été très à l’écoute, avec une belle vision des services cliniques en pharmacie», raconte Anne-Émilie Dionne. Le personnel technique et les ATP ont par exemple été formés aux capteurs de glucose en continu, à la glycémie, au diabète, mais aussi à savoir reconnaître les bons candidats au suivi.» À lire aussi: Pratique hors-norme: Michael Khazaka, pharmacien 3.0Épaulée par une experte en ressources marketing et développement stratégique, Anne-Émilie Dionne a quant à elle endossé le rôle de responsable de la clinique. «Il fallait que quelqu’un supervise. Je m’occupe donc du recrutement des patients, de les rencontrer en personne, de la standardisation des politiques et procédures, des protocoles, de l’entretien du registre…»Déjà une trentaine de cas complexesUn planning très chargé qui ne l’empêche pourtant pas de prendre du temps pour ses patients. La clinique en compte déjà une trentaine: ils sont âgés de 65 ans en général, et prennent 3 ou 4 médicaments pour le diabète. «Ce sont des cas complexes, la plupart souffre de DT2, mais nous avons aussi deux patients en DT1 et un LADA», précise la pharmacienne.Et comme le diabète vient souvent avec d’autres conditions comme l’hypertension, la dyslipidémie, les douleurs chroniques ou encore des troubles de la santé mentale, la clinique se spécialise aussi en santé globale. «Le diabète est une maladie multifactorielle. Contrairement aux autres conditions mineures gérées par la loi 31, elle ne peut souvent pas être traitée facilement sans suivi régulier.»Afin de rendre le travail plus efficace, les ATP et l’équipe technique ciblent les intérêts du patient et lui remettent un formulaire de préconsultation. Le pharmacien prend ensuite le relais avec une première consultation en personne d'envrion 30 minutes, puis le suivi se fait généralement par téléphone, sauf volonté contraire du patient. «Pendant les premiers rendez-vous dans le bureau de consultation, nous leur parlons de leur santé, de nutrition, des complications liées à la maladie, mais aussi d'ajuster leur traitement et de la surveillance glycémique continue avec la pose d’un capteur si le patient est à l’aise.» À lire aussi: Outils numériques en pharmacie: «il ne faut pas faire l’autruche»Actuellement, les pharmaciens consacrent entre quatre et six heures par semaine à la clinique, et les ATP, deux heures. «Ça n'inquiète pas les équipes, car d’ordinaire, on fait déjà beaucoup plus que ce que préconise la loi 31, comme les analyses et des cultures d’urines, des ordonnances collectives, encore un peu de vaccination… Notre offre de services cliniques dépasse déjà le cadre conventionnel.» Désengorger le réseau de la santé localUn soulagement pour les professionnels de santé voisins de la pharmacie, notamment les infirmières et les médecins du GMF de Sillery, où Anne-Émilie Dionne travaille également. «Tout cela se fait sans dirigisme, je leur propose de prendre certains de leurs patients, surtout si ce sont déjà des clients de la pharmacie. Les infirmières sont très contentes de notre aide, car elles veulent pouvoir se concentrer sur d’autres problématiques, mais leurs listes d’attente sont très grandes, ce qui crée un relâchement de la prise en charge.» Les patients, eux, se sentent «moins stressés et isolés».Ces répercussions positives, Anne-Émilie Dionne les observe avec bonheur dans sa pharmacie. «Au-delà d’une variété dans le travail au quotidien, les relations avec les patients ont elles aussi évolué vers davantage de confiance mutuelle. «Ils atteignent leurs cibles plus rapidement», se réjouit la pharmacienne. À lire aussi: Les meilleurs responsables en pharmacie sont d'excellents passeurs Elle espère aujourd'hui que d’autres pharmaciens lui emboîtent le pas. «J’ai déjà discuté avec un membre du développement des services professionnels de Familiprix, ce serait génial si la bannière pouvait standardiser ce genre de projet, et le réutiliser dans toutes les autres pharmacies. C’est pour ça qu’on a travaillé fort sur les politiques et procédures, pour que ce soit transférable facilement, même si on est privilégié car on peut compter sur un pharmacien et demi en plus.» Si la clinique n’est pour l’instant pas rentable, elle ne perd pas non plus d’argent et la pharmacienne est certaine que les comptes passeront dans le vert d’ici 2 à 3 ans, lorsque le modèle de rémunération sera ajusté. Surtout, dès que l’évolution de la loi 31 le permettra, Anne-Émilie Dionne assure que la pharmacie étendra son offre de soins. «On pourra peut-être même initier des thérapies! On en ferait bien plus, mais la réglementation nous limite.»

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