Perte de cheveux: 5 conseils pour aider vos patients

C'est drôle, les cheveux. On ne réalise souvent leur rôle prépondérant dans notre sentiment d'identité que lorsqu'ils deviennent gris, cassants, ou commencent à s’amincir ou à tomber. Alors que cette affection a autant de répercussions sur le bien-être des patients, il est étonnant de constater que peu de médecins canadiens se spécialisent dans la perte de cheveux. Selon les dermatologues Dr Jeff Donovan et Dr Thusanth Thuraisingam, les médecins devraient se familiariser avec les affections courantes qui causent l’alopécie et se sentir à l'aise de prescrire des traitements. Le Dr Donovan est le directeur médical de la Donovan Hair Clinic à Whistler, en Colombie-Britannique, et instructeur clinique à l'Université de la Colombie-Britannique. Le Dr Thuraisingam est quant à lui professeur adjoint de médecine à l'Université d'Ottawa et à l'Université McGill. Il travaille dans une clinique privée à Ottawa et dans une clinique spécialisée dans la perte de cheveux à l'Hôpital général juif de Montréal. 1. Faire preuve de respect et de sollicitude La première étape consiste à écouter les patients lorsqu'ils s’inquiètent d’une perte de cheveux. «Je pense qu'il est vraiment important de faire confiance aux patients: s'ils ont l'impression de perdre des cheveux, il faut les croire. Cela peut paraître idiot, mais l'une des principales plaintes des patients est qu'ils se sentent vraiment ignorés», note le Dr Donovan. La complaisance de la part du médecin peut entraîner un retard dans le diagnostic et le traitement ou conduire à un traitement inapproprié. Cela peut également avoir un impact sur la santé mentale du patient, car la perte de cheveux affecte l'estime de soi et l'identité personnelle. «Il est important de prendre ces préoccupations au sérieux. La perte de cheveux n’a pas seulement un effet cosmétique, elle a aussi un impact psychologique très important sur ces patients», ajoute le Dr Thuraisingam. La façon dont les médecins réagissent à la plainte d'un patient concernant la perte de cheveux, en particulier à un âge précoce, est cruciale. «L'approche adoptée par le médecin de famille contribue grandement à aider les patients à composer avec leur perte de cheveux», estime le Dr Donovan. 2. Comprendre les trois affections les plus courantes Bien qu'il existe de nombreuses affections dermatologiques qui touchent les cheveux, il y en a trois que les médecins rencontrent plus souvent dans leur cabinet, selon les deux spécialistes. Si un médecin sait comment diagnostiquer et traiter les trois plus courantes, «il sera en mesure d'aider 98% des patients qui passent le seuil de sa porte», assure le Dr Donovan. Il est bien sûr essentiel de diagnostiquer avant de traiter, car chaque affection est traitée différemment, précise-t-il. L'un des problèmes les plus courants que les médecins peuvent rencontrer est l'effluvium télogène (TE), ou chute des cheveux. Les causes du TE sont nombreuses: carence en fer, carence thyroïdienne, autres carences nutritionnelles, infection, traitement médicamenteux, choc ou stress important comme la perte d'un être cher, hémorragie, notamment. Demandez un test sanguin pour aider à déterminer la cause sous-jacente. Selon le Dr Donovan, tous les patients qui s'inquiètent de la perte de leurs cheveux «devraient quitter le cabinet avec une requête d'analyse sanguine afin de ne pas passer à côté de certaines de ces causes courantes», croit le Dr Donovan. Une bonne anamnèse du patient est également essentielle, y compris des questions sur les maladies contractées récemment. Par exemple, le Dr Thuraisingam voit beaucoup de patients souffrant de TE après avoir contracté la COVID-19. Une autre affection courante est l'alopécie androgénétique, ou perte de cheveux héréditaire liée à l'âge. Le Dr Thuraisingam conseille aux médecins de demander aux patients depuis combien de temps ils perdent leurs cheveux afin d’obtenir des indices sur un déclencheur possible et déterminer s'il s'agit d'une perte récente ou non. Par exemple, si les patients ont eu la COVID-19 suivi d'une mue, il pourrait s'agir d'une TE déclenchée par une infection. En revanche, si la perte de cheveux dure depuis des années, il s'agit plus probablement d'une alopécie androgénétique. Il suggère que les médecins effectuent un examen du cuir chevelu pour vérifier le dégarnissement de la chevelure et voir si cela cadre avec l'alopécie androgénétique. La troisième affection courante est l'alopécie areata, une maladie auto-immune qui touche environ 2 % des gens au cours de leur vie. Elle se manifeste souvent par des plaques chauves en forme de pièces de monnaie sur le cuir chevelu. Les cheveux individuels autour sont épais mais deviennent plus minces plus près du cuir chevelu, ce que l'on appelle une morphologie en point d'exclamation. Dans certains cas, d'autres parties du corps, comme les cils, les sourcils ou les poils de barbe, sont affectées, précise le Dr Thuraisingam. Les enfants d'âge scolaire peuvent également présenter une Tinea capitis (teigne), une infection fongique du cuir chevelu. Celle-ci peut se manifester par de petites papules laissant des plaques squameuses s’apparentant à des pellicules, une alopécie et des cheveux cassants ou de nombreuses petites pustules et une perte de cheveux entraînant des zones dénudées sur le cuir chevelu. Une culture fongique est nécessaire pour confirmer le diagnostic. Lors de l'anamnèse, le Dr Donovan conseille aux médecins de considérer le site de la perte de cheveux, la vitesse de la perte de cheveux, les symptômes, la prise éventuelle de suppléments ou de médicaments et la quantité de cheveux perdus. Selon lui, il est particulièrement important de poser des questions détaillées sur les symptômes pour en comprendre la gravité. 3. Apprendre à prescrire et à administrer les traitements courants Le Dr Donovan conseille aux médecins de se familiariser avec la prescription du minoxidil, car il peut améliorer un certain nombre de problèmes capillaires: «Nous l'utilisons souvent pour plusieurs affections capillaires, y compris l'alopécie areata.» Les patients doivent néanmoins savoir qu'il faut jusqu'à six mois pour que le minoxidil fasse effet et qu'il peut y avoir une perte accrue de cheveux pendant le premier mois de traitement. Le Dr Thuraisingam explique à ses patients que le minoxidil «élimine tous les mauvais cheveux pour faire place aux bons cheveux». De cette façon, les patients n'arrêtent pas le médicament. Les médecins doivent avertir les patients sur les effets secondaires possibles du minoxidil, comme les poils sur le visage, les maux de tête ou les vertiges. «Ils ne sont heureusement pas très fréquents», a déclaré le Dr Donovan. Les patientes qui planifient une grossesse doivent éviter le minoxidil oral ou topique. Le traitement de première intention de l'alopécie androgénétique est le minoxidil topique et, chez les hommes, le finastéride oral. Un vaste essai clinique randomisé a révélé que le finastéride n'était pas efficace chez les femmes atteintes d'alopécie androgénétique. En outre, les patientes qui prévoient une grossesse ne doivent pas prendre de finastéride ni toucher les pilules brisées. Les médecins devraient envisager d’initier les traitements de leurs patients à des doses plus faibles. Bien que la dose recommandée pour le finastéride soit de 1 mg, les médecins peuvent ainsi prescrire 0,5 mg, par exemple, a suggéré le Dr Donovan lors d'un webinaire. Le traitement de première intention de l'alopécie areata fait appel aux stéroïdes topiques, aux traitements stéroïdiens par injection ou au minoxidil. Pour les injections, l'acétonide de triamcinolone peut être injecté à des concentrations de 2,5 mg/mL à 10 mg/mL. Les traitements sont répétés toutes les quatre à six semaines. Les patients peuvent appliquer une crème anesthésiante au préalable, selon une revue clinique des traitements de l'alopécie areata publiée dans Canadian Family Physician. Bien que certains traitements soient plus efficaces que d'autres, tous comportent un risque de rechute après l'arrêt du traitement. L'un des objectifs du Dr Donovan pour les prochaines années est de former les médecins de famille afin qu'ils se sentent à l'aise d’effectuer des injections de stéroïdes et que les patients n'aient pas besoin d'attendre une prise en charge en dermatologie. «Ce n'est pas une technique difficile», pense-t-il. En un mois, elle peut faire repousser les cheveux et «changer radicalement la façon dont les patients se sentent». Les médecins peuvent suivre les progrès engendrés par le traitement à l'aide de simples photos. Les équipements permettant de mesurer la densité capillaire ne permettent pas toujours de saisir les bénéfices d'un traitement du point de vue du patient. «Si vos photos ne montrent pas d'amélioration, il n'y a probablement pas d'amélioration», résume le Dr Donovan. Les patients sont souvent attirés par les nouveaux traitements pour améliorer leur chevelure, mais les médecins devraient voir avec eux si ces derniers sont sûrs, abordables, réalisables et efficaces, croit le Dr Donovan. 4. Surveiller les signaux d'alarme Les médecins doivent être à l'affût des symptômes inquiétants qui méritent d'être adressés à un dermatologue. Parmi eux: les démangeaisons, les brûlures, les ecchymoses, la sensibilité ou la douleur importantes du cuir chevelu. La perte massive de cheveux est un autre signal d'alarme. On parle d'une perte de cheveux que l'on retrouve partout dans la maison, et pas seulement sur la brosse. Certains patients ont des démangeaisons après une coloration ou des traitements capillaires, mais des démangeaisons ou des brûlures importantes qui font que «les gens viennent avec un sac de glace sur le cuir chevelu» constituent les cas où les patients ont souvent besoin d'une biopsie du cuir chevelu, explique Dr Donovan. Elles sont nécessaires pour exclure ou confirmer des conditions telles que l'alopécie cicatricielle, précise le Dr Thuraisingam. Les médecins qui exercent dans des régions éloignées, ou lorsque l'accès à une consultation en dermatologie est limité, pourraient envisager d'apprendre à réaliser une biopsie du cuir chevelu. «Ce n'est pas une technique difficile à réaliser», selon le Dr Donovan. 5. Reconnaître que la perte de cheveux diffère d'une personne à l'autre Les médecins doivent apprendre à reconnaître les schémas de perte de cheveux dans différentes populations. Par exemple, l'alopécie androgénétique peut être différente chez les femmes et chez les hommes. Chez les femmes, elle commence souvent au milieu du cuir chevelu. «Chez les hommes, il est facile de la reconnaître car on a l'habitude de la voir dans la population générale», note le Dr Donovan. «L'une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas beaucoup de bons exemples de calvitie féminine dans notre société est que les femmes se donnent beaucoup de mal pour la cacher», ajoute-il. Les pratiques de coiffage peuvent aussi être à l'origine de la chute des cheveux, comme l'alopécie de traction due à l’étirement exercé sur les cheveux. Les coiffures telles que les tresses, les chignons ou les nattes peuvent provoquer ainsi une alopécie de traction. Celle-ci touche principalement la zone frontale, les tempes, et la zone autour des oreilles. Les médecins doivent également tenir compte des pratiques de soins capillaires des différentes populations avant de recommander un traitement. Par exemple, les cheveux noirs ont moins besoin d'être lavés, et un traitement par shampooing peut ne pas être approprié pour ces patients. L'Académie américaine de dermatologie dispose de ressources pour ces cas-là.

Perte de cheveux: 5 conseils pour aider vos patients

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes