Opération lavage de mains à l’Hôpital Pierre-Le Gardeur: économies massives et réduction des infections nosocomiales

Au début des années 2000, l’ancien Hôpital Pierre-Le Gardeur affichait un bilan négatif en matière d’infections nosocomiales. Une hausse majeure de la clientèle avait entraîné une augmentation des infections à SARM de 61 %. Préférant traiter les problèmes en amont plutôt que de soigner des patients victimes d’infections qui auraient pu être évitées, l’établissement a décidé d’en faire une priorité et une vaste mobilisation a été entreprise afin de renverser cette tendance.Sept ans après le début d’une vigoureuse opération de lavage de mains menée auprès du personnel, des patients et des visiteurs, le responsable médical de la prévention des infections, le microbiologiste-infectiologue Pierre-Jean Maziade et la direction se... frottent les mains. Cette campagne de prévention a en effet permis de réduire le nombre d’infections à SARM de 70 %, en dépit d’une augmentation importante de la clientèle, et engendré des économies de millions de dollars en soins de santé. Cette initiative a été saluée par l’obtention du Prix d’excellence 2010 du Ministère, dans la catégorie « Sécurité des soins ».Actions de terrainDepuis 2003, des équipes dédiées à l’hygiène des mains se déplacent avec leur chariot de produits désinfectants afin de sensibiliser le personnel, les patients et les visiteurs aux infections nosocomiales et à l’importance de se laver les mains. Lors de notre visite, un panneau géant installé à l’entrée de l’hôpital et des affiches conviaient les patients à demander au personnel de se laver les mains avant de leur donner des soins. Des macarons, des napperons à la cafétéria, des jeux-questionnaires et même des biscuits chinois porteurs d’un message de prévention des infections ont également été utilisés pour rappeler l’importance du geste.Lancement de la campagneEn 2002-2003, le nombre de cas de SARM dans cet hôpital s’élevait à 108 par année. Des observations ont démontré que le personnel de soins ne se lavait pas les mains régulièrement et les patients étaient laissés à eux-mêmes en matière d’hygiène. En avril 2003, à l’initiative du Dr Maziade, une campagne a été mise en branle dans l’ancien hôpital afin de laver les mains des patients trois fois par jour, sept jours par semaine, pour éviter qu’ils ne soient infectés par le SARM.Ce travail a été confié à des équipes dédiées qui parcourent les unités sept jours sur sept. Après un an, ces préposées avaient réalisé trois millions de lavages de mains et utilisé 3000 litres de Stérigel. Les résultats se sont vite fait sentir.« En révisant les cas d’infections de SARM cette année-là, nous nous sommes aperçus qu’elles avaient diminué de 55 % en tout. Nous sommes passés de 108 infections à 48 », dit le Dr Maziade. Les résultats de cette démarche ont été publiés dans le Journal of Hospital Infection, une publication britannique.Les quatre préposées effectuent maintenant quatre millions de lavages de mains chaque année.DéménagementEn 2004, l’hôpital a déménagé dans ses locaux actuels. Le manque de lits a entraîné des débordements et une promiscuité propice à la propagation des infections. Mais en maintenant les mesures de prévention, le nombre d’infections à SARM a continué à baisser. Même si le nombre d’admissions a grimpé de 50 %, pour atteindre 15 000 personnes, seulement cinq cas de SARM sont apparus en 2009-2010. En quelques années, le nombre de cas est donc passé de 108 à 5. L’unité d’isolement de 30 lits destinés aux victimes du SARM n’a jamais servi. Seules quelques chambres ont été isolées occasionnellement.Coûts et économiesCes mesures de prévention sont peu dispendieuses. Au départ, elles s’élevaient à 200 000 $ annuellement, mais elles ont diminué à 150 000 $ par an. Les économies en matière de soins sont beaucoup plus élevées que le coût de cet investissement dans la prévention.« Des études ont montré qu’une infection à SARM coûte environ 10 000 $, précise le Dr Maziade. Un patient colonisé, mais pas infecté, coûte environ 1000 $. Nous avons aussi beaucoup réduit leur nombre. En évitant des cas de SARM, l’économie nette pour l’hôpital s’élève à 812 000 $ par an, de façon récurrente. »Un exemple à suivreMême si le lavage de mains a permis de réduire significativement le nombre de cas de SARM, la pratique n’est pas institutionnalisée à 100 %, même chez les médecins. Il reste encore des poches de résistance. Le taux d’observance n’a jamais dépassé 65 %. Selon le Dr Maziade, il reste encore un tiers du personnel soignant qui ne se lave pas les mains entre chaque patient. Une campagne a donc été relancée, invitant les patients à demander au personnel de le faire avant qu’ils ne leur donnent des soins.ExportableAvec le nombre de patients qu’il traite, l’Hôpital Pierre-Le-Gardeur devrait faire face à environ 850 infections nosocomiales confondues par an. Il en voit environ 120, ce qui représente moins de 1 % de toutes les admissions. Le Dr Maziade croit que le modèle de prévention mis en place dans son établissement est facilement exportable ailleurs. « Nous aimerions que plusieurs hôpitaux prennent exemple sur nous. Nous sommes ouverts. Nous recevons des demandes d’informations, même d’autres pays. »Le Dr Maziade chiffre à six millions $ les économies réalisées en diminuant l’ensemble des infections nosocomiales dans l’hôpital. Si tous les hôpitaux du Québec en faisaient autant, les gains en matière de soins, de souffrances physiques et de coûts de système seraient énormes. « Je ne suis pas en politique, mais je crois vraiment que cette démarche de prévention doit faire son chemin dans le milieu médical. Ce n’est pas si difficile que cela à implanter et à réaliser, et les résultats sont là », conclut le Dr Maziade.

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